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Cette image montre la formation de nouveaux vaisseaux sanguins dans des tissus tumoraux à cause de CPEB4. © IRB Barcelona / IMIM
La piste est prometteuse. Raùl Méndez et son équipe de l'Institut pour la recherche en biomédecine (IRB)) de Barcelone viennent de publier dans Nature Medicine du 1er décembre des résultats novateurs dans le vaste champ de la reprogrammation génétique. Les chercheurs espagnols ont pu montrer que la protéine CPEB4 (pour cytoplasmic polyadenylation element binding protein 4) joue un rôle comparable à un chef d'orchestre, régulant des centaines de gènes à elle toute seule.
Cette protéine se lie à de très nombreux ARN messagers différents, qui vont à leur tour transmettre une information, erronée, dans les étapes suivantes de la synthèse protéique. Ainsi, l'expression et la régulation des gènes de la cellule vont être modifiées. On se retrouve alors dans une situation comparable à ce que l'on trouve habituellement lors de la période embryonnaire, une phase durant laquelle les divisions cellulaires s'enchaînent. Or ce n'est pas ce que l'on attend d'un tissu adulte, qui a vocation à rester bien plus stable. Pourtant c'est exactement ce qui se passe dans le cas d'une tumeur.
Les cellules cancéreuses (ici celles d'une tumeur mammaire) ont la particularité de se diviser sans arrêt. Le CPEB4 induirait un état cellulaire proche de celui qui existe durant le développement embryonnaire. © TheJCB, Flickr CC by nc sa 2.0
Lors de leurs travaux, les scientifiques ont par exemple pu montrer que ce mécanisme induisait une plus forte expression de l'activateur tissulaire du plasminogèneactivateur tissulaire du plasminogène (tPA), dont on connaît la forte responsabilité dans le développement de tumeurs pancréatiques. Cette enzymeenzyme se retrouve en faible quantité dans un pancréas sain, mais atteint des taux bien plus élevés dans les tissus malades.
Des tumeurs réduites de 80 %
Dans cet article, les auteurs ont remarqué que seules les cellules tumorales présentaient ce CEPB4, tandis que les organes en bonne santé étaient épargnés. Cela met donc les chercheurs sur la voie d'une thérapie de ces cancerscancers par inhibitioninhibition de CPEB4. Et les résultats sur les souris sont encourageants. Celles chez qui les chercheurs avaient induit des cancers humains ont vu leurs tumeurstumeurs perdre 80 % de leur volumevolume dès lors que l'on avait poussé la protéine CPEB4 au silence.
Si l'étude ne s'est focalisée que sur des cancers pancréatiques et des glioblastomes, les scientifiques espagnols se montrent très optimistes. « Par les effets observés dans les tumeurs examinées et le type de gènes régulés par ce mécanisme, nous pensons que ce mode opératoire se retrouve dans d'autres cancers » lance Pilar Navarro, l'un des coauteurs.
Cependant, cette piste reste encore à creuser. Les chercheurs vont désormais tenter de mieux cerner la structure des inhibiteurs de CPEB4 pour trouver le plus adapté à un usage thérapeutique. Cela passera inéluctablement par l'étude des effets sur différents modèles animaux avant de tenter l'expérience sur des êtres humains.