Des scientifiques ont identifié un gène qui multiplie par deux les risques de décéder de complications de la Covid-19. Ce gène est présent chez 61,2 % des populations d’Asie du Sud mais seulement chez 16 % des Européens, ce qui pourrait expliquer les différences de mortalité entre groupes ethniques.
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Cela fait longtemps que les scientifiques soupçonnent des facteurs génétiques derrière les différences de gravitégravité de Covid. En août dernier, deux études avaient ainsi montré que 25 % des formes graves étaient liées à des facteurs génétiques et immunologiques (voir notre précédent article, ci-dessous). Une nouvelle étude de l’université d’Oxford affirme aujourd'hui avoir identifié un gène appelé LZTFL1 qui doublerait la probabilité de mourir d'une détresse respiratoire en cas de Covid. « Cette variation génétique a été particulièrement difficile à identifier car elle affecte la partie non codante du génome, relate Jim Hughes, un expert en génétique qui a codirigé l'étude. Le risque accru n'est pas lié à une différence dans le codagecodage d'une protéine mais à un changement dans l'ADN qui active le gène. Ce genre d'effet indirect est beaucoup plus difficile à détecter ». Les chercheurs ont eu recours à l'intelligence artificielleintelligence artificielle pour passer au crible de grandes quantités d'ADN issues de centaines de cellules du corps afin d'identifier ce type de signal.
“Vous avez 50 % de risque de plus de mourir de la Covid lorsque vous avez ce génotype à haut risque”
Spécifiquement, le gène LZTFL1 identifié par les chercheurs bloque une protéine permettant au poumonpoumon de combattre efficacement le virus. Lorsque les cellules tapissant les poumons interagissent avec le virusvirus, une de leur stratégie de défense est de se transformer en cellules moins spécialisées, ce qui réduit le nombre de récepteurs ACE-2 qui permettent au virus de pénétrer dans les cellules. Chez les personnes atteintes de la version mutée du gène LZTFL1, ce mécanisme fonctionne moins bien, ce qui provoque une détérioration rapide de l'état du patient. « Toutes choses égales par ailleurs, vous avez 50 % de risque de plus de mourir de la Covid lorsque vous avez ce génotypegénotype à haut risque », assure James Davies, principal auteur de l'étude.
60 % des populations d’Asie du Sud et 15 % des Européens concernés
Un autre enseignement de l'étude est que ce gène est très inégalement réparti selon les groupes ethniques. On le trouve ainsi chez 61,2 % des personnes d'ascendance d'Asie du Sud, 15,7 % des personnes d'origine européenne, mais seulement 2,4 % des personnes d'ascendance africaine et 1,8 % d'ascendance d'Asie de l'Est. « Ces variations expliqueraient les différences de mortalité que l'on observe entre les groupes ethniques, notamment les taux élevés d'hospitalisation et de décès parmi les communautés du sous-continent indien », avance James Davies. En juin 2021, une précédente étude portant sur les groupes ethniques en Angleterre avait montré une mortalité bien plus élevée chez les personnes originaires du Bangladesh et du Pakistan lors de la deuxième vaguevague (septembre à décembre 2020), alors que les personnes noires d'ascendance africaine avaient été les plus touchées lors de la première vague (janvier à août 2020) - en prenant en compte les facteurs socio-économiques, la densité de population et l'âge.
La bonne nouvelle, c'est que comme ce gène n'affecte pas le système immunitairesystème immunitaire lui-même mais la façon dont les poumons répondent au virus, la vaccinationvaccination devrait rester tout aussi efficace chez les patients atteints de la mutation. « La vaccination reste donc un moyen sûr et efficace de protéger ces personnes à haut risque », insiste James Davies. Ces populations devraient notamment être prioritaires pour les doses de rappel, alors que l’immunité commence à diminuer chez les personnes ayant été vaccinées au début de la campagne, en février ou mars.
Un quart des formes sévères de la Covid-19 s'explique par des anomalies génétiques et immunologiques
Article de Inserm publié le 23/08/2021
Les mois passent et le coronaviruscoronavirus est toujours là avec son lot de complications plus ou moins graves d'un individu à l'autre. Deux récentes études apportent un nouvel éclairage qui pourrait expliquer ces disparités chez 25 % des formes sévères.
Les conséquences d'une infection au SARS-CoV-2 sont éminemment variables d'une personne à l'autre. Si la plupart des individus infectés sont peu symptomatiques ou asymptomatiques, certains développent des formes sévères voire critiques, avec des pneumopathiespneumopathies nécessitant un séjour en réanimation. Comment expliquer ces disparités ? Deux nouvelles études publiées le 19 août dans la revue Science Immunology [1] [2] apportent un éclairage majeur à cette question. Elles mettent en évidence des anomaliesanomalies génétiques et immunologiques qui expliquent globalement près de 25 % des formes sévères de Covid-19Covid-19.
Cette avancée est le fruit d'une collaboration internationale pilotée par des chercheurs de l'Inserm et enseignants-chercheurs d'Université de Paris et médecins de l'AP-HPHP au laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses, dans ses deux branches : à l'Institut Imagine, situé à l'Hôpital Necker-Enfants Malades AP-HP, et à l'Université Rockefeller de New-York. Les équipes de ce laboratoire, co-dirigé par les Pr Jean-Laurent Casanova et Laurent Abel, ont montré que toutes ces anomalies entravent l'immunitéimmunité contrôlée par l'interféroninterféron de type 1, première barrière immunologique contre les infections virales.
L'hypothèse d'une prédisposition génétique
Après plus d'un an de pandémiepandémie, l'hypothèse d'une prédispositionprédisposition génétique et immunologique aux formes graves de Covid-19 se confirme. En octobre 2020, les équipes des Pr Jean-Laurent Casanova et Laurent Abel avaient déjà publié deux études dans la revue américaine Science [3] [4] expliquant 10 à 15 % des formes sévères de Covid-19. Toutes étaient dues à un déficit dans la voie de l'interféron de type 1 (IFN 1), une protéine habituellement produite de manière rapide par le système immunitaire en réponse à une infection virale et qui a pour principal effet d'inhiber la réplicationréplication du virus dans les cellules infectées. Les chercheurs avaient ainsi démontré qu'au moins 3 à 4 % des formes sévères ont une origine génétique, tandis que 10 à 11 % s'expliquent par la présence d'auto-anticorpsanticorps dirigés contre IFN 1 et qui bloquent leur action antivirale. Cette découverte avait été mise à l'honneur par la revue Nature dans son top 10 des avancées scientifiques majeures de l'année 2020. Deux nouvelles études internationales coordonnées par le même laboratoire et publiées le 19 août dans la revue Science Immunology apportent de nouvelles données scientifiques qui, ajoutées aux précédentes, expliquent 20 à 25 % des formes sévères de Covid-19.
Des variants du gène TLR7 en cause
Dans la première publication, les auteurs ont identifié des variants au niveau du gène TLR7, conduisant au développement de formes critiques, en particulier chez les patients jeunes. L'équipe franco-américaine est partie du constat que les formes les plus sévères touchent principalement les hommes. Ils se sont donc focalisés sur ce qui distingue les deux sexes : la présence d'un unique chromosomechromosome X chez les hommes contre deux exemplaires chez les femmes. En pratique, ils ont séquencé le chromosome X de 1202 patients de sexe masculin ayant fait une forme grave. Ils ont ensuite comparé toutes ces séquences entre elles et avec celles de sujets d'un groupe contrôle ayant contracté la Covid-19 dans des formes asymptomatiques ou légères.
Résultat : chez 16 patients (soit 1,1 %), les auteurs ont identifié des variants génétiques dits « perte de fonction » du gène TLR7. Or ce gène joue un rôle majeur dans le mécanisme de production d'IFN 1. Les 16 patients présentaient ainsi un déficit d'IFN 1 empêchant leurs cellules de lutter contre l'infection au Sars-Cov-2Sars-Cov-2, expliquant ainsi les formes sévères. Afin d'éviter tout biais ethnique et s'assurer d'un échantillon représentatif, les chercheurs ont recruté des patients partout dans le monde, mobilisant 400 centres de recherche dans 38 pays différents. De sorte que les résultats de cette cohortecohorte soient transposables à la population générale.
Il en ressort que 1,3 % des formes graves de Covid-19 s'expliquent par des anomalies génétiques du gène TLR7 chez les hommes. Ce déficit est plus fréquent (1,8 %) chez les malades de moins de 60 ans.
Des auto-anticorps délétères
Dans la deuxième publication, les auteurs ont démontré que 15 à 20 % des formes sévères sont causées par la présence - dans le sang des patients - d'auto-anticorps qui visent spécifiquement les interférons de type 1. Grâce à des expériences menées in vitroin vitro par l'équipe de Charles M. Rice, prix Nobel 2020, il a été mis en évidence que ces anticorps bloquent l'effet protecteur de l'IFN1 sur la réplication virale. Le virus SARS-CoV-2 pénètre ainsi dans les cellules sans rencontrer de résistancerésistance et se réplique de façon incontrôlée. En 2020, les chercheurs avaient pu expliquer 10 à 11 % des formes sévères car ils s'étaient intéressés en priorité aux patients avec un taux très élevé d'auto-anticorps dans le sang. Dans cette nouvelle étude, ils ont abaissé ce seuil et ont inclus des patients avec des taux neutralisant des concentrations d'interféron jusqu'à 100 fois inférieures. Résultat : les auto-anticorps qui bloquent ces faibles concentrations d'IFN 1 conduisent à des pneumopathies sévères.
Pourquoi l’âge est un facteur de risque
Afin de mieux comprendre la distribution de ces auto-anticorps dans la population générale non infectée et notamment l'influence de l'âge (l'essentiel des cas de formes sévères de Covid-19 concernent les plus de 65 ans), les auteurs ont comparé plus de 34.000 individus sains, classés par sexe et tranche d'âge, issus de cohortes de l'Inserm, de l'Établissement français du sang, et de Cerba Healthcare, partenaire du laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses. Ils ont ainsi fait une découverte inattendue : la présence d'auto-anticorps dirigés contre les IFN 1 sont très rares avant 65 ans (0,2 à 0,5 %) et augmentent ensuite exponentiellement en vieillissant. Ils atteignent 4 % entre 70 et 79 ans, et 7 % entre 80 et 85 ans. Les causes et les mécanismes de cette augmentation dans la population générale restent à élucider mais celle-ci explique en partie pourquoi l’âge est un facteur de risque majeur dans le développement de formes graves de Covid-19.