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L’autisme est un trouble du développement très majoritairement masculin. Les scientifiques viennent d’apporter une preuve expérimentale pouvant expliquer ce constat : les femmes doivent présenter plus d’anomalies génétiques pour développer ce trouble envahissant du développement. © Hepingting, Flickr, cc by sa 2.0
Bien mystérieuse condition que l'autisme. Touchant plus d'un enfant sur 100, ce trouble du développement reste mal compris. Si les scientifiques semblent s'accorder pour dire qu'il s'agit d'un trouble neurologique précoce, son origine reste mal identifiée. Plus de 1.000 gènes ont été associés, de près ou de loin, à cette pathologie.
Fait remarquable : les troubles du spectre autistiquetroubles du spectre autistique, aussi bien que l'hyperactivité ou la déficience intellectuelle, sont des conditions qui frappent principalement les hommes. Pourquoi les femmes sont-elles moins concernées ? Deux grandes théories s'affrontent. L'une d'elles considère que cette différence s'explique par un sous-diagnostic des petites filles autistes, du fait notamment de la façon dont elles sont évaluées. Une hypothèse qui ne convient pas à ceux qui pensent que la distinction relève plutôt du physiologique : la gent féminine résisterait mieux aux altérations génétiques. Les travaux de Sébastien Jacquemont, du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) à Lausanne, et de ses collaborateurs viennent de donner de nouveaux arguments à cette seconde théorie dans The American Journal of Human Genetics.
Des femmes résistantes aux anomalies génétiques
Ces travaux se basent sur les données récoltées sur deux cohortes. La première se compose de 15.585 personnes touchées par divers troubles neurodéveloppementaux, tandis que la seconde, dite Simons SimplexSimplex Collection (SSC), correspond aux patrimoines génétiques des parents et des frères et sœurs de 762 familles dans lesquelles on ne compte qu'un enfant autiste. Chez tous ces sujets, les anomaliesanomalies génétiques de deux types ont été examinées de près : d'abord les CNV (copy-number variants), à savoir les variations dans le nombre de copies de certains gènes, puis les SNV (single-nucleotid variations), qui correspondent à la variation d'une seule paire de bases. Au total, plus de 1.300 gènes, impliqués dans le développement du cerveaucerveau, ont été sélectionnés.
On ignore encore les raisons physiologiques directes de cet avantage, mais les femmes semblent moins sensibles aux altérations génétiques concernant les gènes impliqués dans le développement du cerveau. © _DJ_, Flickr, cc by sa 2.0
Si les filles sont moins nombreuses à développer de tels troubles, elles se caractérisent par un nombre d'anomalies génétiques bien plus important que leurs homologues masculins : trois fois plus de CNV et 34 % de SNV supplémentaires. Des résultats qui laissent penser aux auteurs qu'à niveau égal d'anomalies génétiques, les femmes présentent des symptômes beaucoup moins sévères que les hommes. Bien que l'on ignore par quels mécanismes, le cerveau de la gent féminine résisterait mieux aux erreurs du génomegénome.
Ces conclusions sont confirmées par la seconde partie de l'étude, portant sur les gènes des membres de la famille des enfants autistes. Il semble que les mères soient les plus concernées par les anomalies génétiques, bien qu'elles ne présentent pas de trouble de la socialisation. Les auteurs supposent en revanche qu'à de tels taux d'erreurstaux d'erreurs, les pères auraient développé la condition.
Vers de nouveaux horizons dans le traitement de l’autisme ?
Parmi les explications avancées, celles du grand spécialiste britannique de la question, Simon Baron-Cohen, qui considère que les femmes disposent naturellement d'aptitudes sociales plus développées que les hommes. Leur cerveau se révélerait donc plus résilientrésilient et plus à même de surmonter des anomalies dans le génome. Cela reste à vérifier expérimentalement.
Cette découverte, la première à démontrer de manière convaincante une différence au niveau moléculaire entre filles et garçons atteints de troubles du développement, pourrait avoir de belles répercussions. Elle ouvre à de nouvelles réflexions sur ces pathologies qui aideront sûrement à trouver une solution pour enrayer les déficits comportementaux.