Le cancer du sein est la première cause de mortalité chez les femmes de 35 à 55 ans. Autant dire que tout est mis en œuvre pour tenter d'enrayer ce fléau, depuis le dépistage jusqu'aux traitements. Mais ces derniers seraient parfois excessifs justement, selon la Société française de sénologie et de pathologie mammaire, qui observe une tendance au surtraitement.
au sommaire
Les traitements agressifs sont-ils trop souvent administrés dans les cas de cancers du sein ? © sagabardon, Flickr CC by nc 2.0
Progrès du dépistage systématique, avancées de la médecine... La préventionprévention et le traitement des cancers du sein se sont beaucoup améliorés ces dernières années. Toutefois, ces évolutions peuvent induire des effets contreproductifs. Ces derniers devraient être au cœur des 33e Journées de la Société française de sénologie et de pathologie mammaire, qui se dérouleront du 9 au 11 novembre prochain à Marseille. Les spécialistes attendus dans la cité phocéenne prévoient en effet de se pencher particulièrement sur la question des surtraitements observés dans ces cancers.
Qu'entend-on par « surtraitement » ? « Il s'agit d'un traitement excessif, contre une tumeur qui aurait pu être traitée de façon moins agressive », explique le Pr Pascal Bonnier, cancérologuecancérologue à l'Hôpital Beauregard de Marseille. Concrètement, « dans certains cas, des patientes atteintes d'une tumeur au sein avec un bon pronostic, sans ganglions malades, se voient proposer des traitements lourds comme une chimiothérapie ou une hormonothérapiehormonothérapie. Et parmi ces malades, seules les 10 % à 20 % qui risqueraient de développer des métastases vont bénéficier de ce traitement agressif. Dans le même temps malheureusement, le reste des malades (80 % à 90 %) va souffrir inutilement des effets secondaires de ces traitements », poursuit Pascal Bonnier.
Le potentiel évolutif des tumeurs est difficile à évaluer
Mais alors comment améliorer ces décisions thérapeutiques ? « C'est bien là le problème », souligne le Pr Bonnier. « En tant que médecin, nous avons à cœur de bien faire. Mais on ne peut prédire le potentiel évolutif de certaines petites tumeurs. »
Même les cancerscancers hormonodépendants ne fournissent pas tous les outils dont nous aurions besoin pour mettre en place une thérapiethérapie ciblée. « Certaines tumeurs expriment les récepteurs hormonaux de type HER2 à 100 %, d'autres à... 1 %. Vous voyez bien que la recherche doit encore avancer en la matièrematière, en définissant de meilleurs facteurs prédictifs pour permettre d'affiner les référentiels de mise en place des traitements », ajoute-t-il. Et ceci concerne tous les traitements : les traitements locaux que sont la chirurgiechirurgie et la radiothérapieradiothérapie, et les traitements généraux que sont chimiothérapie, hormonothérapie et Herceptin.
Cancer du sein : la délicate question du choix du traitement
D'autres facteurs favoriseraient les surtraitements. Des facteurs plus humains cette fois. « Le choix définitif pourrait revenir à la patiente. Mais les malades n'ont pas l'habitude de prendre ce type de décision. Elles se reposent entièrement sur leur médecin. Or dans les cas que l'on appelle "frontière", où deux bonnes options se présentent, chacune avec des avantages et des inconvénients, le praticien ne peut prendre seul la décision », explique le Pr Bonnier. Alors l'avis de la patiente pourrait être important. Mais même si le médecin explique longuement la situation et les propositions envisageables, la patiente finit trop souvent par lui demander : « Docteur, que feriez-vous à ma place ? », soupire-t-il.
« Si les médecins ne se défaussent pas de leur responsabilité, ils n'ont pas la science infuse », insiste Pascal Bonnier. Pire... ils peuvent avoir peur. « D'éventuelles représailles judiciaires peuvent faire suite à un choix thérapeutique », précise-t-il. Résultat : de nombreux cancérologues préfèrent les choix maximalistes pour se protéger. Et s'il existe des référentiels donnant les grandes lignes des traitements à mettre en place en fonction du type de cancer, celles-ci sont encore bien floues. « Certaines équipes présentent un taux de chimiothérapie de 75 % pour un cancer infiltrantcancer infiltrant (les cellules cancéreuses ont infiltré le tissu voisin, NDLRNDLR) quand d'autres s'en tiennent à 50 % ».
Le dépistage et la prise en charge des cancers du sein ne sont pas remis en cause pour autant. « Il faut poursuivre la recherche et affûter les protocolesprotocoles thérapeutiques à mesure que les techniques nous permettent de dépister des tumeurs plus petites », conclut le Pr Bonnier.