Le confinement apporte son lot de souffrances. Solitude, incertitude, perte de repères... Autant de facteurs qui nous mettent en difficulté. Que se passe-t-il dans nos têtes ? Surtout, comment y faire face ?


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    14h30. 14h31. 14h32. Les journées sont longues. Ou trop rapides. Le confinement altère notre perception du temps. Nos habitudes sont bouleversées. Certaines personnes souffrent d'une solitude pesante. D'un ennui profond. D'un vide... Quelle heure est-il déjà ?

    « Nous ne sommes pas tous égaux face aux risques psychologiques dus au confinement. Ils dépendent grandement de notre situation financière et sociale. Et de notre psychisme. » La psy révoltée œuvre anonymement sur TwitterTwitter pour aider les personnes « qui morflent ». Psychologue-clinicienne, elle observe plusieurs types de souffrance chez sa patientèle. 

    Toc toc ! Y a quelqu'un ?

    Sans surprise, les individus au caractère plus introverti ne subissent pas le confinement avec la même force que leurs homologues extravertis. « Ils montrent des carences affectives. Ils ont beaucoup de mal à trouver des ressources en eux-mêmes, car habituellement ils fonctionnent en binôme ou en groupe. Ce qui ne se fait plus avec l'autre n'a plus de saveur. »

    La solitude cause deux sortes de souffrance : un manque d'interactions sociales, mais aussi un manque d'interactions tactiles. Charlotte Jacquemot est chercheuse en neuropsychologie à l'Inserm. Échanger, papoter... « Les interactions sociales sont très importantes pour notre bien-être, affirme-t-elle. Elles activent le circuit du plaisir et de la récompense dans le cerveau, et ça, nous en avons besoin pour vivre. Mais des études montrent que nous avons aussi besoin d'interactions tactiles. »

    La peau est un organe sensoriel. « Un organe social. » Un contact amical ou amoureux est source de bonheur. Notre cerveau en est témoin. Son absence complète ? De chagrin. « Toutes les cultures utilisent le toucher. Certaines moins, mais c'est moins, le toucher reste présent. »

    Se serrer la main, se prendre dans les bras... Toutes les cultures incluent, chacune à sa manière, le contact physique. © Chanintorn.v, Adobe Stock
    Se serrer la main, se prendre dans les bras... Toutes les cultures incluent, chacune à sa manière, le contact physique. © Chanintorn.v, Adobe Stock

    De l'adolescence à nos 25 ans, cet isolement résonne différemment, puisque cette période est dédiée à l'exploration. « L'exploration de l'environnement et de ses intérêts propres est importante pour la constructionconstruction de son identité », précise Marianne Habib. Chercheuse en psychologie, elle est spécialiste de l'adolescence. « À certains moments, le temps passé avec les pairs a été anéanti au profit du temps passé en famille [parfois vécu comme cœrcitif, ndlr]. Cette exploration qui ne se fait pas de la même façon peut diminuer le bien-être et la qualité de vie. » 

    Face à cela, face à personne, nombre d'entre-nous se sont tournés vers les réseaux sociauxréseaux sociaux. Marianne Habib recommande de prêter attention à leur usage, qui peut contribuer à une mauvaise estime de soi. Le plus important étant de maintenir « des relations sociales bienveillantes ». 

    Pourquoi ça fait si mal ?

    Mais le meilleur conseil, appuie la psy révoltée, est de chercher l'origine de la souffrance. Lequel de nos besoins est mis à mal par le confinement ? Ou, lesquels ? « La psychologie n'a pas de recettes de cuisine. Le développement personnel oui, mais ce n'est pas de la psychologie. Ces recettes peuvent être culpabilisantes et vous mettre en échec. » À défaut de suivi psychologique, une dose d'introspection peut nous aiguiller. « Essayez de repérer les déclencheurs. Si vous faites des crises d'angoisse, à quel moment arrivent-elles ? Qu'est-ce qui a pu les déclencher ? Si vous souffrez de dépression, à quel moment est-ce... pire ? » 

    En s'observant, nous pouvons déterminer ce qui est le plus difficile. Avant d'isoler les racines de cette difficulté, et de dénicher des conseils adaptés. « Mais si ça ne marche pas, ne culpabilisez pas. On est dans une situation inédite, qui se prolonge. Si vous n'arrivez pas à tenir un planning parfait, c'est tout à fait normal. Si vous sentez qu'un état dépressif prend le dessus, essayez de maintenir un rythme de base : se lever, prendre une douche, manger trois repas par jour... Des choses très basiques. »

    Les activités manuelles sollicitent, dans le cerveau, le circuit de la réponse et procurent ainsi une sensation de bien-être. Cuisine, puzzles, couture, musique... « <em>Une activité que l'on va pouvoir faire jusqu'au bout et maîtriser</em> » sera bénéfique, explique Charlotte Jacquemot. Mais il ne doit pas s'agir d'un challenge trop dur à relever, sans quoi l'effet sera inverse. © utoi, Adobe Stock
    Les activités manuelles sollicitent, dans le cerveau, le circuit de la réponse et procurent ainsi une sensation de bien-être. Cuisine, puzzles, couture, musique... « Une activité que l'on va pouvoir faire jusqu'au bout et maîtriser » sera bénéfique, explique Charlotte Jacquemot. Mais il ne doit pas s'agir d'un challenge trop dur à relever, sans quoi l'effet sera inverse. © utoi, Adobe Stock

    La psy révoltée suit des personnes qui n'arrivent ni à se lever ni à s'habiller. Ces personnes-là, non plus, ne doivent pas culpabiliser. Lorsque nous ne ressentons plus aucune envie, « testons ». Sans se forcer, tester des activités pour découvrir ce qui nous plaît ou ne nous plaît pas. « Être à l'écoute de ses besoins : est-ce que je dois garder un rythme ? avoir des supports pour penser mes interrogations ? garder un lien ? » Tout en gardant en tête d'être indulgent envers soi-même.

    L'information en boussole

    Depuis le début de cette pandémie de coronavirus, un obstacle ne cesse de revenir : l'incertitude. « L'humain n'aime pas tellement l'incertitude », euphémise Charlotte Jacquemot. Une personne stresse moins si elle a des connaissances sur ce qu'il se passe ou sur ce qu'il va se passer. Des connaissances auxquelles se raccrocher.

    « Le fait de mieux comprendre la situation nous soulage, explique la chercheuse en neuropsychologie. Par exemple, mieux comprendre comment le virusvirus se propage, comment on peut se protéger... Quand on nous explique pourquoi on nous demande de faire ci ou ça, c'est beaucoup plus facile de réagir. » L'éducation et l'information sont des facteurs clés pour dompter le stressstress. Si ladite information est trop anxiogène, la psy révoltée favorise l'écrit à l'image, car « les images à la télé ont un potentiel traumatogène plus important que les textes écrits ».

    Chez les lycéens, cette situation se répercute sur les choix d'orientation. Une partie d'entre eux indiquent « privilégier les filières en petits effectifs par rapport aux universités, parce qu'ils ont peur de ce qu'il peut se passer », souligne Marianne Habib. Sans visibilité sur un retour à la normale, ils s'adaptent. Dans une certaine limite.

    La santé mentale, au même titre que la santé physique

    Hotlines. Services d'aide. Consultations en psychiatrie et en psychologie. Pour les jeunes et les moins jeunes, tout est saturé. « Il existe des dispositifs pour accéder à des psychologues rapidement », rappelle la psy révoltée. Dans chaque ville disposant d'un hôpital public, est rattaché un centre médico-psychologique. Un CMPCMP où le suivi psychologique est entièrement pris en charge par la sécurité sociale. 

    Le délai entre la demande et le premier rendez-vous peut être long. Trop long. Mais « il peut y avoir rapidement un premier rendez-vous avec un infirmierinfirmier, qui agira s'il vous sent en danger ». La psy révoltée évoque aussi les urgences, qui accueillent des psychologues de garde. Surtout, « il n'y a aucune honte à demander de l'aide ». Une douleurdouleur physiquephysique ne disparaît pas toujours toute seule. Une douleur psychique non plus. Les professionnels de santé sont là pour ces cas.

    Sur le long terme, le stress et l'anxiété générés peuvent avoir des répercussions. « Tout va dépendre de la prise en charge », confirme Charlotte Jacquemot, qui se positionne « complètement » en faveur du remboursement des soins psychologiques. Certaines personnes subissent une dépression. D'autres, du stress post-traumatiquestress post-traumatique. « Comme s'il y avait eu un accidentaccident ou un attentat. » 

    14h53. 14h54. 14h55...