La maladie d'Alzheimer est causée par une combinaison de facteurs génétiques et environnementaux. Depuis longtemps, la recherche scientifique s'intéresse au café consommé régulièrement et modérément, suggérant qu'il pourrait aider à prévenir le déclin cognitif lié à l'âge, mais aussi à réduire le risque de développer la maladie d'Alzheimer. Une récente étude française lève un coin du voile sur les mécanismes sous-jacents à cet effet protecteur.


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    En France, 900 000 personnes sont atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'une autre maladie apparentée. Le risque de développer la maladie d'Alzheimer dépend de facteurs génétiques et environnementaux. Parmi ces derniers, différentes études épidémiologiques suggèrent qu'une consommation régulière et modérée de caféine ralentit le déclin cognitif lié au vieillissement et le risque de développer la maladie d'Alzheimer. Dans une nouvelle étude publiée dans la revue Brain, une équipe de l'Inserm, du CHU de Lille et de l'Université de Lille, au sein du centre de recherche Lille Neuroscience et cognition, ont fait un pas de plus dans la compréhension des mécanismes qui sous-tendent le développement de la maladie d’Alzheimer.

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    Ils viennent de mettre en évidence que l'augmentation pathologiquepathologique de acertains récepteurs dans les neurones au moment du développement de la maladie favorise la perte des synapsessynapses, et de fait, le développement précoce des troubles de la mémoire dans un modèle animal de la maladie. Leurs résultats permettent aussi de confirmer l'intérêt de conduire des essais cliniquesessais cliniques pour mesurer les effets de la caféine sur le cerveaucerveau de patients à un stade précoce de la pathologiepathologie.

    Au commencement, la lente dégénérescence des neurones

    La maladie d’Alzheimer est caractérisée par des troubles de la mémoire, des fonctions exécutives et de l'orientation dans le temps et dans l'espace. Elle résulte d'une lente dégénérescence des neurones, débutant au niveau de l'hippocampehippocampe (une structure cérébrale essentielle pour la mémoire) puis s'étendant au reste du cerveau. Les patients atteints par cette pathologie présentent deux types de lésions microscopiques au niveau de leur cerveau : les plaques séniles (ou plaques amyloïdes)) et les dégénérescences neurofibrillaires (ou pathologie Tau), participant au dysfonctionnement des neurones et à leur disparition.

    Image illustrant l’augmentation neuronale du récepteur A2A (en rouge) dans l’hippocampe de souris. On observe en bleu les noyaux de cellules (marqueur DAPI). © Émilie Faivre
    Image illustrant l’augmentation neuronale du récepteur A2A (en rouge) dans l’hippocampe de souris. On observe en bleu les noyaux de cellules (marqueur DAPI). © Émilie Faivre

    Des travaux avaient déjà montré que l'expression de certains récepteurs, appelés A2A, étaient retrouvés augmentés dans le cerveau de patients atteints de la maladie d’Alzheimer au niveau de l'hippocampe. Cependant, l'impact de la dérégulation de ces récepteurs sur le développement de la maladie et des troubles cognitifs associés demeurait méconnu jusqu'ici. Dans une nouvelle étude, une équipe de recherche dirigée par le chercheur Inserm David Blum s'est intéressée à cette question.

    Anomalie cérébrale : l'expression déréglée des récepteurs A2A

    Les scientifiques ont réussi à reproduire une augmentation précoce[3] de l'expression des récepteurs adénosinergiques A2A, telle qu'observée dans le cerveau des patients, dans un modèle murinmodèle murin de la maladie d'Alzheimer qui développe des plaques amyloïdesplaques amyloïdes. L'objectif était d'évaluer les conséquences de cette augmentation sur la maladie et de décrire les mécanismes en jeu.

    Les résultats de leur recherche montrent que l'augmentation en récepteurs A2A favorise la perte des synapses[4] dans l'hippocampe des « souris Alzheimer ». Ceci a pour effet le déclenchement précoce des troubles de la mémoire chez les animaux. Les scientifiques ont ensuite montré qu'un dysfonctionnement de certaines cellules du cerveau, les cellules microglialescellules microgliales, en partie responsables de l'inflammationinflammation cérébrale observée dans la maladie, pourraient être impliquées dans la perte des synapses, en réponse à une augmentation en récepteurs A2A.
    Des mécanismes similaires avaient déjà précédemment été décrits par l'équipe, cette fois-ci dans un autre modèle de la maladie développant les lésions Tau[5].

    « Ces résultats suggèrent que l'augmentation d'expression des récepteurs A2A modifie la relation entre les neurones et les cellules microgliales. Cette altération pourrait être à l'origine d'une escalade d'effets entraînant le développement des troubles de la mémoire observés », explique Émilie Faivre, codernière autrice de l'étude, chercheuse au sein centre de recherche Lille Neuroscience et Cognition (Inserm/Université de Lille/CHU de Lille).

    La caféine : une piste de traitement intéressante pour prévenir précocement le déclin cognitif ? © Prostock-studio, Shutterstock.com
    La caféine : une piste de traitement intéressante pour prévenir précocement le déclin cognitif ? © Prostock-studio, Shutterstock.com

    Comment la caféine retarde le début du déclin cognitif 

    Plusieurs études ont déjà suggéré qu'une consommation régulière et modérée de caféine (ce qui correspond à une consommation de 2 à 4 tasses de café par jour) pouvait ralentir le déclin cognitif lié au vieillissement et le risque de développer la maladie d'Alzheimer.

    En 2016, la même équipe de recherche avait décrit un des mécanismes par lequel la caféine pouvait avoir cette action bénéfique chez l'animal, réduisant les troubles cognitifs associés à la maladie d'Alzheimer. Les scientifiques avaient alors montré que les effets de la caféine étaient liés à sa capacité de bloquer l'activité des récepteurs adénosinergiques A2A, ces mêmes récepteurs dont l'expression se trouvent anormalement augmentée dans le cerveau des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer[6].

    Le café, un allié pour protéger contre la maladie d'Alzheimer ? Thibaud Lebouvier, neurologue, et David Blum, chercheur, expliquent en quoi le café s'avère protecteur contre le développement des maladies apparentées Alzheimer. Ils exposent leur projet de recherche CAFCA actuellement en cours d'inclusion de patients. © CHU Lille

    « En décrivant, dans notre nouvelle étude, le mécanisme par lequel l'augmentation pathologique de l'expression des récepteurs A2A entraîne une cascade d'effets conduisant à une aggravation des troubles de la mémoire, nous confirmons l'intérêt de pistes thérapeutiques qui pourraient agir sur cette cible. Nous mettons donc encore une fois en avant l'intérêt de tester la caféine dans le cadre d'un essai clinique sur des patients atteints de formes précoces de la maladie. En effet, on peut imaginer qu'en bloquant ces récepteurs A2A, dont l'activité est augmentée chez le patient, cette moléculemolécule puisse prévenir le développement des troubles de la mémoire voire d'autres symptômessymptômes cognitifs et comportementaux », poursuit David Blum, directeur de recherche à l'Inserm, co-dernier auteur de l'étude.

    Un essai clinique de phase 3, nommé CAFCA, porté par le CHU de Lille, est actuellement en cours. Son objectif est d'évaluer l'effet de la caféine sur les fonctions cognitives de patients atteints de formes précoces à modérées de la maladie d'Alzheimer.