De la même façon que les climatoseptiques ne manquent pas de se manifester largement, un mouvement antimasques se développe activement sur les réseaux sociaux, abreuvé des fausses informations. Le contexte estival favorisant le relâchement, cerveau compris, un florilège d'études vient rappeler que, même sous un soleil de plomb, le port du masque est encore l'un des meilleurs moyens de se prémunir de la maladie de Covid-19 et aussi de protéger les autres. L'objectif étant de ralentir la propagation du SARS-Cov-2.
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Le masque est devenu en quelques mois l'un des symboles de la pandémie de Covid-19. Alors que de nombreux pays l'imposent désormais dans l'espace public, principalement dans les lieux clos, un mouvementmouvement anti-masques, alimenté par de fausses informationsfausses informations circulant sur les réseaux sociauxréseaux sociaux, a pris de l'ampleur ces dernières semaines. Canal Détox, l'outil d'information scientifique de l'Inserm, fait le point pour couper court aux idées reçues et apporter un éclairage sur les questionnements scientifiques en cours.
Entre craintes et désinformation
Parmi les rumeurs infondées qui circulent en ligne, l'idée que les masques empêchent une bonne respiration reste tenace. Certains internautes soutiennent même que le port du masque serait associé à un manque d'apport en oxygène pour l'organisme (hypoxie) et à une absorption élevée de CO2 délétère pour la santé.
Les masques, notamment chirurgicaux, sont conçus pour être portés pendant une duréedurée de plusieurs heures par les professionnels de santé, sans entraver leurs capacités à travailler, ni altérer leurs capacités respiratoires. Si certaines personnes peuvent se sentir gênées par le fait de porter un masque, c'est par manque d'habitude : ces protections sont développées de manière à laisser passer l'oxygène dans l'organisme. Le risque d'une intoxication au CO2 n'est aucunement avéré.
Certaines publications évoquent en outre une « suppression » du système immunitaire liée au port du masque. Aucune explication claire n'est donnée pour expliquer ce lien, et là encore, aucun argument scientifique ne vient appuyer cette hypothèse.
Ralentir la propagation de l'épidémie
Les études scientifiques sur l'utilité du masque pour lutter contre les épidémies, en protégeant une population des virusvirus respiratoires, restent encore peu nombreuses et s'appuient principalement sur des données observationnelles. Il est en effet difficile de réaliser des études randomiséesétudes randomisées de qualité sur cette question, puisque l'on ne peut pas demander à des gens de s’exposer au virus avec ou sans masque pour mesurer l'efficacité de ce dernier.
Toutefois, un nombre croissant de données suggèrent l'intérêt du masque dans les lieux clos pour freiner les épidémiesépidémies, en complément des mesures de distanciation physiquephysique. Dès 2010, des études concluaient que recommander le port du masque était une mesure de santé publique utile pour lutter contre les épidémies de grippe. Ces travaux se poursuivent dans le contexte de la pandémie actuelle : une revue de littérature publiée dans The Lancet, portant sur 172 études, montre que si la distanciation physique et les mesures d'hygiène recommandées constituent aujourd'hui les meilleures interventions contre l'épidémie, le port du masque réduit lui aussi le risque infectieux.
Un autre message important se dégage de ces différentes publications : plus qu'un outil pour se protéger soi-même, le masque est avant tout utile pour protéger les autres car il permet d'éviter la projection de gouttelettes dans leur direction. Dès lors que la transmission du virus peut venir de personnes qui présentent peu de symptômessymptômes ou sont même asymptomatiques, le port du masque n'a d'intérêt que s'il est porté par tous au niveau d’une communauté (et pas seulement par une poignée d'individus ou par les malades), dans les lieux où la distanciation physique n'est pas assurée, dans un soucisouci de protéger les autres et de ralentir l'épidémie.
Quid de la transmission par aérosols ?
Faut-il porter des masques en extérieur ? Plusieurs municipalités françaises ont fait ce choix, et notamment Paris, où il a été imposé dans certaines rues de la capitale.
Dans les lieux extérieurs très fréquentés, où la distanciation physique est difficile à mettre en œuvre, il permet d'éviter de projeter des gouttelettes sur les personnes qui se trouvent à proximité, et donc de les protéger. Dans les lieux moins fréquentés, le masque a plutôt, dans certains cas, été imposé ou recommandé au nom du principe de précautionprincipe de précaution, alors que la possibilité d'une transmission aérienne (transmission par aérosolsaérosols) a été évoquée.
L'OMSOMS a ainsi déclaré au mois de juin que « la possibilité d'une transmission par voie aérienne dans les lieux publics clos, particulièrement bondés, ne peut pas être exclue ». Plusieurs travaux vont dans ce sens. Ainsi, une étude publiée en juillet dans Clinical Infectious Diseases montrait que des particules d'ARNARN viral étaient présentes dans des échantillons récoltés dans l'airair et sur des surfaces au sein d'un hôpital londonien. Si aucune trace de virus vivant n'a été identifiée dans ces échantillons, les auteurs estimaient que la possibilité d'une transmission aérienne ne pouvait toutefois pas être exclue sur la base de ces résultats.
Un commentaire également publié dans Clinical Infectious Diseases renforce ce message, soulignant notamment que de précédentes études portant sur d'autres infections virales, comme celles mettant en jeu le virus de la grippevirus de la grippe ou le MERS-CoVMERS-CoV, avaient déjà mis en avant le risque d'une possible transmission aérienne. Par ailleurs, plusieurs travaux expérimentaux suggèrent que des virus viables peuvent persister dans les aérosols pendant plusieurs heures.
À l'heure actuelle, ces observations contrastent toutefois avec les données issues de la pratique clinique. Si, dans certaines conditions expérimentales et dans des environnements intérieurs mal ventilés, il existe un potentiel de transmission du virus par les aérosols, l'expérience clinique de la gestion de la pandémie suggère plutôt que le mode de transmission du SARS-CoV-2SARS-CoV-2 est de courte portée, par les gouttelettes et le contact étroit.
Le port du masque ne suffit pas pour se protéger
Une récente publication dans JAMA apporte des données complémentaires pour soutenir cette hypothèse. Tout en reconnaissant que des études intéressantes ont montré un potentiel de transmission aérienne du virus en milieu expérimental, avec des gouttelettes contenant des particules virales pouvant être projetées à plus de huit mètres et rester en suspension pendant plusieurs heures, cela ne signifie pas pour autant que ces gouttelettes ont nécessairement le potentiel d'infecter les personnes. Parmi les différents arguments avancés, les auteurs rappellent notamment que le taux de reproduction du virus avant la mise en place du confinement et des mesures de distanciation sociale (autour de 2,5) était bien inférieur à celui d'une maladie comme la rougeolerougeole (autour de 18), qui est connue pour se transmettre par voie aérienne.
En attendant d'en apprendre plus sur le sujet, la recommandation de porter un masque en extérieur doit avant tout s'appuyer sur une analyse des différentes dynamiques épidémiques au niveau local, en prenant en compte la possibilité ou non pour les personnes de respecter la distanciation physique dans les lieux publics ouverts.
Quel que soit le contexte, le masque ne protège efficacement qu'à condition de le porter correctement, en suivant les instructions d'usage, en le lavant régulièrement s'il est en tissu ou en le jetant dans le cas des masques à usage unique. Le masque ne doit pas être manipulé une fois mis en place, ni les mains portées au visage pour éviter de se contaminer à partir de l’environnement. En outre, le port du masque n'est pas une mesure de protection suffisante : il doit absolument être associé à un lavage régulier des mains (ou frictionfriction avec des solutions hydro-alcooliques) et au respect de la distance physique en toutes circonstances.
Ce texte a été écrit avec le soutien d'Eric d'Ortenzio, épidémiologiste à l'Inserm et coordinateur scientifique du réseau REACTing.