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Le complexe formé par l'ARN viral au niveau de TAR (en bleu) et l'ARN de synthèse (en jaune, orange et rouge). © Van Melckebeke et al./Pnas
Comme tous les virus, le VIH profite de la machinerie génétique de la cellule qu'il infecte (et qui ne survit pas) pour se reproduire en de multiples exemplaires. C'est ce que l'on appelle la réplication. Parmi les moyens de lutte contre le Sida figure en bonne place la recherche de produits actifs qui empêchent cette multiplication du virus chez la personne infectée. Le début de la réplication a donc logiquement focalisé un grand nombre d'études depuis plusieurs années et le scénario de la réplication du VIH commence à être assez bien connu.
Ces travaux ont repéré une région vulnérable sur le génomegénome du virus, constitué, puisqu'il s'agit d'un ribovirus, d'ARNARN (et non d'ADNADN). Baptisée TAR (trans-activator response), elle joue le rôle d'un régulateur de la réplication. Replié sur lui-même en forme d'épingle à cheveux, ce brin, long de 70 paires de bases, accroche temporairement plusieurs facteurs, dont une protéineprotéine virale (TatTat), avec pour effet d'activer la reproduction du génome du VIH.
Plusieurs études ont montré que l'inhibitioninhibition de cette région TAR diminue considérablement la multiplication du virus. Pour y parvenir, une solution est de créer un ARN de synthèse capable de se fixer sur cette région, qui est ainsi masquée et donc inactivée. Encore faut-il trouver une séquence spécifique et bien comprendre les mécanismes de fixation, afin d'éviter que l'ARN de synthèse n'aille s'accrocher ailleurs. C'est ce travail qu'a réalisé une équipe internationale réunissant notamment des chercheurs de l'Institut de biologie structurale Jean-Pierre Ebel du CEA (IBS), de l'Institut européen de chimie et biologie (IECB) et de l'université d'Ottawa, et dont les résultats viennent d'être publiés dans les Pnas (Proceedings of the National Academy of Sciences).
Pour accrocher deux ARN, entrelacer deux boucles
Les chercheurs de l'IECB ont d'abord patiemment testé une série de petits brins d'ARN (des oligonucléotidesoligonucléotides) en puisant dans une banque qui en contient cent milliards, pour retenir ceux capables de se fixer spécifiquement sur la région TAR. Les équipes de l'IBS et de l'université d'Ottawa ont ensuite pris le relais pour étudier de près cette fixation à l'aide d'une technique utilisant la RMN (résonance magnétique nucléairerésonance magnétique nucléaire). Des progrès récents permettent en effet de visualiser de cette manière les détails anatomiques de la moléculemolécule d'ARN.
Pour s'accrocher, l'ARN de synthèse doit présenter une structure en boucle qui vient se fixer sur la région TAR à l'endroit où celle-ci forme elle aussi une boucle. Le résultat est appelé complexe entrelacé (kissing complex en anglais). L'étude par RMN a montré que ce complexe ne peut se former que s'il existe un certain motif sur l'ARN de synthèse, en l'occurrence une paire de bases GA (guanineguanine et cytosinecytosine). Curieusement, cette paire nécessaire à la fixation ne doit justement pas s'apparier avec la région TAR. En restant libre, elle favorise la formation d'une boucle qui, elle, est indispensable à la formation du complexe entrelacé.
Voilà donc une étape cruciale dans la recherche d'ARN de synthèse susceptibles de bloquer la multiplication du VIH. Les biologistes travaillant sur ce sujet dans le monde savent maintenant qu'ils doivent prendre garde à insérer une paire GA dans les ARN de synthèse candidats pour le rôle d'inhibiteur de la réplication.
L'étude servira aussi, plus généralement, à mieux comprendre le fonctionnement des associations entre ARN (ou entre ARN et ADN) au niveau de structures en boucles, qui participent manifestement à la régulation de l'expression des gènesgènes. Dans ces mécanismes, les différents types d'ARN jouent des rôles multiples et la compréhension de cette régulation constitue le grand chantier de la génétique actuelle.