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Dans la dernière livraison du British Medical Journal (BMJ), un chercheur danois suggère aux gouvernements, dont celui de la France, qui ont constitué des stocks de Tamiflu durant la pandémie grippale, d'intenter un procès contre son fabricant, le laboratoire Roche. Selon l'auteur, cet antiviral serait tout simplement inefficace contre la grippe ! Interrogé par l'agence de presse Destination Santé, Bruno Lina, virologue et directeur du Centre national de référence de la grippe à Lyon, relativise.
Rappel de l'histoire : le 29 octobre dernier, Fiona Godlee, rédactrice en chef du BMJ publie une lettre ouverte au laboratoire Roche. Elle y demande que la firme suisse publie l'intégralité des études réalisées sur l'oseltamivir (Tamiflu). Selon Fiona Godlee, certaines données concernant 10 études différentes n'auraient pas été publiées...
La réaction de Roche n'a pas tardé. « Nous n'acceptons pas et ne sommes pas d'accord avec le contenu de cette lettre mettant en cause notre manque de transparence », a rétorqué le fabricant dans un communiqué. Avant d'ajouter : « nous nous sommes conformés à l'ensemble des exigences légales en la matièrematière » en rendant l'ensemble des données publiques.
Le Tamiflu s'en prend au virus de la grippe. Il diminue les délais de la maladie dans le cas des grippes banales. En revanche, quelle est son efficacité pour les formes sévères ? © Sanofi-Pasteur, Flickr, cc by nc nd 2.0
Le Tamiflu a-t-il des secrets à cacher ?
Cette semaine, nouvelle attaque, toujours dans le BMJ, sous la plume cette fois-ci de Peter Gøtzsche du Nordic Cochrane Centre de Copenhague, au Danemark. Non seulement il suggère aux gouvernements concernés d'attaquer le laboratoire en justice, mais il demande aussi à ses confrères de boycotter l'ensemble des médicaments fabriqués par le groupe suisse. En tout cas, « jusqu'à ce qu'il publie l'intégralité de ses données concernant l'oseltamiviroseltamivir »...
Depuis son laboratoire lyonnais, Bruno Lina suit la polémique, sourire aux lèvres. « J'ignore l'état des relations entre le BMJ et Roche mais quasiment tous les ans au début de l'hiverhiver, ce journal publie un article pamphlétaire sur le Tamiflu ». Voilà pour la forme.
Sur le fond, il admet qu'« il n'existe pas à ce jour d'étude en double aveugleétude en double aveugle et contre placébo concernant l'efficacité du Tamiflu sur les formes graves de grippe. En revanche, il en existe bien sur les formes banales qui montrent une légère réduction de la duréedurée des symptômes. Pour les formes sévères, nous ne bénéficions que d'études observationnelles qui font état d'une diminution de la mortalité ».
Roche va-t-il investir des ressources dans ce type de travail ? Bruno Lina en doute. Il craint surtout que cette situation soit inextricable. « De toute façon, lorsqu'un laboratoire réalise une étude sur l'un de ses produits, on lui dit que le résultat n'en est pas objectif. Et si les études sont réalisées par des experts indépendants comme dans notre cas, ils sont accusés d'être à la solde du labo... »