En matière de propagation du coronavirus, les caractéristiques du SARS-CoV-2 sont importantes. Mais la branche de la physique qui s’intéresse à la dynamique des fluides l’est également. Elle peut renseigner sur la génération des gouttelettes responsables de la transmission du coronavirus, sur leur dispersion et leur dépôt sur des surfaces, ainsi que sur l’efficacité des mesures barrières. Des chercheurs proposent aujourd’hui un état des lieux de ce que la science sait et ne sait pas encore à ce sujet.
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Il y a un siècle, la grippe espagnole tuait quelque 50 millions de personnes dans le monde. Que nous a-t-elle appris ? Que ce type d'infection respiratoire se transmet par le biais de gouttelettes expulsées lorsque les personnes toussent, éternuent ou même respirent. Ou encore par contact avec une surface contaminée. D'où les fameuses mesures barrières mises en place depuis plusieurs semaines pour lutter contre la propagation du coronavirus, responsable de la pandémie de Covid-19 : garder une certaine distance de sécurité, se laver régulièrement les mains avec du savon, ne pas se toucher le visage et porter un masque anti-projections.
Ainsi presque tout dans la propagation du coronavirus est affaire de dynamique des fluides : comment les gouttelettes se forment et sont transportées, comment elles infectent les autres, comment les masques anti-projections peuvent les arrêter, etc. L'ennui, selon des physiciens de l’université John Hopkins (États-Unis), c'est que les stratégies de lutte contre le Covid-19 sont essentiellement basées sur des travaux obsolètes. Sur « des articles publiés dans les années 1930 ». Or, les connaissances des chercheurs ont évolué depuis.
“Des outils utiles à mieux lutter contre le Covid-19”
Ceux de l'université John Hopkins font aujourd'hui le point. « Nous pouvons fournir des informations et des outils qui nous assureront que nous sommes mieux préparés à lutter contre le Covid-19 ou une pandémie similaire », assure Rajat Mittal, chercheur en dynamique des fluides, dans un communiqué.
Coronavirus : les gouttelettes en première ligne
Son équipe note tout d'abord que la transmission du coronavirus dépend de plusieurs facteurs parmi lesquels le nombre de gouttelettes, leur taille et la vitessevitesse à laquelle elles sont expulsées. Ainsi les éternuements peuvent expulser des milliers de grosses gouttelettes à une vitesse relativement élevée. Une toux génère de 10 à 100 fois moins de gouttelettes. Et un échange de paroles produit quelque 50 petites gouttelettes par seconde.
Mais ce sont ces petites gouttelettes qui sont les plus susceptibles de voyager sur de grandes distances et donc de transmettre l'infection par inhalation directe. Les grosses gouttelettes, en revanche, se retrouvent plus sur des surfaces, jouant sur la transmission par le toucher. Mais les phénomènes sont tellement complexes qu'il n'existe pas de consensus sur le comportement réel de toutes ces gouttelettes.
La transmission par les porteurs asymptomatiques
Compte tenu du nombre de porteurs asymptomatiques, les chercheurs s'intéressent particulièrement à la façon dont des gouttelettes se forment au cours d'activités normales telles que la respiration ou la parole. « Le virus pourrait être transporté par de très fines gouttelettes aéroportées », explique Rui Ni, professeur de génie mécanique. « Pour le moment, nous ne comprenons pas parfaitement comment cette fine brumebrume agit sur le transport du coronavirus. »
Ces incertitudes pourraient avoir un impact non négligeable sur la transmission. En particulier si les décideurs fondent leurs directives de distanciation sociale uniquement sur l'hypothèse que les gouttelettes peuvent atteindre une certaine distance. Alors que d'autres facteurs pourraient intervenir comme l'évaporation et l'inhalation des gouttelettes, leur comportement dans les environnements intérieurs et extérieurs, ainsi que la façon dont la température et l'humidité affectent les taux de transmission.
De l’efficacité des masques pour lutter contre la transmission du coronavirus
Les chercheurs tentent aussi de faire la lumièrelumière sur l'efficacité du port de masques faciaux. Ils simulent les fuites de flux causées par les espaces ouverts autour du neznez et de la bouche, en fonction des formes des visages, par exemple. Ils essaient ainsi de mieux comprendre comment rendre le design de ces masques plus protecteur. Des travaux qui n'en sont qu'à leurs balbutiements.
Ce qui semble en revanche acquis du point de vue des masques barrières, c'est que le fameux « test de la bougie » -- dont il est beaucoup question depuis quelques jours sur les réseaux sociauxréseaux sociaux -- ne donne pas d'indication quant à leur capacité de filtrationfiltration. En effet, le critère de filtration minimale retenu par l'Association française de normalisationAssociation française de normalisation (Afnor) -- 70 % des particules d'une taille de 3 micronsmicrons -- n'apparaît pas forcément suffisant pour atténuer l'effet provoqué par une personne qui soufflerait sur une bougie. Que la bougie reste allumée ou s'éteigne, le masque peut aussi bien être efficace qu'inefficace. En revanche, le fait de ne pas pouvoir éteindre une bougie en soufflant à travers un masque peut donner une idée de son étanchéitéétanchéité. Une information déjà utile puisque un masque peu respirant -- au travers duquel on ne peut pas respirer correctement -- ne pourra pas être conservé longtemps... et manquera donc d'efficacité.
Covid-19 : la distance de sécurité d’un mètre est-elle vraiment suffisante ?
Quelle est la distance de sécurité qu'il est conseillé de respecter pour limiter les risques de transmission du coronavirus ? La question divise les experts. Un mètre apparaît comme un strict minimum. Mais certains estiment qu'il faudrait prendre beaucoup plus de distance que cela.
Article de Nathalie MayerNathalie Mayer paru le 03/04/2020
Le coronavirus, nous le savons tous désormais, est particulièrement contagieux. « En l'absence de mesures de contrôle et de préventionprévention, chaque patient infecte entre 2 et 3 personnes », indique l'Institut Pasteur. Comment ? Par un contact proche avec une personne infectée. Mais encore faut-il définir ce que signifie l'expression « contact proche ». L'Organisation mondiale de la santéOrganisation mondiale de la santé (OMS) évoque une distance de moins d'un mètre. Une distance dite de sécurité que notre gouvernement nous prie donc de respecter.
Mais d'autres pays demandent de se tenir à au moins 1,5 mètre de chaque personne. C'est le cas de l'Allemagne, de l'Australie ou de la Belgique, par exemple. Aux États-Unis, il est question de 6 pieds, soit 1,8 mètre. Notamment parce que certaines voix laissent entendre qu'un mètre ne suffit pas à arrêter le virus. C'est la position par exemple de chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT - États-Unis) qui étudient la dynamique des fluides. Selon eux, les éternuements et la toux sont à l'origine de nuagesnuages qui peuvent voyager jusqu'à 27 pieds soit... 8,2 mètres !
Les chercheurs du MIT affirment que des gouttelettes de toutes les tailles sont émises lorsqu'une personne tousse ou éternue. Elles sont transportées par un nuage gazeux à des vitesses comprises entre 36 et 110 km/h. Un phénomène seulement partiellement atténuéatténué par le fait d'éternuer dans son coude. Et contre lequel les masques chirurgicaux ne seraient pas efficaces.
Dans l’attente de nouvelles données
Des données brutes que les spécialistes des maladies infectieuses semblent vouloir modérer. Pour eux, la question n'est pas tant de savoir sur quelle distance un virus peut voyager, mais sur quelle distance il peut représenter une menace. Concernant le coronavirus SARS-CoV-2SARS-CoV-2, ce sont les plus grosses gouttelettes - de type salivesalive ou morve - qui semblent les plus à craindre.
Le saviez-vous ?
Pour être infecté, il faut qu’un certain nombre de particules virales pénètrent à l’intérieur de votre corps. Ainsi, si la distance de sécurité est importante, la durée du « contact » et l’état de santé des personnes impliquées jouent un rôle également. Tout comme le lieu — intérieur ou extérieur — de ce « contact ».
Et selon les médecins, habituellement, à moins de deux mètres après avoir quitté le corps d'un malade - lorsqu'il tousse ou éternue -, ces gouttelettes-là tombent au sol. D'où l'idée d'établir une distance de sécurité de cet ordre de grandeurordre de grandeur. D'autant qu'ils jugent que si le coronavirus pouvait effectivement se transmettre de personne à personne sur des distances allant jusqu'à huit mètres, il y aurait encore bien plus de malades à l'heure actuelle.
Les chercheurs du MIT maintiennent et s'inquiètent que les recommandations soient établies plus en fonction des qualités des équipements de protection disponibles qu'en fonction de réelles données scientifiques. Celles qui orientent vers une distance de sécurité de 1,8 mètre dateraient des années 1930-1940 et leurs limites auraient déjà été démontrées. L'OMS, de son côté, salue ce type d'efforts de modélisationmodélisation qui apporte assurément des connaissances nouvelles sur le comportement de ce coronavirus jusqu'à peu inconnu. Et elle assure que les recommandations seront mises à jour, si nécessaire, en fonction des preuves qui pourront émerger.