Alors que le premier cas officiel recensé en Italie date du 20 février 2020, des patients avec des anticorps contre le coronavirus ont été identifiés dans le pays dès septembre 2019. Comment un virus, qui s’est avéré par la suite aussi meurtrier, a-t-il pu passer inaperçu pendant des mois ?
au sommaire
« Nos conclusions pourraient rebattre les cartes de la pandémie », affirment les auteurs d'une nouvelle étude montrant que le SARS-CoV-2 se serait introduit en Italie il y a plus d'un an, en septembre 2019. Rappelons que le premier cas de Covid-19 officiel en Italie date du 20 février et le premier cas en Chine remonte à décembre 2019. Mais, depuis plusieurs mois, les études s'accumulent pour montrer que le virus couvait en réalité dans le pays depuis bien plus longtemps. En juin, des traces de coronavirus ont ainsi été détectées dans des échantillons d'eaux uséeseaux usées à MilanMilan et Turin datant du mois de décembre. À Barcelone, en Espagne, des traces de SARS-CoV-2 datant du 12 mars 2019 ont été identifiées là encore dans les eaux usées, soit neuf mois avant l'apparition officielle du virus en Chine.
14 % des patients avaient des anticorps anti-SARS-CoV-2 dès septembre 2019
La nouvelle étude italienne, menée par l'Institut national du cancercancer IRCCS de Milan et parue dans la revue Tumori Journal, se fonde, quant à elle, sur l'analyse de presque 1.000 échantillons sanguins de personnes ayant participé à un test clinique de détection du cancer de poumonpoumon entre septembre 2019 et mars 2020mars 2020. Des anticorpsanticorps spécifiques au SARS-CoV-2 ont été trouvés chez 11,6 % des patients sur cette période, avec un taux de 14,2 % rien qu'au mois de septembre 2019. Tous ces patients étaient, bien entendu, asymtomatiques -- puisque personne n'a soupçonné à l'époque qu'ils étaient atteints d'une quelconque maladie. Mais comment est-il possible qu'un virus qui s'est avéré par la suite aussi meurtrier ait pu passer inaperçu pendant des mois ?
Faux diagnostics
Une des premières hypothèses avancées par les chercheurs est une sous-estimation du nombre de cas dans les premiers temps de l'épidémieépidémie. « Les autorités sanitaires régionales et nationales, après avoir tenté d'identifier rapidement les cas et de retracer tous les contacts potentiels, ont rapidement abandonné cette stratégie pour se concentrer uniquement sur les cas symptomatiques, explique Gabriella Sozzi, une des auteurs de l'article. En conséquence, un biais de sélection a été introduit avec une surestimation du taux de mortalité ».
Une deuxième piste est la méconnaissance du virus qui a conduit à de faux diagnosticsdiagnostics. « En novembre-décembre 2019, de nombreux médecins généralistes ont commencé à signaler l'apparition de symptômessymptômes respiratoires graves chez des personnes âgées et fragiles atteintes de bronchitebronchite bilatérale atypique, ce qui a été attribué, en l'absence d'informations concernant le nouveau virus, à des formes agressives de grippegrippe saisonnière », rapporte Gabriella Sozzi. Une explication pas forcément très convaincante puisque l'épidémie de grippe de 2019-2020 a justement été moins virulente que prévu.
La Lombardie, foyer de l’épidémie en Europe
Tout cela a de quoi laisser perplexe sur les modalités d'introduction du virus en Europe. Car il reste malgré tout communément admis que le SARS-CoV-2 provient bien de Wuhan. Mais, de telles prévalencesprévalences en Italie à l'automneautomne ne peuvent s'expliquer que par de multiples introductions, ce qui suppose que l'épidémie courait en Chine depuis bien plus longtemps que les cas officiels recensés, et que les contacts entre la Chine et l'Italie ont été très fréquents. Il ne fait plus de doute non plus que le foyer épidémique en Europe est bien parti de Lombardie. Mais l'explication au « réveil » soudain du virus et à l'emballement de l'épidémie reste bien mystérieuse.
Coronavirus : l’Italie touchée bien plus tôt qu’on le pensait
Article de Nathalie MayerNathalie Mayer publié le 25/03/2020
Au cours de la semaine qui a suivi la confirmation du premier cas de Covid-19 en Italie, les chiffres se sont emballés. Un phénomène qui pourrait s'expliquer par une intrusion du coronavirus dans le pays bien plus tôt que le pensaient jusque-là les autorités.
C'est le 20 février 2020 que le premier cas de Covid-19 a été confirmé en Lombardie. Un patient de 38 ans admis à l'hôpital de Codogno. Sans antécédent de voyages ni de contact avec des personnes infectées. Mais des chercheurs italiens affirment aujourd'hui que le coronavirus responsable de la maladie s'est invité dans le nord de l'Italie dès le tout début de l'année.
Les chercheurs ont analysé les près de 6.000 premiers cas connus. Leur objectif : caractériser l'évolution de l’épidémie dans le pays. En collectant les antécédents démographiques de ces malades, les dates d'apparition des symptômes, leurs caractéristiques cliniques et leurs contacts, les chercheurs ont estimé que l'épidémie avait commencé dans la région bien avant le 20 février. À une période où les regards étaient encore tournés vers Wuhan (Chine).
Prendre des mesures au plus tôt
Les chercheurs affirment qu'au moment où le premier cas a été officialisé, l'épidémie s'était en fait déjà propagée à la plupart des villes du sud de la Lombardie. Leur enquête les a en effet menés à identifier des personnes symptomatiques dès le 14 janvier 2020. Ainsi, au moment où les premières mesures de confinement ont été prises - trois jours après le premier test positif -, le coronavirus était probablement déjà bien implanté dans la région.
Les chercheurs recommandent ainsi aux autorités de prendre des mesures le plus en amont possible. Cette nouvelle image de l'épidémie en Lombardie montrant clairement que des stratégies de confinement offensives sont nécessaires pour endiguer la propagation.