au sommaire
Une protéine essentielle : l’hémoglobine. Cette énorme structure fixe d’un côté l’oxygène et le dioxyde de carbone de l’autre. Comme toutes les protéines, sa forme est déterminante pour sa fonction. Crédit : Swiss-Prot
Indispensables moteurs de la machinerie chimique des cellules, les protéines, gigantesques moléculesmolécules formées d'une chaîne d'acides aminés, jouent des rôles variés : catalyseurscatalyseurs, hormones, contraction musculaire... Que l'une d'elles fonctionne mal et la mécanique s'enraye, souvent avec des conséquences graves pour l'organisme tout entier. Pour en comprendre le rôle, la méthode actuelle consiste à s'en prendre au gène qui lui correspond, autrement dit celui qui porteporte le code servant à la fabriquer. En bricolant, les généticiensgénéticiens parviennent ainsi à augmenter ou diminuer la production d'une certaine protéine.
Une équipe israélienne de l'institut Weizmann vient de trouver un autre moyen de contrôler l'action d'une protéine, soit pour l'étudier soit pour modifier son action. Il s'agit ni plus ni moins d'installer sur la protéine une sorte d'interrupteur que l'on pourra actionner par un signal chimique.
Le principe est d'agir à deux niveaux, génétique et chimique. Dans un premier temps, Mordechai Liscovitch, Oran Erster et MiriMiri Eisenstein interviennent sur le gène pour y insérer une courte séquence. Quand une protéine sera fabriquée à partir ce gène modifié, le code parasiteparasite lui ajoute à la protéine une suite d'acides aminés. Ce petit segment surnuméraire et bien choisi sera ensuite capable de s'accrocher sur un certain type de molécule. Il devient une sorte de prise sur laquelle pourra venir s'attacher un messager chimique. Dans un second temps, il suffira d'injecter ce signal à l'animal (ou à la plante) pour qu'il aille se fixer sélectivement sur la protéine modifiée.
Protéine sous contrôle
Selon l'endroit où sera incorporé ce segment supplémentaire, la protéine verra son action modifiée d'une manière ou d'une autre, voire complètement inhibée. Le plus difficile est d'ailleurs de décider où fixer ce récepteur artificiel. Le messager chimique, en s'accrochant sur la protéine, va en changer la forme et celle-ci est déterminante pour son action biologique. Il faut d'abord prédire comment le messager changera la configuration de la protéine et ensuite de quelle manière cette contorsion modifiera la fonction. Pour l'instant personne ne sait effectuer pareille supputation par la simple théorie.
L'équipe a imaginé un autre moyen, fastidieux mais radical : fabriquer une série de protéines modifiées avec des récepteurs insérés à différents endroits et tester ensuite chacune d'entre elles. Les résultats sont allés au-delà des espérances des chercheurs. Parmi la collection de protéines obtenues, certaines voyaient leur efficacité renforcée tandis d'autres subissaient une réduction. « Nous avons été surpris de l'efficacité de la méthode, explique Mordechai Liscovitch. Il suffit d'un petit ensemble de protéines pour en trouver une qui répond au signal chimique. Avec leurs moyens plus importants, les industriels de la biotechnologiebiotechnologie pourront fabriquer des collections bien plus grandes de façon à trouver celle qui leur convient. »
Cette technique permet donc de contrôler à peu près complètement l'activité d'une protéine. En médecine, on peut imaginer différentes voies d'utilisation. Une protéine modifiée pourrait par exemple être activée à certains moments ou à certains endroits de l'organisme. Les auteurs pensent également, pour l'avenir, à la thérapie géniquethérapie génique. Une telle protéine modifiée pourrait prendre la place d'une protéine défectueuse et répondre à la demande à un médicament.
L'équipe imagine aussi des développements d'OGMOGM pour l'agricultureagriculture, rêvant de fruits qui mûriraient sur commande... Dans les industries où l'on utilise des enzymesenzymes, cette activation sous contrôle pourrait aussi rendre des services. Bref, ce n'est qu'une technique que d'autres appliqueront d'une manière ou d'une autre...