La Haute Autorité de santé (HAS) vient de se prononcer sur l'utilisation du Molnupiravir pour lutter contre la Covid-19. L'efficacité de la pilule de Merck est remise en cause par de nouveaux tests et des questions sur ses effets néfastes restent en suspens. Le Molnupiravir est-il toujours considéré comme un traitement anti-Covid intéressant ?
au sommaire
Il y a quelques semaines, le Molnupiravir était au cœur de l'actualité. Cet antiviral promet de réduire d'environ 50 % les hospitalisations et les décès lorsqu'il est pris quelques jours après l'apparition des symptômes du coronavirus. Mais de nouveaux tests réalisés par Merck, le laboratoire qui a conçu le Molnupiravir, refroidissent les ardeurs quant à l'utilisation de ce traitement curatifcuratif contre la Covid-19. Retour sur les déconvenues de cet antiviral.
L'efficacité changeante du Molnupiravir
Le premier jeu de données partagé par Merck, le 1er octobre 2021, indique que le Molnupiravir réduit d'environ 50 % le risque d'hospitalisation et de décès dû à la Covid-19 par rapport au placeboplacebo. Les 772 participants ont été traités à raison de deux pilules par jour pendant cinq jours, dès l'apparition des symptômes légers de la maladie. On dénombre 28 décès ou hospitalisations (sur 385) à 29 jours dans le groupe traité, contre 53 (sur 377) dans le groupe placebo.
Le 26 novembre 2021, Merck partage les résultats d'un second essai dont les conclusions sont moins optimistes. L'efficacité du Molnupiravir contre les hospitalisations et les décès tombe à 30 %. Cette deuxième cohorte est composée de 1.433 participants qui ont reçu le traitement dans les mêmes conditions que lors de l'essai précédent. Parmi les patients traités, 48 (sur 709) ont été hospitalisés ou sont décédés de la Covid-19 à 29 jours, contre 68 (sur 699) dans le groupe placebo. La baisse d'efficacité constatée du Molnupiravir lors de ce deuxième essai instaure un doute quant à son efficacité réelle.
Merck n'a pas encore publié ces données dans un journal scientifique à comité de lecture et, selon Nature, la laboratoire ne s'explique pas ces différences. Les causes supposées pourraient être l'émergenceémergence du variant Delta entre les deux analyses ou les différences de la prise en charge des patients à travers le monde.
Une autorisation ternie par des inquiétudes
La FDAFDA (Agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux) a attribué une autorisation d'utilisation d'urgence au Molnupiravir le 30 novembre 2021. Une décision vivement débattue entre les membres du Antimicrobial Drugs Advisory Committee en charge de rendre son verdict concernant l'efficacité et la sécurité des médicaments contre les maladies infectieuses. L'autorisation d'utilisation d'urgence a été attribuée à une courte majorité : 13 voix pour, 10 voix contre. Avant l'autorisation des États-Unis, le Molnupiravir avait obtenu l'aval du Royaume-Uni le 4 novembre 2021, qui était alors le premier pays à accepter la prescription de cet antiviral contre la Covid.
Dans le rapport publié à la suite de cette réunion, consultable ici, les membres du comité notent que la cohorte qui a permis d'étudier la sécurité du Molnupiravir est bien plus petite que celle présentée pour les autres médicaments anti-Covid : 593 personnes pour le Molnupiravir contre 1.300 à 2.000 personnes pour l'autorisation d'un anticorpsanticorps monoclonalmonoclonal par exemple. Malgré cela, aucun effet secondaire grave n'a été identifié.
Le comité consultatif sur les médicaments antimicrobiens (Antimicrobial Drugs Advisory Committee) s'interroge aussi sur les conséquences du mode d'action du Molnupiravir sur le SARS-CoV-2SARS-CoV-2 et les cellules humaines. C'est un antiviral qui agit en induisant des mutations fatales dans le matériel génétiquematériel génétique du SARS-CoV-2. Théoriquement, un métabolitemétabolite du Molnupiravir, la N4-hydroxycytidine ou NHC, pourrait être incorporé dans l'ADN cellulaire et provoquer des mutations. Le pouvoir mutagènemutagène du Molnupiravir a été confirmé in vitroin vitro, sur des cultures bactériennes, mais les tests in vivoin vivo, menés sur des rats, sont négatifs.
En revanche, le Molnupiravir semble toxique pour l'embryonembryon et induit des malformationsmalformations dans le développement des os et du cartilagecartilage des jeunes rats. En conséquence, le Molnupiravir est déconseillé aux femmes enceintes ou allaitantes et aux enfants. Pour ces populations, la balance bénéfice-risque n'est pas favorable.
En raison de son mode d'action, le Molnupiravir augmente le taux de mutation du SARS-CoV-2. Si la plupart des mutations sont sans effet ou létales, d'autres pourraient conférer au coronavirus un avantage sélectif. Sans surprise, les souches de SARS-CoV-2 isolées chez les personnes traitées avec le Molnupiravir présentent un taux de mutation élevé, notamment dans la protéineprotéine S. Rien n'indique que ces mutations dues au traitement modifient la biologie du virusvirus ou la sévérité de la maladie chez les patients concernés. Les conséquences de ces observations restent difficiles à appréhender à l'échelle d'une population.
Autant d'éléments qui ont rendu la décision du Antimicrobial Drugs Advisory Committee difficile. Il a tout de même tranché en faveur de l'utilisation du Molnupiravir pour les adultes avec des risques de Covid-19 sévères chez qui l'infection est confirmée et les symptômes légers.
Pas de Molnupiravir en France
En France, la Haute Autorité de santéHaute Autorité de santé (HAS) s'est aussi prononcée au sujet du Molnupiravir. Dans un avis du 10 décembre 2021, elle se positionne en défaveur de l'utilisation précoce de ce traitement pour soigner les formes légères de la Covid-19 chez les adultes. La HAS estime qu'un patient traité par le Molnupiravir se verrait alors privé d'un traitement plus efficace, comme le Ronaprève. Selon Numerama, les 50.000 doses de Molnupiravir précommandées par le gouvernement français ne seront tout simplement pas livrées.
Que va-t-il advenir du Molnupiravir ? Son principe d'action reste intéressant car efficace quel que soit le variant du SARS-CoV-2 en circulation. Plutôt que seul, il pourrait être administré en cocktail avec d'autres antivirauxantiviraux, comme le Paxlovid de Pfizer par exemple. Des essais cliniquesessais cliniques devraient être lancés prochainement pour estimer les bénéfices de cette approche.