Futura a pu découvrir la bande dessinée La génétique au cœur, une histoire humaine et scientifique sur la place de la génétique dans notre quotidien. Philippe Amouyel, le scénariste, nous a dépeint les coulisses de cet album, à paraitre le 28 avril, mais aussi les dessous pas toujours reluisants du business de la génétique récréative. Car si la génétique a fait d'énormes progrès ces dernières années, comme toute avancée scientifique, elle n'est pas à l'abri de certaines dérives...
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La génétique n'a jamais été un sujet facile à vulgariser. Si les recherches avancent considérablement aujourd'hui, analyser et comprendre tous ces enjeux peut parfois s'avérer difficile. Il faut des connaissances scientifiques assez poussées pour comprendre ce qu'il se passe aux confins de nos cellules. Avec La génétique au cœur (Éditions Dargaud), Philippe Amouyel, médecin, professeur de santé publique à l'université de Lille et spécialiste de la génétique d'Alzheimer, et Héloïse Chochois, illustratrice scientifique, relèvent le défi haut la main en proposant un album esthétique, rigoureux, mais accessible sur le thème de la génétique.
L'histoire commence avec une jeune femme qui rend visite à son père, généticien de métier. Elle lui avoue à demi-mots qu'elle et sa sœur ont réalisé l'un des fameux tests génétiques récréatifs disponibles en ligne. L'occasion pour le père d'embarquer sa fille, et les lecteurs au passage, dans l'histoire de la génétique et de ses applicationsapplications, des plus bénéfiques au plus néfastes, à travers plusieurs nouvelles.
« La BD était un moyen de faire passer le message de façon beaucoup plus abordable qu'avec un bouquin classique », raconte Philipe Amouyel. Le médecin, qui avait déjà publié un livre auparavant, a dû s'adapter au 9e art et faire rentrer ses textes « chiadés » dans des bulles afin qu'ils soient adaptés au langage parlé. Il fallait aussi une histoire, un scénario, pour accompagner le propos scientifique.
La génétique, au cœur de notre quotidien
« Certains Gafam, comme GoogleGoogle pour ne pas le citer, poussent l'usage de l'ADN d'abord pour connaître ses origines, puis ils ont commencé à faire des tests pour connaître la susceptibilité à certaines maladies, hors de tout contexte médical », décrit Philipe Amouyel. Le code de la santé publique français interdit l'usage de ces tests génétiques qui n'ont pas de finalité médicale ou de recherche scientifique. Une exception en Europe, puisque la France est la seule avec la Pologne à ne pas autoriser des entreprises à faire des diagnostics génétiques. Mais, en réalité, ils sont accessibles à tous sur InternetInternet. « On met notre ADN dans une petite enveloppe qui part vers les États-Unis et ça nous revient. »
Dans la plupart des cas, si tout se passe bien, les résultats de ces tests peuvent aussi bouleverser des vies. La génétique au cœur propose de suivre des gens, vous et moi, qui voient leur vie s'effondrer après avoir fait un test génétique. « Tous les exemples sont tirés de la vie réelle », précise Philippe Amouyel.
Le jeune cadre dynamique et sportif qui apprend qu'il a une prédisposition génétique à Alzheimer, « il y en a des tas ! » Le plus connu est sûrement Chris Hemsworth, acteur australien de 39 ans, connu pour incarner le personnage de Thor, qui a découvert en novembre 2022 qu'il possédait deux copies du gène APOE4, ce qui augmente sensiblement ses risques de développer la maladie d'Alzheimermaladie d'Alzheimer. Cette nouvelle a mis entre parenthèses sa carrière professionnelle. « S'il n'avait pas fait ce test, il aurait continué jusqu'à 60-70 ans peut-être, et la maladie serait arrivée... ou pas », commente Philippe Amouyel.
Faire un test génétique peut avoir des conséquences pour soi, mais aussi pour ces proches. « Si vous trouvez quelque chose, la loi bioéthiquebioéthique impose, en particulier pour les maladies, vous oblige à informer la famille pour prendre des mesures préventives. » Un cas également illustré dans La Génétique au cœur.
Les dessous des tests génétiques récréatifs
Les entreprises qui proposent ces tests génétiques ne séquencent pas le génomegénome entier, mais des fragments d'ADN qui sont analysés par l'intermédiaire des puces à ADN standard, utilisées également en recherche. « Qu'ils utilisent une puce qui permette d'identifier 500 ou 200 000 polymorphismes génétiquespolymorphismes génétiques, le prix est le même à la fin, souligne le médecin. Donc ils choisissent celles qui donnent le plus d'informations. Ces entreprises ont donc des bases de donnéesbases de données gigantesques sur la génétique des personnes ».
Une base de données qui intéresse le secteur pharmaceutique. Le prix que payent les clients ne permet pas de financer la réalisation du test, alors pour ne pas être déficitaires, les entreprises comme 23andMe, My Heritage ou Living DNADNA, vendent leurs informations à des groupes pharmaceutiques. « Si vous regardez bien dans les centaines de pages écrites en tout petit, vous pouvez refuser cette utilisation de vos données. Mais personne ne les lit », poursuit-il.
Malgré ces dérives, faire un test génétique dans un cadre médical peut se justifier « quand on a une réponse médicale à apporter ». Le cas le plus emblématique est celui d'Angélina Jolie, qui a réalisé un test génétique pour connaître ses risques de cancer du seincancer du sein puisque plusieurs femmes de sa famille en ont été atteintes. Il s'avère qu'elle est porteuse du gène BRCA1 ; les personnes porteuses ont 60 à 80 % de risque de faire un cancer du sein à un moment de leur vie. Pour l'éviter, elle a décidé de réaliser une mastectomiemastectomie, qui réduit le risque de cancer du sein à 5 %.
Mais, dans le cas où il n'y a aucune solution médicale à apporter pour diminuer une prédisposition génétique, comme pour Alzheimer, « ça ne vous apportera rien, si ce n'est une angoisse à chaque fois que, à partir de 45 ans, vous aurez oublié vos lunettes ou perdu votre voiturevoiture sur le parking du Lidl. Là, ça ne vaut pas le coup », estime Philippe Amouyel.
Notre avis sur « La génétique au cœur »
La Génétique au cœur vulgarise la génétique sans détour, dans ses bons comme ses mauvais aspects. Bien fouillé, le propos scientifique est rigoureux sans laisser les néophytes en science sur le côté de la route. Les personnages et les situations sont crédibles et promettent d'alimenter les discussions en famille ou entre amis sur ce que nous voulons faire avec notre bien le plus intime : nos gènes.
Si ce sujet vous intéresse, si vous souhaitez en apprendre davantage sur les enjeux de cette branche de la science qui ne cesse de nous surprendre alors n'hésitez plus. Cette BD permet de manière ludique de découvrir l'impact et les utilisations de la génétique dans notre quotidien. La Génétique au cœur aux éditions Dargaud est disponible dans toutes les librairies à partir du 28 avril 2023, au prix de 22 euros.
Article rédigé en partenariat avec les Éditions Dargaud