L’aspirine, cette molécule banale disponible sans ordonnance en pharmacie pourrait, selon la revue The Lancet, faire chuter les taux de mortalité par cancer. De là à préconiser son usage quotidien, il n'y a qu'un pas... que l'on ne franchit pas.
L'aspirine est un médicament disponible sans ordonnance, qui pourrait réduire la mortalité par cancer. © Sauligno, Wikimedia, CC by-sa 3.0

L'aspirine est un médicament disponible sans ordonnance, qui pourrait réduire la mortalité par cancer. © Sauligno, Wikimedia, CC by-sa 3.0

L'aspirine ou acide acétylsalicylique est une molécule retrouvée naturellement dans certaines plantes, mais est synthétisée chimiquement pour la fabrication de médicaments. Cette molécule est un analgésique couramment utilisé pour traiter des douleurs locales et minimes, elle est également antipyrétique (réduit la fièvre) et possède des propriétés anti-inflammatoires. Élément phare de l'automédication, elle est retrouvée dans la majorité des armoires à pharmacie pour lutter contre des petits maux, mais pourrait aussi, peut-être, être utilisée en traitement préventif contre le cancer.

En effet, suite à de précédents travaux se montrant prometteurs, les chercheurs du London School of Hygiene & Tropical Medicine ont effectué une méta-analyse, se basant sur les données de huit précédentes études. Bien que ces travaux aient au départ été réalisés dans le but de déterminer l'effet de l'aspirine sur les maladies cardiovasculaires, les données disponibles (incluant des données obtenues pendant les études mais également postérieurement dans les registres des décès et des cancers) sur les patients impliqués permettent également d'examiner les effets de l'aspirine sur le cancer.

L’aspirine réduit la mortalité par cancer

Réunissant un total de 25.570 patients, dont 674 sont décédés d'un cancer, les chercheurs ont pu montrer l'effet saisissant d'une prise quotidienne de petites doses d'aspirine (75 milligrammes) sur les cancers : une chute de 21 % de la mortalité par cancer a pu être observée. Sur une longue durée (d'au moins cinq ans), les résultats sont encore meilleurs avec une réduction de 34 % sur la globalité des cancers et allant même jusqu'à 54 % sur les cancers gastro-intestinaux.

L'aspirine est une molécule qui inhibe les enzymes COX et qui empêche ainsi la synthèse de prostaglandines. © Frederic.marbach, Wikimedia, CC by 1.0

L'aspirine est une molécule qui inhibe les enzymes COX et qui empêche ainsi la synthèse de prostaglandines. © Frederic.marbach, Wikimedia, CC by 1.0 

Les effets sont plus rapides sur les cancers de l'œsophage, du pancréas, du cerveau et du poumon que sur ceux de l'estomac, de la prostate ou sur les cancers colorectaux. De façon surprenante, ces effets sont les mêmes quels que soit la dose journalière d'aspirine, le sexe du patient, ou s'il est fumeur. Les effets semblent s'améliorer parallèlement à la durée de prise du médicament.

Une confirmation de précédentes études

Cette étude complète d'autres études précédemment réalisées par le même auteur (Peter Rothwell), dont une récemment publiée, elle aussi, dans le journal The Lancet. Elles affirmaient déjà qu'une prise quotidienne d'une faible dose d'aspirine permettait de réduire la mortalité par cancer colorectal. D'autres travaux antérieurs arrivaient aux mêmes conclusions il y a plusieurs années. Mais ce n'est pas là le seul atout de cette molécule.

Habituellement, les effets de l'aspirine sont plutôt bénéfiques pour un autre type de risque : les maladies cardiovasculaires. En effet, la molécule possède aussi des propriétés d'antiagrégant plaquettaire, c'est-à-dire qu'elle empêche la coagulation du sang. Or la formation de caillots sanguins dans le système circulatoire peut être à l'origine d'infarctus et d'accidents vasculaires cérébraux.

Les effets secondaires de l'aspirine

Pourquoi cette molécule possède-t-elle de telles propriétés ? Il faut observer son action d'un point de vue moléculaire. L'aspirine est un inhibiteur irréversible des protéines COX, des enzymes faisant partie de la voie de biosynthèse des prostaglandines. Ces molécules sont impliquées à la fois dans la douleur, dans la réaction inflammatoire, la fièvre, la vasoconstriction et l'agrégation des plaquettes. L'inhibition de ces phénomènes permet de comprendre les multiples actions de l'aspirine, mais son effet anticancer n'est pas encore clairement établi d'un point de vue moléculaire.

En revanche, le revers de la médaille n'est pas tout rose. Par ses propriétés, la molécule peut entraîner des effets secondaires parfois graves : hémorragies, ulcères, altération de l'efficacité d'autres médicaments... Avant de la préconiser pour un usage quotidien contre le cancer, ce qui est loin d'être d'actualité, le rapport bénéfice/risque doit avant tout être précautionneusement évalué.