Après plus d’un an de restrictions sociales et de confinements, la « fatigue pandémique » s’installe dans la population. Or, l’ennui conduit les gens à adopter des comportements à risque et à enfreindre les règles de distanciation, amenant à davantage d’infections. Un paradoxe qui entraîne un affaiblissement de l’efficacité de ces mesures.
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Depuis près d'un an, les confinements, couvre-feux et restrictions sociales s'enchaînent. Selon un sondage réalisé par le Cevipof en février 2021, 41 % des Français expriment un sentiment de lassitude et 34 % ressentent de la morosité. Un sentiment nommé « fatigue pandémique », et qui paradoxalement pourrait aboutir à une dégradation de l'épidémie de Covid-19.
Deux récentes études montrent ainsi que l’ennui est un moteur majeur du moindre respect des gestes barrières et entraîne une augmentation de la circulation du virus. L'ennui affaiblit non seulement notre capacité à être attentifs, « mais il nous pousse aussi à se comporter d'une façon différente de celle qui engendre l'ennui, ce qui dans le contexte épidémique est problématique », atteste Wanja Wolff, une psychologue de l'université de Constance en Allemagne.
Les personnes déclarant s’ennuyer ont plus de risques d’attraper la Covid-19
Pour la première étude, menée sur 924 personnes aux États-Unis et au Canada, les chercheurs ont demandé aux participants s'ils appliquaient bien les mesures barrières (distanciation sociale, isolement, respect du confinement...) et s'ils ressentaient un sentiment d'ennui. Résultat : l'ennui est corrélé positivement au non respect des gestes barrières (53 % des participants exprimant de l'ennui), et négativement au lavage des mains (-25 %)», rapportent les auteurs. À la fin, pour les personnes déclarant s'ennuyer, les risques d'attraper la Covid-19 augmentent de 27 % et 41 % d'entre elles sont plus enclines à penser que la Covid-19 est un mensonge.
La deuxième étude, publiée dans l’International Journal of Environmental Research and Public Health, montre elle aussi que l'adhésion à la distanciation sociale est largement diminuée chez les personnes déclarant s'ennuyer. Ce n'est pas par mauvaise volonté, expliquent les auteurs, mais parce que l'ennui entraîne une diminution de la capacité à se concentrer et à faire attention aux gestes barrières.
Les conséquences néfastes de l'ennui ne s'arrêtent pas là. Le désœuvrement augmente l'impulsivité, les pratiques addictives (jeux vidéojeux vidéo, alcoolalcool, drogue...), la dépression et l'anxiété. Selon l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), un usager sur dix a augmenté sa consommation d'alcool pendant le confinement et l'activité de poker en ligne a fortement progressé, spécialement chez les 18-34 ans.
Les interactions sociales, encore plus vitales que les occupations
On pourrait croire qu'il suffit de regarder des séries NetflixNetflix et de faire des puzzles pour contrer la sensation d'ennui. C'est oublier que l'interaction sociale est encore plus importante que l'activité elle-même. Dans une expérience relatée dans la revue Cognition et Emotion, des chercheurs ont comparé un groupe de personnes dans une pièce sans rien à faire, et un autre groupe disposant de diverses activités (ordinateurordinateur, puzzle, Lego...), mais à qui l'on a demandé de ne pas interagir avec les autres participants. Résultat : non seulement les participants du deuxième groupe ressentaient plus d'ennui que les premiers mais un quart d'entre eux ne respectaient pas la règle d'interdiction sociale. L'ennui est une émotion tellement puissante qu'un quart à deux tiers des gens préfèrent recevoir un choc électrique plutôt que de rester désœuvrés.
Que conclure de toutes ces études ? Que les restrictions qui se prolongent et les interdictions trop strictes voient leur efficacité d'effilocher au fil du temps. Ceux qui espèrent reproduire les effets du premier confinement sur la dynamique épidémique pourraient bien se bercer d'illusions.