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« Et tu tapes tapes tapes, c'est ta façon d'aimer », chantait le groupe Début de soirée dans son tube de 1988, Nuit de folie. Pourtant, comme le démontre une étude finlandaise, récemment parue dans le Journal of the Royal Society Interface, les applaudissements ne manifestent pas forcément le plaisir pris lors d'un spectacle ou d'une conférence. Ils se répandent surtout de la même façon qu'une maladie contagieuse : plus il y a de personnes qui frappent dans leurs mains, plus la probabilité que quelqu'un les imite augmente.
Le contexte : du comportement individuel au comportement collectif
Homo sapiensHomo sapiens est une espèceespèce sociale. Cela signifie que l'Homme ajuste son comportement en fonction des autres, et qu'il répond le plus souvent à des codes qui ont été fixés. Par conviction ou par pressionpression, il est amené à afficher des comportements de groupe, qu'il s'agisse de s'allier et de s'organiser pour défendre ses idées ou d'applaudir la prestation d'une personne sur scène ou à la tribune.
Souvent, on associe l'acte de frapper dans ses mains au plaisir que l'on a pris à assister à la représentation. Ainsi, on mettrait plus d'énergieénergie et d'intensité dans ses applaudissements lorsque le spectacle a été plaisant plutôt que lors d'une représentation ennuyeuse.
Mais une recherche de Richard Mann et de ses collègues de l'université d’Uppsala pourrait bien mettre à mal cette théorie. Du moins partiellement. Car les mathématiciensmathématiciens suédois ont montré que l'acte d'applaudir relevait davantage de la contagion que de la passion, et que la prestation n'était que secondaire dans la duréedurée des applaudissements.
L’étude : ils applaudissent donc je suis
Ces conclusions se basent sur l'observation de plusieurs groupes composés de 13 à 20 étudiants de l'université de Leeds (Royaume-Uni). Une même présentation orale a été réalisée à six reprises devant un public différent par une même personne, afin de fournir un spectacle identique. À leur insu, les étudiants étaient filmés afin de voir comment se répandaient les applaudissements dans toute la salle.
On n'applaudit pas toujours en tapant dans les mains. Chez les personnes malentendantes, on marque son approbation ou son enthousiasme en levant les mains en l'air et en les faisant pivoter. © Elyse Patten, Flickr, cc by nc 2.0
Dans ce cas de figure, les résultats montrent que les applaudissements débutent en moyenne 2,1 secondes après la fin du discours, qu'à t = 2,9 s, ils sont à leur maximum et qu'ils cessent à t = 6,1 s. Mais surtout, ils dépendent fortement du nombre de personnes qui tapent dans leurs mains. Concrètement, on applaudit plus facilement si le reste de la salle le fait. D'après les estimations des auteurs, la probabilité d'applaudir est 10 fois plus importante si 50 % de la salle le fait que si seules 5 % des personnes présentes le font. De fait, c'est également de cette façon qu'ils s'arrêtent : au bout d'un moment, de moins en moins de gens tapent dans leurs mains, ce qui diminue la probabilité de poursuivre l'action. Le fait d'applaudir dépend donc principalement de la pression sociale qui veut que l'on congratule l'orateur, plutôt que du plaisir pris.
De la même façon, la durée n'est pas forcément un signe de qualité. Les mathématiciens ont montré qu'il existe un ensemble de paramètres aléatoires qui peuvent faire varier les délais.
L’œil extérieur : des applaudissements à l’engagement politique
De leurs résultats, les scientifiques concluent que les applaudissements se propagent comme une maladie telle que le rhume : plus il y a de personnes contaminées, plus la probabilité de se retrouver dans le même état augmente. Les applaudissements semblent surtout dépendre du bruit occasionné par les voisins dans la salle : l'ouïe interviendrait plus que la vue.
En revanche, les huées suivent un schéma proche, mais malgré tout différent. Là aussi, tout dépend du nombre. Mais dans ce cas de figure, il existe un seuil en deçà duquel le public ne sera pas prêt à répondre.
Maintenant qu'ils se sont attaqués à un comportement simple (à court terme et dont chacun mesure l'enjeu), les mathématiciens comptent désormais s'engager dans la politique, pour comprendre ce qui peut inciter des gens à se lancer sur la durée dans des manifestations et dans une lutte pour des revendications.