Le génome de Photorhabdus luminescens, une bactérie pathogène d'insectes vivant en symbiose avec un ver (nématode), vient d'être entièrement séquencé par une équipe de l'Institut Pasteur (associée au CNRS). Son analyse, publiée dans Nature Biotechnology (E. Duchaud et al., novembre 2003), a été réalisée en collaboration avec l'INRA-Université de Montpellier II, d'autres équipes du CNRS et de l'Institut Pasteur, et la société Bayer CropScience. Elle révèle tout une variété de gènes codant pour des toxines entomopathogènes, qui pourront être utiles à la lutte contre les insectes nuisibles. De plus, la bactérie détient de nombreux gènes codant la biosynthèse d'antibiotiques et d'antifongiques, sources potentielles de retombées pour le traitement des maladies infectieuses.

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Bactérie

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Les équipes coordonnées par Frank Kunst (Institut Pasteur-CNRS) et Philippe Glaser (Institut Pasteur), responsables du Laboratoire de Génomique des Microorganismes Pathogènes de l'Institut Pasteur ont séquencé et analysé le génome de Photorhabdus luminescens, un chromosome circulaire contenant un total de 4839 gènes codant des protéines.

La bactérie Photorhabdus luminescens, initialement caractérisée par l'équipe de Noël Boemare (INRA-Université), vit dans le tube digestif d'un nématode. Lorsque le ver s'attaque à des larves d'insectes, il crée de petites lésions qui permettent à la bactérie de s'introduire dans l'hémolymphe de l'insecte. Elle sécrète alors tout une gamme de facteurs de virulence entraînant une mort rapide de la proie. Photorhabdus luminescens est ainsi capable d'anéantir, portée par son vecteur, une large variété d'insectes.

Rien d'étonnant donc à ce que les chercheurs aient identifié des gènes de toxines susceptibles de tuer de nombreux insectes. Mais il faut préciser qu'aucun génome bactérien aujourd'hui séquencé n'avait permis de trouver autant de gènes de toxines entomopathogènes. Les chercheurs ont de plus vérifié expérimentalement la toxicité de certaines de ces protéines, qui se sont avérées, entre autres, mortelles pour les moustiques. Ces découvertes sont donc du plus haut intérêt pour les recherches concernant la lutte contre les insectes nuisibles pour l'agriculture ou pour la santé humaine.

La bioconversion du corps de la proie par des enzymes de la bactérie permet à celle-ci de s'y multiplier tandis que le ver se reproduit, et de s'associer de nouveau au nématode avant de quitter le cadavre de l'insecte. La bactérie Photorhabdus luminescens doit aussi défendre le cadavre de l'insecte des microbes qui entrent en compétition avec elle. La bactérie sécrète pour cela des substances capables de détruire d'autres bactéries ou des champignons. Les chercheurs ont effectivement identifié tout une gamme de gènes codant la biosynthèse d'antibiotiques et d'antifongiques. Ils pourraient aider au développement de nouveaux moyens de lutte contre les maladies infectieuses. Photorhabdus luminescens offre donc, à la lumière de son génome, de nouvelles pistes pour la lutte biologique contre les microbes et les insectes.

Les chercheurs ont aussi découvert de nombreux gènes qui permettront de mieux comprendre la symbiose entre cette bactérie et le nématode qui l'abrite. Ces connaissances pourraient être utiles à une utilisation de ce "couple" pour la lutte biologique contre les insectes.

Ce projet a été financé en partie par la subvension "Après-séquençage des génomes" du Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie.