Des scientifiques français, menés par Étienne-Émile Baulieu, ont annoncé avoir une piste sérieuse pour détecter de manière plus précoce la maladie d’Alzheimer. Une protéine nommée FKBP52 disparaîtrait tandis que la pathologie progresse. Elle pourrait peut-être même devenir un bon antidote.

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    La maladie d'Alzheimer se déclenche très majoritairement au-delà de 60 ans, mais des formes plus précoces peuvent se développer chez de jeunes individus d'une trentaine d'années. © Phovoir

    La maladie d'Alzheimer se déclenche très majoritairement au-delà de 60 ans, mais des formes plus précoces peuvent se développer chez de jeunes individus d'une trentaine d'années. © Phovoir

    La maladie d'Alzheimer affecterait aujourd'hui, selon les estimations, 25 millions de personnes dans le monde, dont plus de 800.000 en France. Cette affection neurodégénérative incurable entraîne la perte progressive et irréversible des fonctions mentales. L'importance de cette découverte, si elle se confirme, serait donc majeure.

    C'est en 1988 que Michel Goedert de l'université de Cambridge (Grande-Bretagne) identifie la protéine Tau, qui joue un rôle important dans le bon fonctionnement des neurones. Lorsqu'elle vient à dysfonctionner, elle forme des amas cellulaires (les plaques amyloïdes) qui perturbent l'activité neuronale, et favorisent ainsi le développement de maladies neurodégénératives, comme la maladie d'Alzheimer. Le rôle reconnu de la protéine Tau dans ces affections est tel que les scientifiques les désignent sous le nom générique de tauopathies.

    En 1992, Étienne-Émile Baulieu un composé naturel dont il n'identifie pas alors la fonction : c'est l'immunophiline FKBP52. En janvier 2010, 18 ans après sa découverte donc, celle-ci est enfin corrélée avec celle de Goedert. Les équipes de l'Institut Baulieu constatent en effet que la protéine FKBP52 inhiberait, ou du moins réduirait, l'effet de la protéine Tau. Elle protègerait donc, en quelque sorte, contre les tauopathies. À l'époque déjà ces résultats, copubliés par Baulieu et Goedert dans les annales de l’Académie nationale des sciences aux États-Unis, avaient fait sensation.

    La protéine Tau, ici représentée en 3D grâce à la <em>Protein Data Bank</em>, qui se consacre à répertorier les structures tertiaires des protéines, est à l'origine de la maladie d'Alzheimer. Ce n'est pas elle qui intéresse directement l'équipe du professeur Baulieu, mais FKPB52, qui pourrait devenir un marqueur pour diagnostiquer plus tôt la première maladie neurodégénérative dans le monde. © Jawahar Swaminathan and MSD staff at the European Bioinformatics Institute, Wikipedia, DP

    La protéine Tau, ici représentée en 3D grâce à la Protein Data Bank, qui se consacre à répertorier les structures tertiaires des protéines, est à l'origine de la maladie d'Alzheimer. Ce n'est pas elle qui intéresse directement l'équipe du professeur Baulieu, mais FKPB52, qui pourrait devenir un marqueur pour diagnostiquer plus tôt la première maladie neurodégénérative dans le monde. © Jawahar Swaminathan and MSD staff at the European Bioinformatics Institute, Wikipedia, DP

    FKBP52 pour traiter la maladie d’Alzheimer…

    Un nouveau travail actuellement sous presse pour être publié dans The Journal of Alzheimer Disease, confirmerait le bien-fondé de ces approches. Chez des patients décédés de la maladie d'Alzheimer, il aurait permis de retrouver des indices concordants qui confirment les modèles physicochimiques, cellulaires et animaux.

    Deux axes de recherche « vont nous guider dans les années à venir », explique le professeur Baulieu dans un communiqué. D'une part, les chercheurs de l'institut vont tenter de « stimuler la protéine FKBP52 pour en faire l'antidote de la protéine Tau ».

    … Mais aussi pour la dépister plus tôt !

    D'autre part, ils ont relevé une « diminution de la FKBP52 chez les patients souffrant de la maladie d’Alzheimer ». Cette protéine étant naturellement présente chez l'être humain, on peut espérer qu'une mesure de son niveau permette d'identifier les personnes à risque de tauopathie. Aujourd'hui, le dosagedosage de FKBP52 se fait à partir du liquide céphalorachidien. Il nécessite donc une ponctionponction lombaire, peu compatible avec la notion de dépistage de massemasse... Pourtant les chercheurs n'excluent pas à terme, le développement d'un test prédictif à partir d'un échantillon de sang.

    Pour mener à bien leurs travaux, Étienne-Émile Baulieu et son équipe expliquent toutefois « avoir besoin d'environ 1 million d'euros par an pendant cinq ans ». Une somme qui, selon eux, ne représente qu'« une gouttegoutte d'eau dans l'océan lorsque l'on sait que retarder, ne serait-ce que d'un an, l'entrée dans la dépendance de 10 % des malades économiserait 1 milliard d'euros de dépenses pour notre seul pays ».