Contrairement aux mécanismes nerveux de la douleur, la sensation de la douleur n'est pas un phénomène stable. Elle peut être amplifiée, atténuée, aiguë, chronique, elle peut durer longtemps, survenir sporadiquement. Bref, la sensation de douleur n'est pas un phénomène homogène. Mais des scientifiques viennent de mettre le doigt sur les mécanismes qui régulent l'intensité de la douleur.
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La douleur est essentielle à notre survie. Elle nous informe qu'une partie de notre corps est endommagée ou qu'il y a un problème. On a tous remarqué que le stress ou l'anxiété avait la capacité d'amplifier cette douleur tandis que se concentrer sur une autre tâche, se distraire en somme, pouvait mener à l'atténuation de la douleur. D'après les travaux de Yarimar Carrasquillo, auteure principale de l'étude et scientifique du Centre national de la santé complémentaire et intégrative (NCCIH, National Center for Complementary and Integrative Health, États-Unis), et de son équipe, les mécanismes qui mènent à ces sensations sont mieux décryptés.
Une historie d'expression de protéines
C'est l'amygdale centrale qui serait responsable de l'évolution de la douleur. Selon le comportement adopté - stress ou distraction -, les cellules de l'amygdale centrale n'expriment pas les mêmes neurotransmetteurs. En situation de stress, c'est une protéine appelée kinase C deltadelta qui amplifiera la sensation de douleur tandis que si l'on se concentre sur une autre tâche, ce sera la somatostatine qui sera relâchée et qui réduira cette sensation.
La sensation de douleur peut donc être modulée. Mais cette information n'est pas utile pour tout le monde. En effet, lorsqu'une douleur survient, il vaut mieux tenter d'en identifier la cause afin de la faire disparaître plutôt que de ne pas en prendre compte. Rappelons-le, la douleur est un message d'alerte. Si elle persiste sans cause identifiable, mieux vaut passer des examens médicaux. Par contre, là où cette découverte peut être intéressante, c'est dans la gestion de la douleur chronique.
Des pistes contre la douleur chronique
Un nombre conséquent de Français souffrent de douleurs chroniques plus ou moins intenses altérant leur qualité de vie. Ce type de douleur ne semble pas utile. En effet, une douleur informe d'un danger. Si l'on peut continuer à vivre tout en ressentant cette douleur, c'est probablement que le système de gestion et de modulationmodulation de la douleur dysfonctionne. Grâce à cette étude, on peut imaginer identifier des voies médicamenteuses afin d'amener les neuronesneurones concernés à exprimer plus de somatostatine. Enfin, rappelons que l'activité physiquephysique peut parfois constituer une solution contre les douleurs chroniques.
Les 30 neurones qui peuvent calmer nos douleurs
Un modeste groupe de trente neurones constitue une sorte de centre de contrôle de la douleur dans notre cerveaucerveau : c'est ce que viennent de découvrir des chercheurs français. Une voie intéressante pour de futurs traitements contre des douleurs chroniques.
Ce coup de marteau sur les doigts du bricoleur du dimanche a dû lui faire mal. Mais il aurait eu encore plus mal si l'ocytocine, un peptide synthétisé par une région du cerveau appelée hypothalamushypothalamus, n'intervenait pas très tôt dans les processus cérébraux modulant la réponse douloureuse. De la contraction de l'utérusutérus au moment de l'accouchement, à l'éjection du lait maternellait maternel après la naissance, en passant par son implication dans la régulation des interactions sociales, de l'anxiété ou de la douleur, l'ocytocineocytocine est un messager essentiel mais, pour l'instant, assez mystérieux. En effet, les mécanismes qui aboutissent à sa diffusiondiffusion n'avaient jusqu'à présent pas été décryptés.
Une équipe internationale de chercheurs, coordonnée par Alexandre Charlet de l'Institut des neurosciences cellulaires et intégratives du CNRS, s'est penchée sur le processus de libération d'ocytocine lorsqu'une douleur est perçue. Elle a découvert que le centre de contrôle, dans le cerveau, qui coordonne la libération de l'ocytocine n'est constitué que d'une petite trentaine de neurones de l'hypothalamus. Leurs résultats viennent d'être publiés dans la revue Neuron.
Lors de douleurs aiguës ou d'une sensibilisation inflammatoire (brûlure, pincement, coupure, etc.), l'information est acheminée par les nerfsnerfs périphériques jusqu'aux neurones de la moelle épinière. Ceux-ci interprètent l'intensité du message et le codent en conséquence. L'information est alors adressée à d'autres neurones, parmi lesquels une petite population de 30 cellules de petite taille du noyau paraventriculaire de l'hypothalamus, identifiés par l'équipe d'Alexandre Charlet. En retour, ils activent une famille de gros neurones, les neurones magnocellulaires, dans une autre région de l'hypothalamus, qui libèrent l'ocytocine dans la circulation sanguine. La cible : les neurones périphériques (ceux disséminésdisséminés dans le corps) qui continuent d'envoyer au cerveau le message responsable de la sensation douloureuse. L'ocytocine vient les « endormir » et de ce fait, diminuer la douleur.
L’ocytocine, un antidouleur
Mais les trente donneurs d'ordre ne s'arrêtent pas là. En parallèle, le prolongement de ces cellules, appelé axone, qui mesure jusqu'à un mètre chez l'humain, atteint les couches profondes de la corne dorsale de la moelle épinièremoelle épinière. C'est précisément à cet endroit, où le message sensoriel est codé en intensité, qu'ils libèrent l'ocytocine. Ils diminuent donc, par deux voies simultanées, la reconduction du message douloureux au cerveau.
Les travaux de l'équipe ont donc permis d'expliquer la manière dont différentes populations de neurones à ocytocine se coordonnent afin de contrôler l'interprétation du message « douleur » par le système nerveux. La découverte de ce centre de contrôle analgésiqueanalgésique est prometteuse dans le cadre du traitement des douleurs pathologiquespathologiques. Cibler cette poignée de neurones permettrait en effet de limiter les effets secondaires d'un potentiel traitement. Pour l'heure, l'équipe continue de les étudier, cette fois pour découvrir leur implication dans la libération de l'ocytocine permettant la lactation et certains comportements sexuéssexués.
Ce qu’il faut
retenir
- L'amygdale centrale serait responsable de l'évolution de la sensation de douleur au cours du temps.
- En situation de stress, la protéine kinase C delta s'exprime et amplifie la douleur. À l'inverse, si on concentre son attention sur une autre tâche, c'est la somatostatine qui est relâchée et la douleur s'atténue.
- La compréhension de ce mécanisme pourrait mener à des pistes thérapeutiques contre la douleur chronique.