Le cerveau crée et détruit des synapses en permanence, ce qui lui permet de rester efficace en ne conservant que les informations utiles. Des chercheurs viennent de découvrir la clé de ce processus également impliqué dans les troubles neurologiques comme la schizophrénie ou les démences fronto-temporales (DFT).
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Imaginez le cerveau comme un arbrearbre en croissance : les branches poussent dans toutes les directions et il est nécessaire de l'élaguer régulièrement afin que les branches principales puissent se développer dans les meilleures conditions. Dès l'âge de trois ans, le nombre de connexions entre les neurones (synapses) diminue ainsi au rythme de trois millions par seconde. Une armée de « jardiniers » élimine les synapses les moins pertinentes et conserve les plus importantes -- comme, par exemple, celles servant à signaler un danger.
Le saviez-vous ?
50 à 90 % de la matière grise du cerveau n’est pas constituée de neurones mais d’un tissu de soutien composé de différentes cellules (astrocytes, microglies, oligodendrocytes, cellules de Schwann…) regroupées sous le nom de cellules gliales. Ces cellules ont un rôle de soutien et de « colle » mais elles peuvent aussi communiquer avec les neurones par l’intermédiaire d’ions ou de neurotransmetteurs.
Microglies contre astrocytes : qui est le meilleur jardinier ?
Jusqu'à présent, on pensait que ce rôle d'élagage était dévolu aux microglies, déjà chargées d'éliminer les débris cellulaires des neurones endommagés (par exemple, après une blessure cérébrale). En 2011, une équipe italienne avait ainsi montré comment les microglies « engloutissent » les synapses pendant le développement postnatal chez la souris. En réduisant le nombre de microglies, les chercheurs avaient constaté que les souris avaient des synapses plus nombreuses mais moins efficaces.
Ce rôle de jardinier leur est pourtant aujourd'hui contesté par une nouvelle étude parue dans Nature. « Nous montrons ici pour la première fois que ce sont les astrocytes et non les microglies qui éliminent constamment les connexions synaptiques excitatrices, excessives et inutiles, des adultes en réponse à l'activité neuronale », explique Won-Suk Chung, chercheur au Korea Advanced Institute of Science and Technology (Kaist). Les astrocytes, ainsi nommés en raison de leur forme en étoileétoile, forment un réseau autour des neurones, un peu comme des lianes autour d'une branche. Ils assurent de nombreuses fonctions, en particulier dans la transmission synaptique et les liaisons entre neurones (voir encadré), mais on ignorait jusqu'ici leur capacité à « manger » les synapses.
Éliminer les synapses qui encombrent la mémoire
Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont mis au point un capteurcapteur moléculaire capable de détecter l'élimination des synapses par les cellules glialescellules gliales et de quantifier la fréquence et le type de synapses éliminées. Ils ont utilisé ce capteur chez des souris dépourvues de MEGF10, le gènegène qui permet aux astrocytes d'éliminer les synapses. Ces souris présentent un nombre inhabituellement élevé de synapses excitatrices dans l'hippocampehippocampe. Or, ces synapses excitatrices sont fonctionnellement altérées, ce qui provoque un apprentissage défectueux et la formation de mémoire excédentaire.
Les astrocytes pour traiter la schizophrénie et l’autisme ?
Reste à savoir comment s'effectue le tri entre les bonnes et les mauvaises synapses. Les astrocytes détruisent-ils indistinctement les synapses, seules les plus actives (donc celles utilisées le plus souvent) résistant à leurs assauts ? Il est également possible que les synapses les moins actives émettent des signaux chimiques qui « attirent » les astrocytes. Il semble également que chaque région du cerveau ait des taux d'élimination synaptique différents. Quoiqu'il en soit, la modulationmodulation astrocytaire pourrait être une piste de traitement dans divers troubles neurologiques impliquant une mauvaise « taille » des synapses, comme certaines formes d'autismeautisme, la schizophrénie, la démencedémence fronto-temporale ou les crises graves d'épilepsieépilepsie.