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- À lire, notre dossier sur l'alcool et ses effets
Une étude préliminaire conduite par des médecins français a montré l'efficacité du baclofène à de très fortes doses contre la dépendance à l'alcoolalcool, ouvrant la voie à un essai clinique pour évaluer précisément l'utilisation de ce relaxant musculaire pour traiter l'alcoolisme.
Le baclofène est un médicament ancien, initialement prescrit en neurologie, mais de plus en plus utilisé en France hors AMM (autorisation de mise sur le marchéautorisation de mise sur le marché) dans le traitement de la dépendance à l'alcool.
Sa popularité a explosé en 2008 avec la publication du livre Le dernier verre d'OlivierOlivier Ameisen. Ce cardiologuecardiologue, devenu alcoolique, y racontait son autoexpérimentation de ce médicament et comment, pris à de très fortes doses, il avait supprimé son envie de boire, le « craving ».
Baclofène : l’alcoolisme recule nettement
« On pense qu'il y a 20.000 à 30.000 personnes qui prennent du baclofène en France, pour des problèmes d'alcool, hors AMM. C'est beaucoup », constate Philippe Jaury (université Paris-Descartes), auteur principal de l'étude préliminaire publiée en ligne dans la revue Alcohol and Alcoholism.
Avec un autre médecin, Renaud de Beaurepaire (centre hospitalier Paul-Guiraud), un des premiers à avoir prescrit du baclofène à fortes doses en France, il a inclus 181 patients, gros consommateurs d'alcool, dans une étude ouverte.
Une évaluation a été possible pour 132 d'entre eux. Après une année de traitement avec le baclofène, 80 % de ces 132 patients étaient devenus soit abstinents (78), soit consommateurs modérés (28). En considérant comme échecs les patients perdus de vue, c'est-à-dire pour qui l'évaluation complète n'a pas pu être possible, le taux de succès atteint encore 58 %.
L'alcoolisme est une addiction très difficile à contrer, les médecins recherchent toujours un médicament qui rendra le sevrage moins difficile et plus efficace. Le baclofène pourra-t-il endosser ce rôle ? © Lisa A, shutterstock.com
« Cela permet de dire que ça marche mieux que ce qu'on a actuellement », souligne Philippe Jaury. Le taux de réussite au bout d'un an de traitement avec les deux principaux médicaments aujourd'hui utilisés, naltrexone et acamprosate, est estimé entre 20 et 25 %.
Un essai clinique prévu dans les mois qui viennent
Cette étude préliminaire permet également d'asseoir le protocole dprotocole d'un essai clinique comparatif qui devrait démarrer en mai et se terminer fin 2013. Cet essai « en double aveugle, randomisé, contre placébo » sera piloté par Philippe Jaury et mobilisera 60 médecins investigateurs.
Il inclura 320 patients alcooliques suivis sur une année, divisés en deux groupes, l'un prenant du baclofène, l'autre un placébo.
Cet essai aura la particularité d'être financé en grande partie par la Sécurité sociale (750.000 euros) et pour le reste « par un particulier, un mécène », précise le professeur Jaury. Soit 1,2 million au total.
Les doses de médicament seront augmentées très progressivement, dans la limite de 300 milligrammes par jour, avec l'objectif de supprimer le « craving ».
« Dans l'étude préliminaire, on est monté jusqu'à 300, 350, 400 mg », indique le médecin. La dose moyenne efficace à un an était estimée entre 130 et 140 mg. Dans son livre, Olivier Ameisen évoquait une posologie quotidienne de 70 à 160 mg, après avoir atteint 270 mg.
Les effets secondaires le plus souvent observés avec les fortes doses dans l'étude préliminaire ont été la fatigue ou la somnolence, l'insomnieinsomnie, les vertiges et les troubles digestifs.
« C'est vrai que plus on va en prescrire, plus on risque d'avoir des effets secondaires un peu bizarres, comme tous les médicaments », reconnaît Philippe Jaury. Mais, ajoute-t-il, « on a quand même un certain recul avec la sclérose en plaques pour laquelle le baclofène peut être utilisé à des doses importantes ».
« Les patients font pression », ajoute-t-il, comme en témoignent les forums de discussion sur InternetInternet.