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La classe de CP est marquée par une étape importante dans la vie scolaire et intellectuelle des enfants : c'est le moment où ils apprennent à lire. Mais comment le cerveau des enfants s'adapte-t-il pour acquérir cette nouvelle compétence ? Pour le savoir, des scientifiques de l'institut Neurospin, dirigé par Stanislas Dehaene, ont suivi pendant une année scolaire dix enfants de CP. Tous les deux mois, les enfants sont venus à l'institut pour un test. Ils devaient regarder des images, des visages, des mots, des lettres, et appuyer sur un bouton le plus vite possible lorsqu'ils voyaient un personnage, dénommé Charlie. En même temps, une IRM fonctionnelleIRM fonctionnelle était réalisée.
Chaque catégorie d'image (objets, visages...) active une région particulière du cerveau. À partir de fin novembre, les chercheurs ont observé chez certains enfants qu'une région qu'ils appellent dans un communiqué la « boîte aux lettres » était plus souvent activée pour la reconnaissance des mots que des images. Pour d'autres enfants, cela prenait plus de temps et dépendait de leurs performances de lecture.
L’apprentissage de la lecture utilise la plasticité du cerveau des enfants
À la fin du CE1, quand la lecture était bien acquise, seules deux régions du cerveau étaient activées par les mots : la « boîte aux lettres », dans l'hémisphère gauche, qui reconnaît les lettres, et une région servant à la conversion des lettres en sons, située dans les régions temporales.
Les chercheurs se sont aussi demandé à quoi servaient ces régions cérébrales avant que les enfants apprennent à lire. En fait, la nouvelle « boîte aux lettres » apparaît dans une région qui était peu spécialisée auparavant. Mais le développement des fonctions liées à la lecture dans l'hémisphère gauche entre en concurrence avec celui de la région qui répond aux visages dans cet hémisphère ; dans l'hémisphère droit, cette compétition entre le développement des zones n'existait pas. Ces résultats parus dans Plos Biology montrent donc que l'apprentissage de la lecture augmente l'asymétrie entre les deux hémisphères cérébraux.
Pour lire, le cerveau coordonne l’activité de plusieurs régions !
Article de l'Inserm paru le 15 mai 2012
Pour la première fois, on a pu mesurer simultanément l'activité électrique de plusieurs régions du cerveau impliquées dans la lecture. Ainsi, il a été possible de visualiser qui travaille avec qui et à quel moment précis, donc comment s'organise le dialogue dans l'encéphale. Cette découverte pourrait déboucher sur des applicationsapplications dans le domaine du déficit cognitif, comme l'épilepsie.
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Lire une phrase, tâche simple en apparence, mobilise de nombreux neurones dans des parties du cerveau éloignées les unes des autres. Comment alors mettre en commun l'activité de ces différents neurones pour déchiffrer les mots, leur donner un sens et comprendre une phrase ? À Lyon, l'équipe Inserm dirigée par Jean-Philippe Lachaux au sein de l'Unité Inserm 1028 « Centre de recherche en Neurosciences » a mis en évidence la façon dont ces différentes parties du cerveau dialoguent à distance. Ces travaux sont publiés dans la revue The Journal of Neuroscience.
Pour lire et comprendre une phrase comme celle-ci, plusieurs régions de notre cerveau doivent intervenir pour reconnaître le sens de chaque mot, leur associer une forme sonore et construire progressivement le sens du texte. Chaque région a plus spécifiquement en charge un aspect de la lecture, mais aucune ne travaille seule dans son coin. Le travail se fait à plusieurs grâce à des interactions intenses permettant à chaque aire cérébrale d'échanger avec les autres à longue distance. Comme souvent dans le cerveau, le tout est plus que la somme des parties.
Lire dans le cerveau : sur les traces de l’activité gamma
Il restait toutefois une zone d'ombre importante dans la compréhension de ces mécanismes : la forme prise par ces interactions neuronales à longue distance. Sans cette donnée essentielle, il n'était pas possible de savoir, dans le cerveau, qui travaille avec qui et à quel moment, ni pendant la lecture ni d'ailleurs pendant aucune autre activité cognitive.
Ce schéma illustre les fluctuations de l'activité électrique haute fréquence produite par les neurones des régions temporale (bleu) et frontale (rose) de l'hémisphère gauche du cerveau lors de l'analyse de chaque phrase. © Inserm
Des chercheurs de l'Inserm au sein du centre de recherche en Neurosciences de Lyon, du Collège de France et du CHU de Grenoble viennent d'observer pour la première fois ces interactions neuronales. Pour y parvenir, les groupes dirigés par Jean-Philippe Lachaux, Alain Berthoz et Philippe Kahane ont mesuré directement l'activité électrique produite par les neurones dans le cerveau de personnes occupées à lire. Les résultats montrent que les composantes rapides de l'activité neuronale mesurée dans les aires de la lecture varient de façon corrélée lorsque ces dernières doivent interagir, notamment lors de l'accès au sens du texte.
Ces composantes rapides, qualifiées d'activité gamma, avaient déjà été signalées par cette même équipe comme étant d'excellents biomarqueurs du traitement de l'information dans le cortexcortex : elles n'apparaissent effectivement au sein d'une population neuronale que lorsque celle-ci participe à l'activité cognitive du moment. Cette découverte laissait présager que lorsque deux régions cérébrales communiquent pour traiter conjointement une information, l'activité gamma que l'on peut y mesurer varie de la même façon dans le temps. C'est précisément ce qu'a montré cette étude.
De la lecture à l’épilepsie
Bien que ces conclusions ne concernent que la lecture pour l'instant, la même signature devrait permettre de suivre le dialogue entre les différentes parties du cerveau lors d'états cognitifs très divers, car les communications neuronales à distance semblent jouer un rôle central dans toute la cognitioncognition humaine, pour former une perception cohérente et intelligible du monde qui nous entoure.
Ces recherches devraient également fournir de nouvelles clés pour comprendre, entre autres, les déficits cognitifs associés à de nombreuses pathologiespathologies neurologiques, comme l'épilepsie.