Si le Movember permet de sensibiliser aux maladies qui touchent spécifiquement les hommes, il est aussi l'occasion de parler d'un domaine que l'on associe trop souvent aux femmes : celui de la santé mentale. Un sujet invisibilisé au sein de la gent masculine, malgré des chiffres catastrophiques.
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La santé mentale des hommes serait-elle un enjeu de santé publique ? En 2016, une équipe de chercheurs canadiens avaient tiré la sonnettesonnette d'alarme en pointant du doigt les chiffres dramatiques avancés par d'autres études : au Canada, les hommes consultent moins de psychologues et psychiatres que les femmes, on leur diagnostique deux fois moins de dépression, mais ils se suicident quatre fois plus ! Un phénomène qui n'épargne pas la France : la dernière étude de l'Observatoire national du suicide a dénombré « 11 210 décès par suicide, dont 75 % concernent des hommes » !
Des signes avant-coureurs de dépression différents chez les hommes et les femmes
Un des principaux facteurs pouvant expliquer cette situation est la méconnaissance de la dépression chez l'homme, qui ne se manifeste souvent pas de la même manière que chez la femme. Ainsi, les premiers signes de la dépression masculine impliquent souvent « de l'irritabilité, de la colère, un comportement hostile, agressif, abusif, un abus de substances et un comportement de fuite (par exemple, une implication excessive au travail) », détaillent des chercheurs dans une étude parue en 2011 dans le Can Fam Physician. Ils semblent également adopter davantage de comportements à risque, incluant notamment le recours à l'alcoolalcool et autres drogues... Un ensemble de symptômes qui masque souvent des signes plus classiques : tristesse, pleurs inexpliqués, sentiments de culpabilité et changements dans l'appétit.
En outre, les hommes ont tendance à ne pas verbaliser leur mal-être de la même manière que les femmes. Au lieu de parler de tristesse ou d'abattement, ils préfèrent généralement parler de « stress » ou de « passage à vide ».
Moins de diagnostics : la faute aux stéréotypes de genre !
Ces différences et le nombre moindre d'hommes consultant pour des questions de santé mentale mènent donc à des non-diagnosticsdiagnostics aux conséquences graves. Sans surprise, les explications sont à chercher du côté des standards de genre, qui glorifient une masculinité obéissant à des règles bien précises : la réussite professionnelle, la capacité à subvenir aux besoins de sa famille, le self-control, etc. Les appels à l'aide sont donc bien souvent perçus comme des signes de faiblesse et de vulnérabilité... réservés aux femmes ! En 2011, une étude publiée dans Sociology of Health & Illness était d'ailleurs catégorique : « Nos résultats confirment clairement les macro-liens entre les discours sur la recherche d'aide par les hommes touchés par la dépression et les discours sur la masculinité. »
« L'idéal est fixé si haut qu'il est impossible à atteindre, dénoncent les scientifiques dans l'étude de 2016 parue, elle aussi, dans les colonnes du Can Fam Physician. Il s'ensuit un sentiment d'échec, un échec à gagner la compétition contre d'autres hommes et un échec à répondre aux besoins de leur famille. »
Agir pour faire modifier la tendance
Il s'agit donc de repenser le rapport de la société et du corps médical à la dépression, encore considérée aujourd'hui comme une maladie « féminine ». Pour les auteurs, plusieurs leviers sont à soulever :
- éliminer la stigmatisation autour du sujet en rappelant aux hommes que la santé mentale concerne tout le monde, et que chaque personne peut traverser une période difficile ;
- changer les points de vue des hommes à propos des services de santé : demander de l'aide, qu'importe la forme, ne doit pas être vu comme un interdit. Au contraire, la démarche doit être valorisée en tant que « marque de force, de prise de contrôle de leur situation pour remettre de l'ordre dans leur vie » ;
- adapter les structures de prises en charge afin que les hommes se sentent davantage concernés - même si celles-ci se défendent de s'adresser principalement aux femmes ;
- prévenir, notamment en combattant la solitude chez les personnes âgées : les hommes retraités se suicident sept fois plus que les femmes retraitées !
Autant de solutions pour sauver des vies, tout en faisant un pied de neznez à des clichés sexistes aux conséquences désastreuses pour les hommes comme pour les femmes.