En inhibant une protéine nommée NCoR1, des chercheurs ont métamorphosé des souris, les rendant deux fois plus musclées. S’il s’agit bel et bien d’un moyen rapide et efficace pour gagner de la masse musculaire, les personnes âgées ou les myopathes pourraient en tirer des bénéfices. Mais certaines dérives sont également possibles…

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    De simples souris sont devenues des athlètes imposants. Cela pourrait-il se produire chez l'Homme ? © Jepoirrier, Flickr, cc by sa 2.0

    De simples souris sont devenues des athlètes imposants. Cela pourrait-il se produire chez l'Homme ? © Jepoirrier, Flickr, cc by sa 2.0

    Si la performance peut paraître grotesque, elle pourrait faciliter bon nombre d'existences, notamment celle de toutes les personnes atteintes de myopathie. La célèbre revue Cell vient de publier les résultats de chercheurs de l'École fédérale de Lausanne (Suisse) et de l'université de Lausanne associés à des Américains de l'Institut Salk, montrant des souris mais aussi des vers devenus exagérément musclés.

    Il a suffi pour cela d'inhiber la protéine NCoR1 (nuclear receptor co-repressor 1) au niveau musculaire pour induire cette hypertrophiehypertrophie. Les chercheurs ont remarqué sur les souris une amélioration des performances dans les exercices d'endurance grâce à un accroissement simultané de la masse musculaire et du nombre de mitochondries.

    Pour tenter de généraliser à d'autres espècesespèces et de montrer le rôle spécifique de cette protéine, ils ont également éteint le gène homologue chez un ver souvent utilisé comme cobaye dans le monde scientifique, Caenorhabditis elegans. Là encore, les vers ont fait preuve de capacités physiquesphysiques supérieures.

    Quand NcoR1 n’est pas là, les souris se musclent

    À en croire les auteurs, ce NCoR1 serait une sorte de frein à l'activité de certains gènes. En desserrant ce frein par manipulation génétique, on peut alors allouer davantage d'énergieénergie au développement musculaire et, schématiquement, transformer un gringalet en Hulk.

    Johan Auwerx, de l'École fédérale de Lausanne, se réjouit de cette trouvaille. « On pourrait utiliser ce principe pour combattre la faiblesse musculaire chez les personnes âgées, qui chutent et se font hospitaliser. Nous pensons aussi que cette découverte pourrait servir de base à un traitement visant à combattre les myopathies. »

    On connaît peut-être le secret de l'Incroyable Hulk. Les chercheurs ont inhibé la synthèse de la protéine NCoR1 chez des souris, et elles ont développé des capacités physiques supérieures. © San Diego Shooter, Fotopedia, cc by nc nd 2.0

    On connaît peut-être le secret de l'Incroyable Hulk. Les chercheurs ont inhibé la synthèse de la protéine NCoR1 chez des souris, et elles ont développé des capacités physiques supérieures. © San Diego Shooter, Fotopedia, cc by nc nd 2.0

    Leurs ambitions ne s'arrêtent pas là. « Il y a désormais des pistes pour développer des médicaments pour les personnes incapables de bouger à cause de leur obésité, ou d'autres complications de santé comme le diabète, l'immobilité ou la fragilité » fait remarquer Ronald Evans, de l'Institut Salk. Ils pensent en effet pouvoir procurer les bénéfices d'une activité physique à des personnes sédentaires. Cela pourrait les affecter positivement à deux niveaux : les mouvementsmouvements deviendraient plus simples du fait d'une puissance musculaire accrue, et le muscle étant un gros consommateur d'énergie, même au repos, les dépenses caloriques grimperaient en flèche et la graisse en excès servirait de combustiblecombustible.

    Une voie de plus vers le dopage génétique ?

    Mais cette découverte pourrait aussi intéresser des personnes saines et en bonne santé. Des sportifs par exemple, ayant soif de succès. Car si cela améliore les performances des souris et se révèle efficace chez l'Homme (ce qui reste à démontrer), il s'agirait d'un moyen rapide et efficace de gagner en massemasse musculaire sans effort particulier. Bien évidemment, toute modification génétique est strictement interdite par le règlement mondial antidopage.

    Finalement, les propriétés de NCoR1 rappellent un peu celles de la myostatine, un facteur de croissance dont l'absence se traduit par une musculature exagérément importante. Pour l'heure, le dopage génétique relève plutôt du fantasme que de la réalité. Mais les tricheurs ayant toujours un temps d'avance sur les protocolesprotocoles permettant de détecter les produits, ils seront peut-être clandestinement les premiers cobayes humains pour ce type de traitement...