Des chercheurs chinois ont mis en évidence que le stress et la dépression sont héréditaires chez la souris. Pourtant, aucun gène n'a été identifié. Comment ces états se transmettent-ils alors ?
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La dépression est l'une des maladies mentales les plus fréquentes et, avec la pandémie de Covid-19, les médecins craignent que son incidence monte en flèche. Les scientifiques n'ont pas encore mis le doigt sur l'étiologie précise de cette maladie, il est admis qu'elle est issue d'un mélange malheureux de facteurs environnementaux, comme le stress, et de prédispositions génétiques. En effet, la dépression touche fréquemment les membres d'une même famille où les épisodes dépressifs d'un des parents peuvent affecter leur descendance. Pourtant, aucun « gène de la dépression » n'a été encore identifié.
De plus en plus d'études suggèrent que la dépression ne se transmet pas de façon génétique, mais épigénétique. L'épigénétique est l'étude des facteurs qui modifient l'expression des gènes mais qui ne modifient par leur séquence. Par exemple, la méthylationméthylation de l'ADNADN, la modification des histoneshistones et l'activité d'ARNARN non codants (qui ne sont pas traduits en protéinesprotéines) sont des facteurs épigénétiques modifiés par des facteurs environnementaux qui influent sur l'activité des gènes.
Une nouvelle étude, parue dans Science Advances, menée à l'Université de Nanjing en Chine, démontre comment des facteurs environnementaux, notamment le stress, peuvent être transmis via des petits ARN.
Des adultes et des souriceaux stressés
La première étape de ce travail de recherche a été de rendre des souris dépressives. Pour cela, les scientifiques ont soumis des souris mâles à un stress peu intense, mais répété, et imprévisible pendant cinq semaines. À l'issu de ces cinq semaines, les souris ont perdu du poids et sont devenues apathiques et anhédoniques par rapport aux autres souris. Leur taux de corticostérone plasmatique, une hormonehormone synthétisée en cas de stress, est particulièrement élevé.
Ces mâles déprimésdéprimés se sont accouplés avec des femelles en parfaite santé. Le comportement de leur descendance a été analysé lorsque les souriceaux ont atteint l'âge adulte. De prime abord, rien ne permet de déceler un quelconque état dépressif. Mais, lorsque les souris issues du mâle dépressif subissent un stress léger pendant deux semaines, elles développent le même éventail de symptômessymptômes que leur géniteur. Ainsi, la souris mâle en état de dépression a transmis une sensibilité accrue à cette maladie mentale à sa descendance.
De tout petits ARN mis en cause
Si les gènes ne sont pas impliqués, par quel mécanisme la sensibilité à la dépression se transmet-elle ? Les scientifiques ont lorgné du côté des ARN non codants. Ceux présents dans les spermatozoïdesspermatozoïdes sont transmis à l'embryonembryon au moment de la reproduction. Les scientifiques ont donc extrait et isolé tous les ARN des spermatozoïdes et les ont injectés dans un zygotezygote. Ce dernier est implanté dans une souris porteuse qui donnera naissance aux petits. Les souriceaux ainsi obtenus présentent eux aussi une sensibilité accrue à la dépression provoquée par le stress.
À force d'affiner leurs expériences, les scientifiques ont identifié quels ARN étaient responsables des états dépressifs. Il s'agit de microARNmicroARN d'environ 20 nucléotidesnucléotides, 19 sortes de ces petites moléculesmolécules ont été identifiées dans les spermatozoïdes. Il s'avère que, chez les mâles déprimés, 16 d'entre eux voient leur activité décupler, par rapport à des souris en bonne santé. Cette suractivité altère le développement des circuits neuronaux durant le développement embryonnaire et imprègne une sensibilité au stress qui conduit à la dépression.
Une piste pour étudier la maladie chez l'être humain ?
Ces résultats décrivent parfaitement comment un facteur environnemental, à savoir le stress et un état dépressif, peut être transmis à la descendance par une autre voie que les gènes. Ces observations peuvent-elles nous éclairer sur la dépression chez l'être humain ?
“Il est intéressant d'étudier si les microARN du sperme jouent aussi un rôle dans l'hérédité de la dépression humaine”
« Parce que les recherches sur les souris ne se transposent pas toujours aux humains, je ne peux pas affirmer maintenant que nos découvertes peuvent l'être aux êtres humains, explique Xi Chen, chercheur à l'Université de Nanjing, en Chine, et directeur de ses recherches. Cependant, étant donné que les séquences et les fonctions biologiques de nombreux microARN sont conservées entre les humains et les souris, il est intéressant d'étudier si les microARN du spermesperme jouent également un rôle dans l'hérédité de la dépression humaine. En fait, notre prochaine étape consiste à explorer les rôles potentiels des microARN du sperme humain dans la dépression ».