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Tout est une histoire de timing. Les troubles du spectre autistiquetroubles du spectre autistique, souvent regroupés sous l'appellation « autisme », se manifestent notamment par un déficit dans les aptitudes sociales et communicationnelles et sont généralement décelés entre deux et trois ans, à des âges où un enfant doit commencer à maîtriser les rudiments du langage et de la socialisation. Pourtant, la pathologie, caractérisée par des défauts dans l'agencement du cerveau, commence à se mettre en place bien avant le diagnostic. Malheureusement, plus on tarde à les prendre en charge, plus les troubles progressent.
Alors les chercheurs essaient de trouver les meilleurs moyens pour abaisser l'âge de détection de l'autisme. Warren Jones et Ami Klin, de la faculté de médecine de l'université Emory (Atlanta, États-Unis) ont focalisé leurs travaux sur l'un des nombreux symptômes : l'orientation du regard des enfants. En effet, il a été constaté que les personnes autistes fixent beaucoup moins leur interlocuteur dans les yeux que le reste de la population.
Les résultats de cette étude ont été publiés dans Nature, et montrent qu'au-delà de deux mois, de petites différences se manifestent et pourraient permettre d'attirer l'attention des pédiatrespédiatres afin d'améliorer le suivi pour, le cas échéant, mettre en place les mesures qui s'imposent le plus vite possible.
Dis-moi ce que tu regardes et je te dirai qui tu es
Quelque 110 enfants ont été impliqués dans ce travail. Parmi eux, 59 étaient à risque de déclarer les troubles du spectre autistique, du fait que des proches en étaient déjà atteints. Les 51 restants avaient en revanche moins de probabilités de présenter les symptômes. Tous ces enfants ont été suivis scrupuleusement durant les deux premières années de leur vie.
Les bébés naissent tous avec les mêmes prédispositions, et regardent dans les yeux la personne qui leur parle. Mais au-delà de deux mois, les enfants autistes perdent le sens du contact visuel plus rapidement que leurs homologues. © HoboMama, Flickr, cc by nc sa 2.0
À 2, 3, 4, 5, 6, 9, 12, 15, 18 et 24 mois, tous ces enfants devaient passer un petit test, qui consistait à regarder la vidéo d'une femme qui les invitait à jouer. Naturellement, les bébés ont tendance à focaliser leur regard sur les yeuxyeux de leur interlocuteur. Ainsi, par des systèmes de suivi oculaireoculaire, les régions du corps observées par les participants ont pu être identifiées.
À l'âge de trois ans, 13 de ces 110 enfants ont été diagnostiqués autistes (12 dans le groupe à haut risque, un dans le groupe contrôle). Les chercheurs ont alors repris les données pour voir à quel moment les différences sont apparues entre les deux lots.
Abaisser l’âge de détection de l’autisme
Lors de la première mesure, à deux mois, les résultats sont identiques chez tous les participants. En revanche, entre deux et six mois, des différences commencent déjà à ressortir, et vont se creuser dans le temps. Alors que les yeux restent la région du corps la plus regardée, l'intérêt manifesté par les enfants diagnostiqués autistes plus tard est moins marqué. Les auteurs notent d'ailleurs que l'intensité de cette baisse de contact oculaire est liée à la sévérité de la maladie. D'autres divergences ont été notées, notamment concernant la fixation de la bouche au fil du temps, moins marquée chez les jeunes sans troubles autistiques, alors que les petits autistes focalisent deux fois plus leur regard sur les objets à 24 mois que leurs homologues.
Bien que les auteurs s'attendaient effectivement à constater des profils d'expression différents, ils ont malgré tout manifesté leur surprise en observant qu'à l'âge de deux mois, tous les participants affichaient les mêmes résultats. Ils pensaient que tout était déjà mis en place dès la naissance. Ces résultats suggèrent donc qu'au début du développement, les comportements sociaux restent intacts, ce qui laisse une opportunité pour une prise en charge très précoce.
Malheureusement, le test n'est pas assez sensible pour diagnostiquer indubitablement l'autisme dans les premiers mois. Il va falloir déjà tester un plus grand échantillon pour vérifier ces conclusions préliminaires, puis généraliser les tests, car les parents seuls ne pourront pas remarquer ces détails : il faut faire appel à une technologie sophistiquée. Mais cette recherche génère malgré tout l'espoir d'abaisser l'âge de prise en charge des enfants suspectés de présenter des troubles du spectre autistique.