Chaque malade du coronavirus contamine en moyenne deux à trois autres personnes. En réalité, la grande majorité des porteurs du coronavirus ne vont jamais le transmettre. Seuls quelques « supercontaminateurs » sont à l’origine de la pandémie de Covid-19 qui s’est répandue comme une traînée de poudre dans le monde.
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Une station de ski en Autriche... Un rassemblement religieux à Mulhouse... Une chorale à Washington... Un match de foot à MilanMilan... Le Sars-Cov-2 semble particulièrement enclin à se propager à partir de clusters où une seule personne suffit à en infecter des dizaines d'autres. À l'inverse, la très grande majorité des personnes porteuses sont faiblement contagieuses, même en adoptant le même comportement. Ce phénomène pourrait expliquer pourquoi l'épidémie, que l’on soupçonne d’être présente en France depuis décembre, n'a véritablement explosé qu'au grand jour au mois de mars.
“La norme, c’est que ce taux de reproduction est de zéro”
La plupart des épidémiologistes se concentrent sur le taux de reproduction (R0) qui définit le nombre moyen de personnes infectées par une personne malade. Ce taux est d'environ 1,5 pour la grippe, entre 1,5 et 3 pour le Sars-Cov-2, entre 10 et 12 pour la varicelle et jusqu'à 18 pour la rougeole. Mais cette moyenne est en fait très peu représentative de la réalité : « La norme, c'est que ce taux de reproduction est de zéro. La plupart des gens ne transmettent pas le virusvirus », explique Jamie Lloyd-Smith, virologue à l'Université de Californie dans le magazine Science. Les scientifiques ont donc établi un autre indicateur, le facteur de dispersion, noté k. Plus k est petit, plus la propagation de la maladie s'effectue via un faible nombre de personnes.
80 % des transmissions sont le fait de 10 % des malades
Dans un article de Nature publié en 2005, Jamie Lloyd-Smith avait estimé ce facteur k à 0,16 pour le Sars-Cov de 2003. Pour le Mers de 2012, il a été évalué à 0,25. En revanche, lors de la grippe espagnolegrippe espagnole de 1918, il aurait été de 1, ce qui signifie que la capacité de contaminationcontamination aurait été mieux répartie dans la population. Concernant le Covid-19Covid-19, une prépublication de la London School of Hygiene & Tropical Medicine (LSHTM) a calculé un facteur k de 0,1, « ce qui veut dire que 80 % des transmissions sont le fait de 10 % des malades », note l'étude.
Il suffit qu'un de ces supercontaminateurs soit en contact avec un grand nombre de personnes à la fois pour faire émerger un cluster. En Corée du Sud, un des deux premiers cas avérés de Covid-19 a ainsi participé à deux rassemblements au sein desquels plus de 1.000 personnes ont ensuite été testées positives. De même, un patient d'un hôpital de Wuhan, en Chine, a infecté à lui seul 14 membres du personnel soignant alors qu'il n'avait même pas encore de fièvre.
Au moins quatre à cinq foyers différents pour faire décoller une épidémie
Ceci amène à des actions bien différentes de celles préconisées jusqu'ici. Plutôt que de confiner tout le monde de manière indifférenciée, « il y aurait un avantage substantiel à se concentrer sur ces supercontaminateurs, assure Akira Endo, principal auteur de l'étude. Comme la plupart des individus infectés ne contribuent pas à l'expansion de l'épidémie, le nombre effectif de transmissions pourrait être considérablement réduit en prévenant les événements de superpropagation relativement rares ».
Cela suggère également qu'une chaîne de transmission secondaire a peu de chances de se produire, puisqu'il faudrait pour cela qu'une personne contaminée soit elle-même « supercontaminateur ». La plupart des personnes n'étant en réalité pas infectieuses, il faut au moins quatre à cinq foyers de contamination différents pour que l'épidémie décolle réellement, note le magazine Science.
Plus de postillons et de charge virale : le portrait robot du supercontaminateur
Comment expliquer que le Sars-Cov-2 se propage via un si faible nombre d'individus ? Une des explications possibles est le mode de transmission : le virus semble pouvoir rester longtemps dans les fines gouttes d’aérosol en suspension, susceptibles de contaminer un grand nombre de personnes à la fois. Mais les facteurs individuels sont certainement la clé de ces supercontaminateurs. Certaines personnes ont ainsi tendance à émettre beaucoup plus de postillons quand elles parlent ou qu'elles respirent.
La charge viralecharge virale, c'est-à-dire la quantité de virus présente dans l'organisme, varie considérablement selon les individus. Or, plus cette charge virale est élevée, plus vous avez de chances de transmettre la maladie. Ce qui ne signifie pas que le supercontaminateur a des symptômessymptômes plus visibles. Dans une prépublication de l'université Cornell aux États-Unis et menée en Lombardie, l'un des premiers foyers épidémiques en Europe, les chercheurs ont constaté qu'il n'y avait pas de différence entre la charge virale des patients symptomatiques et asymptomatiques.
D'où la difficulté à identifier ces fameux « supercontaminateurs ». D'autant plus que la période durant laquelle on est contagieux est généralement très courte. « Si un "supercontaminateur" avait fréquenté le même événement deux jours plus tard en se comportant de la même façon, il n'y aurait probablement pas eu les mêmes conséquences », explique Adam Kucharski, de la LSHTM.
Le facteur k est toutefois difficile à calculer précisément. Il suppose de pouvoir retracer précisément la chaîne de contamination d'un patient, ce qui était jusqu'ici peu le cas. La surveillance stricte des clusters émergentsémergents devrait permettre d'en savoir plus et d'éviter des contaminations massives.