Pourquoi faut-il prendre l'actuelle épidémie grippale très au sérieux ? Quelles sont les raisons de rester sereins ? Bruno Lina, qui dirige le Centre national de référence de la grippe à Lyon, répond à ces questions.
Contre la pandémie grippale, la prévention peut être efficace. © DigitalProshoot / Fotolia

Contre la pandémie grippale, la prévention peut être efficace. © DigitalProshoot / Fotolia

Quatre mois après l'alerte de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) faisant état de plusieurs centaines de cas de grippe porcine au Mexique et aux Etats-Unis, le virus A(H1N1) circule désormais dans plus de 170 pays. Pour le professeur Bruno Lina, virologue et directeur du Centre national de référence de la grippe à Lyon, le virus, très contagieux, induit un taux de mortalité supérieur à celui dû à la grippe saisonnière mais difficile à évaluer. Selon lui, les plans mis en place, notamment en France, sont efficaces.

Pourquoi cette épidémie doit-elle être prise très au sérieux ?

  • Le virus A(H1N1) est nouveau. « Ce virus arrive sur un terrain immunologique naïf », explique le Pr Lina. Autrement dit, « personne n'a d'anticorps pour le combattre ». Les conséquences ? « Si l'on ne fait rien, l'infection de tous est inéluctable, avec une vie en société totalement bouleversée. L'objectif du Plan Pandémie est justement de limiter la diffusion du virus de façon à ce que la société soit la moins désorganisée possible ».
  • ... et particulièrement contagieux. D'après Bruno Lina, « l'épidémie pourrait toucher 10 fois plus de personnes que la grippe saisonnière », d'où le chiffre avancé de 20 millions de malades potentiels en métropole...
  • Des populations à risque. A l'échelle mondiale, 40% des cas graves (ces derniers étant très minoritaires par rapport à l'ensemble des cas) surviennent chez des enfants ou des adultes en général de moins de 50 ans et en bonne santé. Les autres cas touchent des patients souffrant de pathologies sous-jacentes (troubles respiratoires ou cardiaques, diabète, asthme...) ou ayant un système immunitaire affaibli (dû à un traitement anti-cancéreux, à une infection par le VIH...). Trois autres populations sont particulièrement fragilisées par ce virus A(H1N1) : « les femmes enceintes, les obèses sévères et les éthyliques chroniques ».
  • Un taux de mortalité encore difficile à évaluer. « Pour le virus pandémique, il se situerait entre 0,1% et 1% » avance prudemment Bruno Lina alors qu'il est de 0,1% pour la grippe classique. « Les personnes succombent à une infection virale aiguë (œdème pulmonaire pouvant conduire à une insuffisance respiratoire). »

Quelles sont les raisons de rester sereins ?

Un plan pandémie « remarquable ». « Doté d'un aspect santé et d'un autre lié à l'organisation du pays, le plan français est très abouti, poursuit notre spécialiste. Or à la lumière de ce que nous observons actuellement dans les pays du Sud, les plus préparés comme l'Australie s'en sortent bien mieux que d'autres - l'Argentine par exemple - qui avaient moins anticipé. »

Un virus peu virulent. L'immense majorité des patients va présenter des symptômes grippaux classiques : fièvre, toux, maux de tête, douleurs musculaires et articulaires, maux de gorge... Ils vont guérir soit spontanément, soit sous traitement antiviral, généralement en moins d'une semaine.

Des traitements efficaces. « La prise en charge médicamenteuse est efficace », confirme Bruno Lina. Les dernières études ont montré que les antiviraux - l'oseltamivir notamment - réduisaient sensiblement le risque de pneumonie chez les malades qui présentent une forme sévère de la maladie où dont l'état s'aggrave subitement.

Le vaccin arrive... « La prévention vaccinale va marcher », poursuit le virologue, catégorique. A condition bien sûr que le virus ne mute pas de façon spectaculaire d'ici l'automne. « C'est pour cette raison que nous le surveillons de très près. Et pour l'instant, il n'a pas évolué. »