Au Massachusetts General Hospital, des scientifiques ont testé l'échappement des variants aux anticorps neutralisants, induits par l'injection des vaccins de Pfizer et Moderna. Pour certains d'entre eux, le pouvoir neutralisant des anticorps est drastiquement diminué.
au sommaire
Pendant que les scientifiques planchaient sur un vaccin, le coronavirus a continué son évolution. Bien qu'ils aient été conçus en un temps record, les vaccins ne correspondaient plus à l'épidémie lors de leur mise sur le marché. La souche de Wuhan contre laquelle ils sont dirigés a laissé sa place à des variants, d'abord D614G au printemps 2020, puis une multitude d'autres variants exotiquesexotiques depuis l'automneautomne de la même année. Les firmes pharmaceutiques se sont montrées rassurantes en attestant l'efficacité de leur formule contre certains de ces variants, dont celui qui s'est répandu le plus rapidement : le variant anglais. Mais les nouvelles ne sont pas aussi bonnes pour les autres. Le variant sud-africain, notamment, résiste particulièrement bien aux anticorps induits par la vaccination. D'autres variants ont émergé depuis et leur résistancerésistance aux anticorps neutralisants induits par la vaccination n'a pas encore été étudiée.
Une étude parue dans Cell apporte des éléments de réponse. Les scientifiques du Massasuchetts General Hospital ont mené plusieurs expériences pour estimer la résistance de dix variants du coronavirus aux anticorps neutralisants des vaccins PfizerPfizer et Moderna après une ou deux doses. Comme observé auparavant, le variant sud-africain fait partie des plus coriaces, mais il n'est pas le seul.
Des pseudo-particules virales qui imitent les variants
Les scientifiques n'ont pas utilisé les variants du coronavirus directement, mais ils ont utilisé des pseudo-particules virales (des lentiviruslentivirus) qui arborent les protéinesprotéines S mutées de dix variants différents. Leurs résultats ne concernent donc que l'effet des mutations portées par cette dernière sur la résistance des anticorps neutralisants. Bien que les anticorps neutralisants ciblent la protéine S, on sait que d'autres mutations sont présentes ailleurs sur les variants et elles pourraient aussi influencer leur résistance. Pour rappel, un anticorps neutralisant est un anticorps qui agit au tout début du cycle viral. Il empêche le virusvirus d'entrer dans sa cellule cible en masquant la protéine qui lui autorise l'accès.
Les pseudo-particules virales qui miment chacune un variant du coronavirus ont été mises en présence du sérumsérum de personnes vaccinées par le vaccin de Pfizer et de Moderna après la première ou la seconde dose. Pour les variants, les scientifiques ont choisi un ou plusieurs représentants des lignées majoritaires du SARS-CoV-2SARS-CoV-2 en circulation actuellement : la souche de référence de Wuhan, D614G, B.1.1.7 (variant anglais), B1.1.298 (le variant danois issu des visons), B.1.1.429 (variant californien), trois variants de la lignée B.1.351 (le variant sud-africain), P.2 et P.1 (le variant brésilien). Chacun de ces variants porteporte des mutations dans leur protéine S différentes et cela modifie leur capacité de résistance aux anticorps neutralisants induits par la vaccination. Comme témoin négatif de neutralisation, les scientifiques ont choisi le SARS-CoV et un coronavirus de chauve-sourischauve-souris, tous les deux très différents du SARS-CoV-2 (environ 75 % d'homologiehomologie).
Certains variants échappent au pouvoir neutralisant des anticorps
Les résultats de cette expérience montrent que, comme précédemment observé, les variants de la lignée B.1.351 sont les plus résistants aux anticorps neutralisants. Après deux doses du vaccin de Pfizer, la capacité neutralisante des anticorps est diminuée d'environ 40 fois lorsqu'ils s'attaquent aux variants de cette lignée, en comparaison avec la souche de référence de Wuhan. C'est environ 20 fois après deux injections du vaccin de Moderna. Les variants de lignée P1 et P2 sont aussi moins neutralisés : environ six fois moins après la deuxième dose du vaccin Pfizer et trois fois moins après la deuxième dose du vaccin de Moderna. Les autres variants démontrent aussi une résistance mais qui n'est pas statistiquement significative dans le cadre de cette étude. De plus, la seconde injection vaccinale est indispensable pour renforcer le pouvoir neutralisant du système immunitairesystème immunitaire.
Ces variants ont la particularité de posséder trois mutations dans le domaine RBD de la protéine S, contre seulement une pour les autres variants qui sont bien mieux neutralisés par les anticorps vaccinaux. Mais selon les observations des scientifiques, des mutations situées ailleurs sur la protéine S participent aussi à l'échappement des variants. Ils ont observé le phénomène pour la protéine S du variant sud-africain. Ils ont créé plusieurs copies de cette dernière en retirant pour chacune une mutation du domaine RBD et en conservant les autres. Sans ces mutations, les anticorps parviennent à neutraliser plus facilement les pseudo-particules virales mais une résistance est toujours présente.
Cette étude est imparfaite puisqu'elle n'utilise pas les variants du coronavirus entier, mais seulement leur protéine S exprimée via une pseudo-particule virale. S'il apparaît que les anticorps neutralisants sont moins efficaces face à certains d'entre eux, la réponse immunitaire ne se résume pas à leur action et la protéine S n'est pas la seule cible de ce dernier. L'immunitéimmunité cellulaire, notamment les lymphocyteslymphocytes TT, attaque d'autres épitopesépitopes sur le virus pour contrecarrer l'infection. En conclusion, cette étude confirme les observations faites il y a quelques mois, certains variants résistent aux anticorps neutralisants, sans qu'on en connaisse encore les conséquences cliniques. Elle souligne aussi l'importance de l'injection des doses de vaccin pour les personnes qui n'ont pas été infectées par le SARS-CoV-2 pour induire suffisamment d'anticorps neutralisants capables d'attaquer les variants.
Variants du coronavirus : lequel d'entre eux est le moins neutralisé par le système immunitaire ?
Article publié le 23 janvier 2021 par Julie KernJulie Kern
Des scientifiques de Seattle ont testé l'effet de plusieurs mutations de la protéine S sur l'efficacité des anticorps neutralisants. L'une d'entre elles, présente dans les nouveaux variants du coronavirus, la diminue drastiquement.
L'émergenceémergence des nouveaux variants du SARS-CoV-2 inquiète les autorités sanitaires dans les pays concernés car ils présentent de nombreuses modifications dans la protéine S qui affectent leur propagation. Mais ce n'est pas la seule source d'inquiétude : si la protéine S est différente chez les variants, est-ce que les vaccins, mis au point avant leur arrivée, seront efficaces contre la Covid-19Covid-19 causée par ces derniers ? Les vaccins de Moderna et Pfizer stimulent la production d'anticorps dirigés contre la protéine S, or la séquence qui a servi de base aux deux firmes pharmaceutiques est celle publiée début janvier 2020 par les scientifiques chinois lors de la découverte du SARS-CoV-2. Elle ne contient donc pas les mutations décrites chez les variants anglais, sud-africain ou encore brésilien. La protéine S est indispensable à la réplicationréplication du virus, sans elle, impossible d'infecter les cellules. C'est aussi une cible privilégiée des anticorps, mais si la protéine S a muté, les anticorps ne seront peut-être plus capables de la reconnaître et donc d'empêcher la réplication virale.
Des scientifiques de Seattle ont étudié la capacité neutralisante des anticorps polyclonauxanticorps polyclonaux de patients ayant eu la Covid-19 sur plusieurs formes mutées de la protéine S. Leurs résultats démontrent que certaines mutations diminuent drastiquement le pouvoir neutralisant des anticorps, dont une qui est présente dans les variants sud-africain et brésilien décrits au mois de décembre. Leur travail est pour le moment disponible sous la forme d'une prépublication sur BioRxiv, sujette à des modifications après sa relecture par les pairs.
E484K, la mutation qui trompe le système immunitaire
Le point de départpoint de départ de ce travail de recherche est une bibliothèque de plus de 3.800 mutants de la protéine S du SARS-CoV-2. Chaque mutant porte une seule modification dans le receptor binding domain, cette région de la protéine S qui se lie physiquement à ACE2. Les anticorps neutralisants se fixent préférentiellement à cette région pour inhiber l'entrée du virus de sa cellule hôte. Les anticorps proviennent du sérum de 17 patients, prélevé environ un mois après l'apparition de leurs symptômessymptômes. Parmi ces échantillons, onze ont été exploités après que la présence d'anticorps neutralisants a été mise en évidence et leur purification.
Suite à cela, les scientifiques ont mis en présence les mutants de la protéine S et les anticorps neutralisants des patients convalescents. Le but est d'observer quelles mutations permettent au SARS-CoV-2 d'échapper à la neutralisation. Les résultats montrent de grandes différences entre les échantillons : en globalité, la capacité neutralisante s'échelonne de 63 à 99 % selon les échantillons considérés.
Malgré ça, une mutation en particulier semble mettre à mal le pouvoir neutralisant des anticorps dans la majorité des cas (9 échantillons sur 11), c'est une mutation à la position E484. Ce résidu est situé sur une « crête » du receptor binding domain de la protéine S. Lorsque l'acide glutamiqueacide glutamique (E) est changé pour une lysinelysine (K) ou une glutamineglutamine (Q), la capacité neutralisante des anticorps diminue d'un facteur dix. La mutation E484K est l'une des mutations spécifiques des variants sud-africain et brésilien. D'autres mutations ont eu le même effet, mais seulement pour une minorité de sérums parmi ceux testés. Enfin, une mutation sur la phénylalaninephénylalanine en position 456 (F456) limite également la fixation des anticorps sur cet épitope, mais sans entraver leur capacité neutralisante.
Des effets sur l'efficacité du vaccin ?
La mutation E484K est la plus significative, mais elle est plutôt rare. En effet, les scientifiques ont calculé la fréquence d'apparition de certaines mutations parmi toutes les séquences répertoriées par le Gisaid jusqu'au 23 décembre 2020. La mutation E484K n'apparaît que dans 0,11 % des séquences, tandis que les quatre mutations les plus fréquentes, S477N, N439K, N501Y et Y453F concernent respectivement dans 5,69 %, 1,49 %, 1,39 % et 0,36 % des séquences analysées. Ces dernières n'influent pas sur la capacité neutralisante des anticorps, mais confèrent au coronavirus d'autres avantages. La mutation N501Y, présente dans les variants anglais, sud-africain et brésilien, est associée à une transmission accrue du virus, de l'ordre de 50 %.
Ainsi, un variant portant à la fois la mutation E484K et N501Y possède deux avantages par rapport aux autres coronavirus : un échappement aux anticorps neutralisants et une meilleure propagation. C'est le cas des variants sud-africain et brésilien qui infectent de plus en plus de personnes dans le monde. Cela veut-il dire que l'immunité induite par les vaccins est incapable d'enrayer leur réplication ? Difficile de conclure en considérant uniquement ces résultats. S'ils démontrent comment une simple mutation peut tromper les anticorps neutralisants, la réponse immunitaire ne se cantonne pas qu'à cela, les effecteurs cellulaires sont tout aussi importants, tout comme les autres anticorps qui ciblent d'autres épitopes que le receptor binding domain. L'efficacité de la vaccination ne semble donc pas remise en cause par l'émergence des nouveaux variants. Il y a quelques semaines, le couple franco-allemand Pfizer-BioNTech avait annoncé qu'il pourrait s'adapter aux nouveaux variants en confectionnant un nouveau vaccin en six semaines.