« Mensonger » et « diffamatoire ». Voilà les mots de Donald Trump pour qualifier The Apprentice, ce biopic grinçant sorti le 9 octobre dernier et qui retrace son ascension dans l'entreprenariat immobilier new-yorkais des années 1980. Pourtant, le réalisateur Ali Abbasi a inclus dans son film un aspect bien réel et connu de la personnalité de l’ancien président des États-Unis : son obsession pour la génétique, qu’il estime responsable de son succès. Mais le secret de la réussite se cache-t-il vraiment dans nos gènes ?


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    Nous sommes en 1988, Donald Trump est au sommet de sa gloire. Invité sur le plateau du Oprah Winfrey Show, il fait la promotion de son livre, L'art de la négociation, mi-autobiographie, mi-manuel de conseil pour entrepreneurs. Le magnat de l'immobilier livre sa théorie surprenante sur son ascension : « Il faut être né chanceux, dans le sens où il faut avoir les bons gènes », dit-il avant d'évoquer de potentielles ambitions présidentielles... Près de quarante ans et un mandat plus tard, Donald Trump ne manque jamais une occasion d'invoquer la génétique. Aussi récemment que le 7 octobre dernier, alors interviewé par le podcasteur conservateur Hugh Hewitt, il affirme que l'immigration est responsable de l'arrivée de « mauvais gènes » sur le territoire américain. 

    La <em>Trump Tower</em> new-yorkaise, symbole du succès de Donald Trump. © Sergii Figurnyi, Adobe Stock 
    La Trump Tower new-yorkaise, symbole du succès de Donald Trump. © Sergii Figurnyi, Adobe Stock 

    Les gagnants de la loterie génétique 

    Le patrimoine génétique porteporte ce nom car il nous est directement transmis par nos parents. Mais attention, cela ne le rend pas moins unique ! Notre ADN est le résultat d'une seule combinaison des gènes du père et de la mère, parmi 70 milliards d'autres possibilités. C'est ce caractère aléatoire qui a inspiré l'expression « loterie génétique », particulièrement populaire sur les réseaux sociauxréseaux sociaux. Par exemple, sur Reddit, certains utilisateurs se vantent d'avoir une vision ou une dentition parfaite ou de ne jamais tomber malade. Mais d'après une étude de 2016 menée par le Dr. Daniel W. Belsky, chercheur à l'université de Duke aux États-Unis, « gagner à la loterie génétique » pourrait concerner bien plus que la santé ou l'apparence physiquephysique.

    Dans la revue Psychological Science, l'expert et son équipe expliquent avoir analysé le lien entre la génétique et l'ascension sociale en utilisant les données de l'étude de Dunedin. Cette dernière suit depuis leur naissance, entre 1972 et 1973, un millier d'individus néo-zélandais et récolte des informations sur leur santé, leurs comportements, et bien plus encore. Grâce à la base de donnéesbase de données conséquente qu'elle fournit, les chercheurs de l'université de Duke ont donc pu comparer certains facteurs génétiques avec la réussite socioprofessionnelle des sujets. 

    Un scientifique se prépare à tester un échantillon d'ADN. © Cavan, Adobe Stock
    Un scientifique se prépare à tester un échantillon d'ADN. © Cavan, Adobe Stock

    Résultat ? Les plus prospères ont bien une caractéristique en commun : un nombre plus important de variations génétiques, mesurées par un indice appelé le « score polygénique », qui sert également à calculer la probabilité de développer certaines maladies. Le Dr. Daniel W. Belsky estime donc qu'il y a bien un lien entre génétique et réussite, mais que ce n'est pas l'affaire d'un gène en particulier. Par ailleurs, il ajoute que, tout bien considéré, l'impact du score polygénique n'est que de 1 à 4 % et que son étude prouve surtout que les facteurs environnementaux, comme la catégorie socioprofessionnelle des parents et l'accès à la culture pèsent beaucoup plus lourd dans la balance. 

    La théorie du cheval de course

    Dans un article publié par le Center for Genetics and Society, une organisation américaine à but non lucratif, le chercheur Pete Shanks cite l'histoire d'Alfred Binet, l'inventeur du test de QI. Ce dernier avait, à l'origine, créé cette mesure pour venir en aide aux enfants souffrant de troubles de l'apprentissage, inadaptés au système scolaire classique. Mais Pete Shanks estime qu'aujourd'hui, le QI sert principalement à créer une élite de l’intelligence, on teste plus souvent les enfants doués à l'école que ceux présentant des difficultés. Pour lui, les études sur une possible prédispositionprédisposition génétique au succès sont en phase d'emprunter un chemin similaire : elles servent à prouver que les gènes n'ont que peu d'impact sur la réussite, mais tout ce que l'on en retient c'est qu'ils en ont un quand même ! Cela pourrait bien nous mener vers une pente glissante, entre eugénisme et théories du passé qu'il ne vaudrait mieux pas déterrer. 

    Et quand Donald Trump invoque la génétique, c'est bien sur cette pente qu'il s'engage. En 2023, à un meeting de campagne, il lance que les immigrés clandestins « empoisonnent le sang du pays ». Quelques années plus tôt, dans le Minnesota, il prônait les « bons gènes » de ses supporters et invoquait la théorie du cheval de course, une doctrine eugéniste et suprémaciste blanche vieille de plusieurs siècles, qui affirme que restreindre la reproduction aux personnes présentant des traits jugés désirables renforcerait la population...

    Donald Trump devrait donc revoir sa leçon, la clé de son succès ne se cache peut-être pas dans son patrimoine génétique, mais dans d'autres choses que son père lui a transmis : un petit million de dollars pour qu'il achète son premier building à Manhattan et l'accès à la présidence de l'entreprise familiale avant ses trente ans.