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Pourquoi le chloroformechloroforme et l'étheréther nous emportent-ils dans les bras de Morphée ? Pendant un siècle et demi, personne ne l'a su. L'énigme a été résolue en 1999 par une équipe de l'Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire du CNRS à Sophia-Antipolis menée par Michel Lazdunski. Initialement spécialiste des protéines et de leurs formes, notamment pour expliquer le fonctionnement des enzymesenzymes, il s'est ensuite intéressé aux canaux ioniques, dont il est devenu un spécialiste reconnu. Ces canaux sont ceux qui traversent la membrane des cellules, permettant à différentes substances, en l'occurrence des ionsions, de sortir ou d'entrer. Ils sont constitués de protéines (donc d'énormes moléculesmolécules), fichées dans la membrane comme des rivets sur la tôle d'un avion.
Ces canaux sont porteurs de charges et ne livrent le passage qu'à des ions, tels le sodiumsodium, le potassiumpotassium ou le chlorechlore. L'équipe de Michel Lazdunski a démontré que les anesthésiques généraux volatils - comme l'éther et le chloroforme - s'en prennent spécifiquement aux canaux faisant passer les ions potassium et les maintiennent ouverts. Dans les cellules nerveuses, cette ouverture empêche le passage de l'influx nerveuxinflux nerveux (qui se propage comme une vaguevague de polarisation le long de la fibre). Voilà pour l'effet.
L’araignée et le scorpion au service de la science
Essentiels pour la cellule et pour le métabolisme de l'organisme, ces canaux ioniques interviennent dans d'innombrables fonctions : voilà le domaine qu'a exploré Michel Lazdunki, avec ses équipes, durant un quart de siècle. L'Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire s'est intéressé aux veninsvenins et a isolé de multiples toxines offertes par, notamment, des abeilles, des anémones de mer, des araignéesaraignées, des serpents et des scorpions.
Chacune de ces toxines cible spécifiquement certains canaux ioniques et pas d'autres. Grâce à elles, les biochimistesbiochimistes ont ainsi étudié de plus près la grande diversité des canaux ioniques et leurs manières de fonctionner. Ces recherches auront des implications en médecine et en pharmacologie, concernant par exemple les maladies cardiovasculairesmaladies cardiovasculaires, musculaires, ou l'hypertensionhypertension. Les fabricants d'insecticidesinsecticides, et d'autres encore, utiliseront aussi ces travaux, à tel point qu'il est difficile de faire la liste de toutes les implications de ces études...
Après la Médaille d'argentargent en 1976, le CNRS a remis en 2000 la Médaille d’or à Michel Lazdunski pour l'ensemble de ses travaux. L'homme, qui n'a jamais oublié l'enseignement, a reçu bien d'autres récompenses, dont le Grand Prix de l'Académie des sciences pour la recherche biologique (prix Charles Léopold Mayer), en 1983.
Aujourd'hui, il vient d'ajouter la Médaille d'or 2011 Ernst Jung pour la médecine de la Fondation Jung, un prix considéré comme prestigieux.