au sommaire
Même si l'épidémie de grippe A(H1N1)grippe A(H1N1) régresse au Mexique et suscite moins d'inquiétude, sa progression et sa dangerosité ressemblent aux caractéristiques d'un début de pandémie. Les décisions de l'OMS de passer aux niveaux d'alerte 4 puis 5 et les mesures de protection prises par de nombreux pays se justifient au moins en partie. C'est ce que conclut une étude venant de paraître dans la revue Science. Menée par Neil Ferguson, de l'Imperial College of London, l'équipe (comprenant des scientifiques britanniques, mexicains et suisses) a analysé les données enregistrées par les autorités sanitaires et par l'OMS pour déterminer la vitessevitesse d'extension de l'épidémie.
La maladie aurait commencé à se propager au Mexique le 15 février et aurait causé à la fin du mois d'avril environ 23.000 contaminations et 91 décès. Selon les auteurs, comme pour beaucoup d'autres, le nombre de cas réels ne peut qu'être sous-estimé car la maladie reste parfois bénigne chez des sujets qui, néanmoins, sont porteurs, et même colporteurs, du virusvirus. L'étude estime à 32.000 le nombre de personnes touchées à cette date. Ces chiffres sont bien plus élevés que les valeurs indiquées par les autorités sanitaires, qui comptabilise actuellement 5.000 contaminations dans le monde.
Embryon de pandémie ?
Les auteurs ont également estimé le taux de létalité, c'est-à-dire le nombre de décès parmi les personnes atteintes par la maladie. L'incertitude reste très grande. Ce taux serait compris entre 0,3% et 1,5% avec une valeur probable d'environ 0,4%, soit 4 décès pour 1.000 personnes atteintes, contre moins de 1 pour 1.000 pour les autres formes de la grippe (et 61% pour la grippe aviaire).
Pour la virulence, Neil Ferguson et son équipe avance pour le virus A(H1N1) une dangerosité supérieure à celle de la grippe saisonnière. Pour une personne infectée, le virus se propagerait en moyenne chez 1,2 à 1,6 personne. Rapportée aux populations concernées, cette valeur fait de l'épidémie de grippe A(H1N1) une maladie se propageant mieux que la grippe banale, qui touche habituellement 10 à 15% des gens, mais restant en deçà de ce que l'on attend d'une pandémie, qui se répand à environ 25 à 30% de la population.
Dans leur conclusion, les auteurs estiment que la situation actuelle ressemble, par la vitesse de propagation et par le taux de létalité, aux premiers stades de la pandémie grippale survenue en 1957 et qui avait causé deux millions de morts. En revanche, cette épidémie serait moins grave que la terrible pandémie de 1918-1919, due à un virus A(H1N1) et qui avait provoqué des dizaines de millions de victimes dans le monde.
Les enfants plus fragiles ?
Les données s'attardent également sur une curiosité. Dans le village de La Gloria, au Mexique, où est censée être apparue l'épidémie, les enfants sont deux fois plus touchés que les adultes. Parmi les moins de quinze ans, en effet, on note 61% de personnes infectées contre 21% chez les autres. Les deux hypothèses envisageables sont que les enfants contractent plus facilement le virus, par exemple parce qu'ils ont davantage de contacts entre eux à l'école, ou bien que les adultes savent mieux se défaire de la maladie.
Première du genre, parce qu'elle regroupe des données de nombreuses régions, avec la collaboration de l'OMS, l'étude souffre cependant de larges incertitudes. En France, Antoine Flahaut, épidémiologiste et directeur de l'Ecole des hautes études en santé publique, s'est fait plus alarmiste lors d'une conférence à RennesRennes. Selon lui, 35% de la population française pourrait être touchée et l'Hexagone pourrait déplorer 30.000 morts. « Mais au niveau individuel, ce n'est qu'une grippe » a-t-il souligné, cité par l'AFP.
Les autorités sanitaires ont donc des raisons de prendre l'affaire au sérieux, même si l'énormité du marché mondial du porc n'est sans doute pas étrangère à un certain nombre de mesures visant à réduire les importations. L'argument sanitaire devient alors un bon moyen de contrer les obligations du libre échange. « C'est surtout dans le cas des Russes que l'on peut parler de protectionnisme », expliquait au journal Le Monde Andrew Cookson, du cabinet d'études Girafood.