Une étude nationale révèle les pratiques médicales relatives à la fin de vie du patient. Bien qu’illégale en France, l’euthanasie concernerait 0,6 % des décès. Un phénomène marginal en parallèle de la loi dite Leonetti, permettant d’empêcher l’acharnement thérapeutique.

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    L'euthanasie est légale dans certains pays, comme en Belgique, aux Pays-Bas ou au Luxembourg. En France, elle reste interdite mais est pourtant pratiquée. Quelques cas particuliers ont alimenté le débat dans l'Hexagone. © Phovoir

    L'euthanasie est légale dans certains pays, comme en Belgique, aux Pays-Bas ou au Luxembourg. En France, elle reste interdite mais est pourtant pratiquée. Quelques cas particuliers ont alimenté le débat dans l'Hexagone. © Phovoir

    L'euthanasie, selon le Petit Robert, consiste en « l'usage de procédés qui permettent d'anticiper ou de provoquer la mort, pour abréger l'agonie d'un malade incurable ou lui épargner des souffrances extrêmes ». Illégale en France, elle est néanmoins pratiquée à un degré inconnu... jusqu'à aujourd'hui. Pour la première fois, l'Institut national d'études démographiques (Ined) démontre le niveau réel de l'euthanasie : celle-ci serait pratiquée pour 0,6 % des décès.

    Le travail rendu public par l'Ined a été mené auprès de médecins qui ont répondu sous couvert d'anonymat, et a pris en compte 5.000 décès survenus en 2010 en milieu hospitalier, à domicile et dans divers établissements médicosociaux.

    En liaison avec l'Observatoire national de la fin de vie (ONFV), cette première étude sur les conditions de la fin de vie en France était largement inspirée par des travaux similaires réalisés en Belgique et aux Pays-Bas. Deux pays où l'euthanasie est légale depuis 10 ans. Pour l'étude française, les auteurs ont interrogé les médecins ayant signé les certificatscertificats de décès.

    Arrêt du traitement, excès d'antidouleurs... Certains médecins pratiquent parfois l'euthanasie alors que la loi le leur interdit. © Anatoly43, <a href="http://bit.ly/Kh6tfi" target="_blank">StockFreeImages.com</a>

    Arrêt du traitement, excès d'antidouleurs... Certains médecins pratiquent parfois l'euthanasie alors que la loi le leur interdit. © Anatoly43, StockFreeImages.com

    L’euthanasie pratiquée dans l’illégalité

    Au total, sur 5.000 décès, « 148 (soit 3,1 %) ont été provoqués par une décision médicale prise dans l'intention délibérée de mettre fin à la vie du patient », souligne l'ONFV. Or, seules 29 de ces décisions ont été prises sur la demande explicite du patient concerné... L'euthanasie sur demande formulée par le patient ne serait donc impliquée que dans 0,6 % des décès en France. Précision supplémentaire : ces morts provoquées le sont dans « [un tiers des cas] par administration d'une substance létale. Les [deux tiers] restants sont principalement le fait de médecins qui ont intensifié les antidouleurs dans le but de provoquer la mort, ou qui ont arrêté une réanimation », nous précise Lucas Morin, directeur de l'ONFV.

    Si en France, la loi Leonetti de 2005 maintient l'interdiction de donner délibérément la mort à autrui, elle condamne « l'obstination déraisonnable », aussi appelée acharnement thérapeutique. Elle donne également le droit au patient de refuser un traitement. Selon les auteurs de l'étude de l'Ined, « sa mise en œuvre reste très inégale. Les décisions de fin de vie ne sont pas suffisamment discutées avec les patients ni avec les équipes soignantes. Ainsi, quand les personnes [en fin de vie] étaient considérées comme capables de participer à la décision, celle-ci n'a fait l'objet d'aucune discussion [avec elles] dans plus d'un cas sur 5. Plus grave, lorsque la personne malade était inconsciente, la décision d'arrêter le traitement a été prise par un médecin seul dans la moitié des cas»

    Des données fiables sur la fin de vie et l'euthanasie en France

    Il en ressort qu'un peu moins de 7 % des décisions visant à limiter ou à interrompre les traitements sont effectivement prises à la demande du patient. En fait, seuls 2,5 % des malades concernés avaient rédigé des directives anticipées, comme les y autorise la loi Leonetti. Dans un cas sur 4, la décision a été prise par une « personne de confiance » désignée pour représenter le malade.

    Ainsi, selon l'ONFV, on dispose enfin « pour la première fois de données fiables [permettant] d'appréhender de façon rigoureuse la réalité de la fin de vie dans notre pays ». Voilà de quoi alimenter le débat public en données de qualité.