Des chercheurs ont réparé des fractures du tibia chez des cochons nains de laboratoire grâce à une méthode innovante combinant ultrasons, cellules souches et thérapie génique. Cette technique propose une alternative aux greffes d’os, qui sont parfois nécessaires après de graves accidents.

Chaque année, plus de deux millions de greffes osseuses sont réalisées dans le monde. Elles sont souvent nécessaires après un accident de voiture ou le retrait d'une tumeur. De telles blessures créent un espace important entre les deux extrémités d'une fracture, trop large pour espérer que l'os se répare seul.

Pour traiter ces graves fractures, les médecins utilisent donc des greffes d'os : elles consistent à implanter des morceaux d'os du patient ou provenant d'un donneur. Mais cette méthode présente des inconvénients. Si l'os est pris sur le patient, une chirurgie prélève un morceau d'os (par exemple sur le pelvis) pour l'implanter ailleurs. Cela peut engendrer des douleurs, des coûts élevés et de longues hospitalisations. Quant aux greffes réalisées avec des os de donneurs, elles peuvent ne pas s'intégrer correctement et échouer.

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C'est pourquoi une équipe du Cedars-Sinai Medical Center de Los Angeles propose une alternative à ces greffes. Des cochons nains du Yucatan, qui avaient une fracture du tibia, ont servi de cobayes pour tester cette thérapie qui s'effectue en deux temps. Tout d'abord, les chercheurs ont construit une matrice de collagène, une molécule que l'organisme utilise pour construire de l'os. Ils ont implanté cette éponge de collagène au niveau de la fracture. Pendant deux semaines, l'implant devait recruter des cellules souches de l'os de la jambe cassée.

Image du site Futura Sciences

Le collagène est une protéine fibreuse présente dans la matrice de l’os. © ibreakstock, Fotolia

L’os se répare grâce aux cellules souches et au gène BMP-6

Ensuite, les chercheurs ont injecté un ADN circulaire contenant un gène qui stimule la réparation osseuse : BMP-6 (bone morphogenetic protein-6). Des microbulles ont été introduites en même temps et les scientifiques ont appliqué des ultrasons pour faciliter l'entrée de l'ADN dans les cellules. De cette manière, les oscillations des microbulles aidaient les cellules à prendre le gène BMP-6. Résultat : 40 % des cellules situées au niveau du site de fracture ont récupéré le gène.

Grâce à cette thérapie génique, les cellules ont sécrété de manière transitoire la protéine BMP-6, permettant ainsi la régénération de l'os en six semaines. Huit semaines après l'opération, la fracture de la jambe était guérie chez les animaux. Des tests ont montré que l'os nouvellement formé était aussi solide qu'un tissu produit par une greffe d'os.

Ces résultats sont décrits dans un article publié dans la revue Science Translational Medicine. Il reste à savoir si cette technique est sans danger et efficace chez l'Homme pour qu'elle puisse un jour remplace les greffes osseuses. Dan Gazit, un des auteurs de ces travaux, est optimiste : « Nous sommes juste au début d'une révolution en orthopédie ».


Du verre pour réparer les os

Article de Laurent Sacco paru le 12 juin 2008

Des chercheurs britanniques développent actuellement un nouveau type de verre poreux capable de stimuler la croissance osseuse en relâchant du calcium puis de se dissoudre sans laisser de traces. Encore mal compris, le mécanisme physique en jeu est étudié à l'aide de faisceaux de neutrons.

Ce sont les chercheurs de l'Imperial College, à Londres, qui sont à l'origine de cette innovation. Ils sont partis de la constatation que la diffusion locale dans l'organisme d'une quantité bien précise d'ion calcium entraînait l'activation de certains gènes. Ils ont alors eu l'idée de considérer un verre poreux capable de relâcher à une vitesse bien déterminée des ions calcium, du silicium ou d'autres substances actives.

En ajustant la vitesse des réactions à la surface du verre libérant des ions calcium avec le temps mis par les cellules osseuses pour se diviser, il est possible d'activer les gènes contrôlant la synthèse des protéines entraînant la différentiation cellulaire à l'origine de la formation de cellules osseuses et la minéralisation de la matrice associée.

Remarquablement, le verre lui-même finit par se dissoudre dans l'organisme sans laisser de traces ni de substances chimiques toxiques. On comprend bien sûr l'intérêt d'un tel matériau pour aider à la réparation osseuse. Des variantes sont d'ailleurs déjà utilisées. Ce n'est pas la première fois que la physique du solide est appliquée à la médecine. On a vu récemment la publication de résultats d'études sur la capacité des nanotubes de carbone à faciliter la régénération osseuse.

Sous la « lumière » des neutrons

Toutefois, les chercheurs ne comprenaient pas encore très bien comment les atomes de calcium étaient stockés puis libérés de façon adéquate par le verre. Ils ont alors décidé d'utiliser la source de neutrons d'ISIS pour effectuer des expériences de diffraction neutronique. Ces dernières ont permis d'analyser précisément la répartition des différents atomes dans le verre et ainsi d'élucider les processus intervenants. Les chercheurs ont également employé des isotopes du calcium qu'ils ont substitués au calcium courant. Les différences de comportements constatées ont elles aussi apporté des lumières nouvelles sur les propriétés de ce matériau bioactif.

Armés d'une meilleure compréhension, les chercheurs étudient maintenant des composés hybrides de ce verre et de polymères, afin de réaliser des implants plus performants pour réparer les articulations, au niveau des hanches et des genoux. Si tout se passe bien, des applications médicales devraient émerger dans quelques années.