La fatigue mentale épuise certaines régions du cerveau liées à la maîtrise de soi et à la prise de décision, rendant les gens plus irritables, plus impulsifs et moins coopératifs, selon une étude italienne. Trop de contrôle émotionnel induit donc un état de « somnolence » cérébral et affecte ainsi directement nos décisions et interactions sociales.
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Vous êtes plus indécis et irascibles qu'à l'accoutumée après une journée de travail particulièrement éprouvante ? Pas de panique, c'est normal. Une étude italienne, parue dans la revue PNAS, affirme que la fatigue mentale épuise certaines régions du cerveau responsables de la maîtrise de soi et de la prise de décisions.
Une équipe de recherche de l'IMT School for Advanced Studies de Lucca est arrivée à ce constat surprenant après avoir mené deux expériences destinées à tester l'effet de l'ego depletion (« l'épuisement de l'ego », en français). Cette notion a été théorisée en 1998 par le psychologue social américain Roy Baumeister et ses confrères dans une étude parue dans le Journal of Personality and Social Psychology.
Elle repose sur l'idée que la volonté et le contrôle de soi fonctionnent comme des ressources limitées. Chaque effort de self-control comme le fait de ne pas se laisser déborder par ses émotions puiserait dans une « réserve » de volonté. Une fois cette réserve épuisée, il devient plus difficile de faire preuve de maîtrise de soi, ce qui pourrait mener à des comportements plus impulsifs ou moins coopératifs.
La théorie sur le grill
Pour tester la véracité de cette théorie, les chercheurs ont demandé à 44 participants de réaliser une série d'exercices cognitifs sur ordinateurordinateur pendant 45 minutes - au lieu des 15 minutes habituellement utilisées dans ce type d'étude. Ils leur ont notamment demandé de regarder des clips vidéo émouvants. La moitié des volontaires devaient garder le contrôle de leurs émotions à chaque instant, tandis que les autres pouvaient se laisser aller sans contrainte. Tous les participants portaient des casques d'électroencéphalogramme (EEG) durant l'expérience, afin que les scientifiques puissent suivre en direct leur activité cérébrale.
L'analyse des électroencéphalogrammes a révélé que les individus ayant fait preuve de self-control tout au long de l'expérience présentaient une activité cérébrale accrue dans le cortex préfrontal. Cette région du cerveau agit comme une sorte de centre de contrôle dans la régulation des émotions : elle permet d'inhiber les réactions impulsives pour adopter un comportement plus réfléchi. Mais encore faut-il qu'elle fonctionne correctement.
Le cerveau en état de somnolence
En effet, les chercheurs ont remarqué que les volontaires ayant fait preuve de self-control durant l'expérience présentaient une augmentation des ondes cérébrales deltadelta dans les zones du cortex préfrontal liées à la prise de décision et à la maîtrise des impulsions. Or, ces ondes de grande amplitude sont associées au sommeil profond chez l'être humain, ce qui suggère que ces zones cérébrales se seraient « assoupies » durant l'expérience.
“Un effort intellectuel intense et prolongé affecte l’autocontrôle et la prise de décision”
Exercer un contrôle complet sur ses réactions émotionnelles pendant de longues minutes plongerait donc le cortex préfrontal dans un état de somnolencesomnolence. Ce qui peut avoir des répercussions sur notre comportement. Les auteurs de l'étude en ont eu la preuve après avoir mené une autre expérience durant laquelle ils ont demandé aux mêmes volontaires de participer à des jeux de coopération.
Résultat : 86 % des participants n'ayant pas été dans la maîtrise de leurs émotions durant la phase 1 de l'étude faisaient preuve d'entraide, contre seulement 41 % de ceux qui avaient dû se contenir. Ces derniers avaient tendance à être beaucoup plus compétitifs.
Autrement dit, la fatigue mentale ne serait pas quelque chose à prendre à la légère. Un effort intellectuel intense et prolongé affecte l'autocontrôle et la prise de décision. Mieux vaut donc éviter de prendre des décisions importantes ou d'aborder des sujets potentiellement conflictuels avec vos proches après une grosse journée de boulot. Si vous devez impérativement le faire, accordez-vous une pause en faisant du sport ou des exercices de méditation. Cela vous aidera à être plus raisonnable.