Les éleveurs de canards de la région du Sud-Ouest sont une nouvelle fois confrontés à un épisode de grippe aviaire et celui-ci est « hors de contrôle ». Pour couper court aux foyers qui prolifèrent en raison de la grande contagiosité du virus, un renforcement des abattages préventif a été préconisé par le gouvernement. La crise va-t-elle se résoudre par un vide sanitaire radical ?
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Quelque 124 foyers d'infection à la grippe aviaire ont été recensés, dont 119 dans les Landes, soit plus du double du nombre relevé il y a une semaine. Le gouvernement a annoncé jeudi soir une amplification des abattages préventifs de canards, face à « l'extrême contagiosité du virus ». Évoquant leur « impuissance » devant une situation « hors de contrôle », des professionnels du foie gras poussaient les autorités sanitaires à procéder à des abattages plus massifs.
« Nous demandons un vide sanitaire [une période sans animaux dans les élevages, ndlr], on voit que la situation est hors de contrôle, qu'on ne maîtrise plus le virus. Il n'y a pas d'autre solution, a déclaré à l'AFP Hervé Dupouy, éleveur à Castelnau-Tursan et président de la section palmipèdespalmipèdes FNSEA des Landes. On dépeuple [abat préventivement les canards, ndlr] dans l'ensemble du département, et après on fait un vide sanitaire et dans deux mois, on peut remettre des animaux et recommencer à produire », a-t-il plaidé, pestant contre la « lenteur de l'administration ».
Jeudi soir, le ministère de l'AgricultureAgriculture a annoncé le renforcement des abattages préventifs en vigueur depuis le 24 décembre et qui ont déjà conduit à éliminer plus de 350.000 canards. « Il est nécessaire de diminuer fortement la densité de volailles dans les territoires les plus peuplés », souligne le ministère, alors que le ministre Julien Denormandie est attendu dans les Landes vendredi. Notamment, ces abattages pratiqués aujourd'hui sur un rayon de 3 km autour des foyers le seront sur 5 km. Ils concerneront, dans le 1er kilomètre, tous les oiseaux d'élevage et de basse-cour et, pour les 4 suivants, l'ensemble des palmipèdes et autres volailles non enfermées.
Constat d'impuissance et inflation galopante du virus
La zone de surveillance de 10 km autour des foyers pourra être étendue jusqu'à 20 km, avec interdiction de sortie et entrée de volailles. « On a un virus qui est plus fort que nous. Il y a toujours de nouveaux foyers qui apparaissent », déplore la directrice de l'interprofession du foie gras (Cifog), Marie-Pierre Pé, qui dresse un « constat d'impuissance [devant] l'inflation galopante » des foyers.
“On a un virus qui est plus fort que nous. Il y a toujours de nouveaux foyers qui apparaissent”
Outre les 119 foyers identifiés dans les Landes, d'autres à ce stade plus isolés ont été recensés dans les départements voisins des Hautes-Pyrénées (deux), Pyrénées-atlantiques (deux) et Gers (un). Le précédent bilan du ministère, au 1er janvier, faisait état de 61 foyers confirmés d'influenzainfluenza aviaire (communément appelée grippe aviaire) dans des élevages et animaleries, dont 48 dans les Landes.
Lors des hivers 2015-16 et 2016-17, des épisodes d'influenza aviaire avaient entraîné l'abattage de millions de canards et des arrêts prolongés de production. Pour renforcer la biosécurité, la filière a investi des « centaines de milliers d'euros » en Chalosse, dans les Landes, là où l'influenza fait à nouveau rage, selon la directrice du Cifog. Au total, plus de 5 millions de palmipèdes sont en cours d'élevage pour leur foie gras dans une large zone de production à cheval sur les Landes, le Gers et les Pyrénées-Atlantiques.
En mode guerre contre ce virus
Les syndicats agricoles Confédération paysanne et Modef s'opposent aux abattages d'animaux sains. Mais « il n'y a pas cinquante moyens de couper court à la circulation de ce virus , indique à l'AFP Bernard Malabirade, président de la chambre d'agriculture du Gers. Nous sommes en mode guerre contre ce virus. » Le Cifog parallèlement « demande de réactiver le système d'aides mis en place en 2017 », comprenant des aides pour les couvoirs, les éleveurs, mais aussi les entreprises de transformation « qui vont être en manque de matièrematière première ».
Le ministre Julien Denormandie viendra vendredi témoigner de « la solidarité de l'État » : « Un dispositif d'acompte pour compenser la valeur des animaux abattus est d'ores et déjà en place, les premiers versements seront réalisés dans les prochains jours ».
La souche H5N8, qui sévit aussi ailleurs en Europe, a été repérée pour la première fois dans un élevage en France début décembre, déclenchant notamment un embargo de la Chine contre les volailles françaises. La France espère conclure un accord pour pouvoir exporter vers la Chine depuis les territoires restés indemnes.
L'impératif est « de gérer vite et bien cette crise, y compris en passant par des mesures radicales, pour montrer [aux pays importateurs, ndlr] en quoi notre système sanitaire est efficace et permet de circonscrire la maladie », soulignait mercredi Isabelle Chmitelin, la directrice générale de Chambres d'agriculture France.