Pierre Roubertoux et son équipe du CNRS viennent de montrer que des souris au génome nucléaire identique pouvaient avoir un fonctionnement cognitif très différent si elles n'avaient pas les mêmes mitochondries dans leurs cytoplasmes. Or ces dernières ne sont pas transférées avec le noyau lors des procédures de clonage. Les résultats de ces recherches sont publiés dans le numéro de septembre de la revue Nature Genetics.

au sommaire

  • À lire aussi

Dolly, la brebis clonée

Dolly, la brebis clonée

Si le noyau, siège des chromosomes, renferme la quasi totalité des gènes nécessaires à la construction d'un organisme, on en trouve aussi dans d'autres compartiments de la cellule. Une trentaine d'entre eux loge dans les mitochondries. Pierre Roubertoux et son équipe viennent de montrer qu'ils pouvaient modifier l'anatomie du cerveau, le développement, l'apprentissage, le comportement et le vieillissement chez la souris. On se doutait déjà de l'implication de cet ADN mitochondrial dans des troubles du système nerveux. C'est la première fois que l'on dispose de preuves directes de son action sur le fonctionnement cognitif.

Dans la revue Nature Genetics, les chercheurs soulèvent des interrogations quant au clonage thérapeutique et à certaines procréations médicalement assistées, qui mettent en présence un noyau avec des mitochondries étrangères. Ces techniques consistent en effet à prélever le noyau d'une cellule et à l'introduire, seul, dans un ovule énucléé. Les mitochondries, qui baignent dans le cytoplasme, n'accompagnent pas ce transfert. Elles sont remplacées par celles de l'ovule d'accueil. Pas nouvelle, l'information était connue mais négligée jusqu'à aujourd'hui. A tort : les chercheurs du CNRS le prouvent avec des souris qui, comme les clones, ont des génomes nucléaires identiques mais des mitochondries différentes. Seuls 37 gènes mitochondriaux les séparent, dont 13 seulement codent pour des protéines. C'est peu comparé aux quelque 30 000 que compte le génome nucléaire des mammifères. Mais c'est suffisant pour modifier le volume du cerveau, la vitesse de développement, les capacités d'apprentissage, la mémoire et les facultés d'exploration. Et cela s'accentue avec l'âge.

Selon la sensibilité du noyau au changement d'ADN mitochondrial, de nouveaux phénotypes comportementaux peuvent apparaître, totalement imprévisibles. C'est cet effet pochette surprise qui pousse Pierre Roubertoux à recommander la prudence : il faut attendre de mieux connaître les mécanismes d'interaction entre ADN mitochondrial et nucléaire avant de se lancer dans le clonage thérapeutique. C'est ce sur quoi il travaille aujourd'hui. Et il encourage ses collègues généticiens à l'imiter. Car, explique-t-il, en tant que neurogénéticien, je me suis surtout intéressé au système nerveux. Ce phénomène concerne sûrement d'autres domaines.