Alors que la chloroquine, un traitement contre le paludisme, semblait montrer des signes d'efficacité sur le Sars-CoV2 selon une étude préliminaire, plusieurs experts de la communauté scientifique, loin de s'emballer, appellent à la plus grande prudence car, en l'absence d'études plus poussées, les effets indésirables peuvent être graves.
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Selon une étude chinoise publiée le 19 février, un essai clinique mené dans une dizaine d'hôpitaux chinois pour mesurer « l'efficacité de la chloroquine sur le traitement de pneumonies associées au Covid-19 » a donné des résultats encourageants avec des essais sur « plus de 100 patients ». La chloroquine est un anti-paludique peu cher, utilisé depuis plusieurs décennies, et commercialisé notamment sous le nom de Nivaquine. Ce traitement est souvent recommandé lorsqu'on prévoit de se rendre en zone infestée par le parasiteparasite du paludisme, transmis par les moustiques.
D'après les scientifiques auteurs de l'étude, le phosphatephosphate de chloroquine s'est révélé « plus efficace que le traitement reçu par le groupe comparatif pour contenir l'évolution de la pneumonie, pour améliorer l'état des poumons, pour que le patient redevienne négatif au virusvirus et pour raccourcir la duréedurée de la maladie ».
Cette étude -- très succincte -- a été publiée dans la revue BioScience Trends de façon préliminaire, c'est-à-dire sans avoir été validée par un comité d'experts scientifiques. De plus, elle ne donne pas de chiffres permettant de quantifier l'efficacité de la moléculemolécule par rapport au traitement administré au groupe témoin.
Pour le professeur Didier RaoultDidier Raoult, directeur de l'Institut Méditerranée Infection à Marseille et spécialiste renommé des maladies infectieuses, qui a relayé cette étude en France, l'efficacité possible de la chloroquine est « une excellente nouvelle ».
L'étude chinoise a ses limites
Mais cet avis est loin de faire l'unanimité et cette potentielle piste doit être accueillie avec la plus grande prudence, ont prévenu plusieurs autres spécialistes français interrogés par l'AFP. « Il faut être extrêmement circonspect et prudent, note d'emblée François Maignen, docteur en pharmacie et spécialiste de santé publique, qui pointe les limites de l'étude chinoise. Il faut avoir à disposition les protocolesprotocoles, pour savoir comment l'étude a été conduite, quels ont été les critères d'évaluation, la population de patients [selon les standards habituels de tests de médicaments, ndlr]. Une fois les résultats disponibles, il faut une phase de publication (...) pour que les données soient évaluées de façon critique » par des experts, notamment les scientifiques de l'Organisation mondiale de la SantéOrganisation mondiale de la Santé, poursuit-il.
Utilisé à mauvais escient, l'anti-palu peut être très dangereux
En l'absence de données cliniques solidessolides et publiques, on ne peut pas en déduire une preuve d'efficacité ni des recommandations, insiste François Maignen, qui appartient au collectif FakeMed, qui veut lutter contre les fausses informationsfausses informations en santé.
Par ailleurs la chloroquine peut même être « très dangereuse en cas de surdosage », ajoute-t-il, alertant en outre contre le risque de développement de résistancerésistance à la chloroquine.
“Le problème, c'est que la Nivaquine traîne dans de nombreuses armoires à pharmacie”
« Il faut faire attention car la chloroquine (...) a un certain nombre d'effets indésirables (...) : affections du système immunitairesystème immunitaire, affections gastrogastro-intestinales, nausées, vomissements, des troubles au niveau hépatique voire hématologique », abonde le professeur Jean-Paul Giroud, l'un des spécialistes les plus reconnus en pharmacologie et membre de l'Académie nationale de Médecine.
Une piste potentielle à creuser
Notant également le manque de données de l'étude chinoise, il ajoute que c'est « un produit important contre le paludismepaludisme mais cela ne signifie pas pour autant qu'il faut l'utiliser contre n'importe quelle infection sans avoir la sécurité que ce produit entraîne une amélioration. »
« Le problème, c'est que la Nivaquine traîne dans de nombreuses armoires à pharmacie », s'inquiète le médecin généraliste Christian Lehmann (collectif FakeMed) qui invite à ne pas toucher à la Nivaquine sans avis médical, en raison de sa grande toxicitétoxicité.
Mercredi dans la soirée, le numéro 2 du ministère français de la Santé, Jérôme Salomon, a insisté au cours du point presse hebdomadaire du ministère : « Aujourd'hui, la communauté scientifique n'est pas très convaincue, a-t-il répété. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas s'y intéresser mais avec des recherches bien plus poussées. »