Après l’explosion de Tchernobyl en avril 1986, une zone d’exclusion a été créée autour de la centrale et 350.000 personnes ont été évacuées. Trente-trois ans plus tard, la nature, qui semble reprendre ses droits en l'absence de l'Homme, est étudiée de près par les scientifiques.
au sommaire
Causant des milliers de morts, l'explosion de Tchernobyl est le plus grave accident nucléaire de l'Histoire. L'environnement naturel a lui aussi souffert, comme les forêts de pins proches de la centrale : cette région a reçu des doses importantes de radiations, les arbresarbres sont morts et leurs feuilles sont devenues rouges, d'où le nom de « forêt rouge » donné à ces boisbois. Peu d'animaux ont survécu aux radiations émises.
On pourrait penser que la région de Tchernobyl resterait une zone sans vie, en raison de la persistance des radiations dans le temps. Pourtant, aujourd'hui, dans la zone d'exclusion de Tchernobyl qui se trouve en partie en Ukraine et en Biélorussie, vivent des ours bruns, des bisons, des loups, des lynx, des chevaux de Przewalski, et plus de 200 espècesespèces d'oiseaux.
Les grands mammifères profitent de l’absence de l’Homme
Dans un article paru sur The Conversation, Germán Orizaola, chercheur à l'université d'Oviedo en Espagne, décrit la biodiversitébiodiversité présente dans la zone d'exclusion de Tchernobyl. Par exemple, dans le cadre d'un programme britannique appelé « Tree-project », des caméras ont été installées en différents points de la zone d'exclusion.
Elles ont révélé la présence d'une faunefaune abondante dans des zones ayant pourtant de hauts niveaux de radiations : « Ces caméras ont enregistré la première observation d'ours bruns et de bisons d'Europebisons d'Europe à l'intérieur du côté ukrainien de la zone, ainsi que l'augmentation du nombre de loups et de chevaux de Przewalski. »
Le travail de Germán Orizaola a porté sur les amphibiensamphibiens. Son équipe a montré que les grenouilles de Tchernobyl sont plus sombres que celles qui vivent à l'extérieur de la zone d'exclusion, ce qui pourrait être une forme de défense contre les radiations. Des effets négatifs des radiations ont aussi été mis en évidence sur les animaux : les insectesinsectes auraient une espérance de vie plus courte à Tchernobyl, et il y aurait plus d'oiseaux albinos.
Tchernobyl : la vie reprend-elle ses droits ?
Article de Claire PeltierClaire Peltier paru le 26 avril 2011
À Tchernobyl, vingt-cinq ans après l'explosion de la centrale nucléairecentrale nucléaire russe, la vie a-tt-elle repris son cours ? Si les études disent tout et son contraire, il n'en reste pas moins que les plantes et les animaux sont présents, même dans les régions les plus contaminées.
- Découvrez notre dossier Tchernobyl
Depuis vingt-cinq ans, une région autour de la centrale nucléaire de Tchernobyl, appelée zone d'exclusion, a été désertée par les populations locales. Pas moins de 135.000 personnes se sont réfugiées à plus de 30 kilomètres de la centrale, d'où se dégageait alors un panache radioactif suite à l'explosion du réacteur numéro 4. La ville de Prypiat notamment, située à 2 kilomètres seulement de la centrale est aujourd'hui encore à l'état de ville fantôme.
Si les humains, prévenus à temps, ont tant bien que mal pu survivre aux radiations et aux contaminations (avec toutefois des taux recensés plus élevés de cancer de la thyroïde, de malformations congénitalesmalformations congénitales...), qu'en est-il de la faune et de la flore, restées sur place ?
La vie n’a pas disparu de Tchernobyl
Des reportages télévisés montrent au monde entier que la nature a repris ses droits, et que des végétaux et toutes sortes d'animaux (daimsdaims, lapins, souris, oiseaux et même des loups ou des ours...) envahissent la cité désertée. La vie a donc su triompher, ce qui est déjà en soi une bonne nouvelle, sachant qu'une exposition chronique à la radioactivité peut entraîner des processus biologiques (des dégradations de l'ADN et par voie de conséquence des cancers) menant à une mort plus ou moins rapide.
Mais ces animaux vivent-ils réellement aussi bien sur le site de Tchernobyl que dans une région non polluée par la radioactivitéradioactivité, ou sont-ils seulement des « survivants » ? Pour répondre à cette question qui fait débat, de nombreuses études ont été réalisées dans la fameuse zone d'exclusion par des biologistes internationaux.
Une décontamination très lente
Un des problèmes majeurs d'un accident nucléaire est que la décontamination est un phénomène extrêmement lent. Les éléments contenus dans le panache radioactif se sont d'abord déposés sur le couvert végétal et se sont ensuite infiltrés dans le sol, grâce aux pluies. Aujourd'hui encore, le césium 137 et le strontium 90 (dont les demi-viesdemi-vies avoisinent les trente ans) continuent de migrer verticalement dans le sol à raison de 2 à 4 centimètres par an.
Cette migration des radionucléidesradionucléides est en plus freinée par l'absorptionabsorption de certains d'entre eux par les racines des végétaux, qui vont alors les incorporer dans leur organisme, ce qui a pour conséquence de faire remonter en surface les éléments radioactifs. Les plantes et les champignonschampignons, prisonniers de la zone radioactive, portent ainsi les séquellesséquelles de la présence des radionucléides. Beaucoup d'entre eux présenteraient des tumeurstumeurs ou des anomalies structurales, et produiraient du pollenpollen ou des spores dont une grande quantité serait malformée.
Des plantes adaptées à la radioactivité !
Mais les végétaux continuent de se multiplier, et se seraient même adaptés à l’environnement contaminé. En effet, des scientifiques de laboratoires russes, canadiens et américains ont récolté sur la région de Tchernobyl des spécimens d'une plante très étudiée en laboratoire (Arabidopsis thalianaArabidopsis thaliana) et ont analysé ses descendants. De façon surprenante, ils ont pu montrer que ces plantes étaient devenues plus résistantes à de fortes doses de produits mutagènesmutagènes.
En analysant ces végétaux au niveau moléculaire, les chercheurs ont constaté une augmentation de la méthylation du génome, des modifications épigénétiques connues pour modifier l'expression des gènesgènes. Ainsi, ces modifications ont pu être corrélées à des changements transcriptomiques, notamment la production en plus grandes quantités d'enzymesenzymes de réparation de l'ADN et d'autres enzymes de protection contre la radioactivité : ce sont donc des superplantes !
Les animaux en souffrent-ils davantage ?
Les animaux ont-ils également développé des stratégies pour ne pas (trop) souffrir de la radioactivité ? Malheureusement, selon certains articles publiés dans des journaux scientifiques, la majorité des espèces animales étudiées (mammifèresmammifères, oiseaux, amphibiens, poissonspoissons, invertébrésinvertébrés) montrerait des signes d'anomalies morphologiques, physiologiques ou génétiquesgénétiques. Différentes espèces d'insectes et d'araignéesaraignées seraient aussi moins abondantes qu'ailleurs.
Une espèce particulière d'oiseauoiseau, l'hirondelle rustique (Hirundo rustica) a été abondamment étudiée, et les chercheurs (A. P. Møller et T. A. Mousseau) ont pu montrer que les individus de cette région ont des cerveaux plus petits, que leur ADN est plus abîmé et qu'ils sont victimes de beaucoup d'autres anomalies. Les observations ont également montré que ces oiseaux semblent modifier leur comportement face au danger de la radioactivité, car ils choisissent de concevoir leur nid dans les zones les moins contaminées de la région.
La vie continue
D'un autre côté, d'autres scientifiques, comme R. J. Baker et R. K. Chesser, de l'université du Texas Tech University, sont beaucoup plus positifs. Selon les conclusions de leurs travaux, également publiés dans des journaux scientifiques sérieux, les animaux seraient en bonne forme et toujours aussi nombreux. D'après eux, si la radioactivité à haute dose tue réellement, les effets d'une exposition chronique modérée ne sont pas bien connus mais s'avéreraient bien moins nocifs que ce qui était attendu.
Difficile, donc, de connaître précisément l'état des organismes vivant sur place. Les quelques scientifiques qui acceptent d'y travailler ont semble-t-il un parti pris qui peut influencer leurs recherches, même malgré eux, dans cet environnement où de multiples paramètres (beaucoup plus qu'en laboratoire) sont à prendre en compte. Quoi qu'il en soit, il est certain que la vie y continue malgré tout, finalement comme dans toute région ayant subi un cataclysme ou dans les lieux où les conditions environnementales sont difficiles.