En Guinée, en 2014, 74.000 personnes touchées par le paludisme n'auraient pas consulté un centre de santé. Pourquoi ? Parce qu'elles auraient évité ces centres pendant l'épidémie d'Ebola. Autant de cas, donc, qui n'ont pu être traités. C'est le résultat d'une estimation, qui conclut à un nombre de décès plus élevé. Ces victimes indirectes de l'épidémie pourraient être plus nombreuses que celles du virus Ebola lui-même.

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    L’agent du paludisme peut être transmis par le moustique Anopheles gambiae. © CDC/James Gathany, Wikimedia Commons, DP

    L’agent du paludisme peut être transmis par le moustique Anopheles gambiae. © CDC/James Gathany, Wikimedia Commons, DP

    Le paludisme est une maladie parasitaire transmise par des moustiques. Les symptômes précoces du paludisme sont de la fièvre, des maux de tête et des douleurs ; ils peuvent rappeler ceux de la maladie du virus Ebola. Le paludisme est l'une des principales causes de fièvre et de consultations de santé en Guinée. Mais pendant l'épidémie d'Ebola, comment le système de santé des pays touchés a-t-il pu continuer à traiter efficacement les cas de paludisme ? C'est ce que se sont demandés des chercheurs, qui publient leurs résultats dans un article paru dans The Lancet Infectious Diseases Journal ?

    Leur étude porteporte sur les centres de santé de Guinée, dont 60 étaient localisés dans des régions affectées par Ebola et 60 dans des zones non touchées par Ebola. Les chercheurs ont trouvé une diminution des consultations toutes causes confondues de 11 % et de 15 % pour les cas de fièvre. Dans les régions affectées par Ebola, 73 travailleurs de santé sur les 98 interrogés étaient opérationnels (74 %) et 35 sur ces 73 (48 %) traitaient activement les cas de paludisme. Par comparaison, dans les zones non affectées par Ebola, ils étaient respectivement 106 opérationnels sur les 112 interrogés (95 %) et 102 traitant les cas de paludisme sur 106 (96 %).

    Dans les centres de santé restés ouverts pendant l'épidémie, le nombre de patients les fréquentant a beaucoup diminué. Cette désaffection qui suggère que, durant cette période, les gens présentant des symptômes de fièvre ont évité les cliniques de peur de contracter Ebola ou d'être envoyés vers un centre de traitement d'Ebola.

    L’épidémie récente d’Ebola est l’une des plus importantes depuis la découverte du virus en 1976. © EC, ECHO, Jean-Louis Mosser, Flickr, CC by-nd 2.0

    L’épidémie récente d’Ebola est l’une des plus importantes depuis la découverte du virus en 1976. © EC, ECHO, Jean-Louis Mosser, Flickr, CC by-nd 2.0

    Les patients fiévreux éviteraient les centres de soin par peur d’Ebola

    De plus, les chercheurs ont trouvé une diminution du nombre de patients recevant des traitements contre le paludisme (-24 % pour les médicaments oraux et -30 % pour les médicaments injectables) pendant l'épidémie d'Ebola de 2014, par rapport à 2013. Des diminutions plus importantes ont été relevées dans les régions affectées par Ebola, en particulier pendant la troisième vaguevague épidémique, à partir d'août 2014. Mais même des zones sans cas d'Ebola ont connu une chute des cas de paludisme et du nombre de patients recevant des traitements contre le paludisme.

    Au niveau national, l'épidémie d'Ebola aurait conduit à environ 74.000 cas de paludisme en moins dans les centres de santé en 2014. D'après Mateusz Plucinski, principal auteur et chercheur au Centers for Disease ControlCenters for Disease Control and Prevention, « les cas non traités de paludisme ont conduit à une augmentation des taux de décès du paludisme et à plus de cas de fièvres dans la communauté ».

    La diminution des soins pendant l'épidémie d'Ebola menace donc la gestion du paludisme en Guinée. Le nombre de décès supplémentaires dus au paludisme pourrait dépasser celui dû à Ebola (2.444 en Guinée au 14 juin 2015). Les recommandations récentes de l'OMSOMS sur la préventionprévention du paludisme dans les zones affectées par Ebola sont de fournir des traitements à tous les patients ayant de la fièvre.