Le Megavirus est détrôné : de nouveaux virus géants sont encore plus grands que lui. Nommés pandoravirus, ils rivalisent en taille avec les bactéries et suscitent de nombreuses interrogations. Leur génome, séquencé, ne contient que 7 % de gènes déjà rencontrés. Et les auteurs affirment déjà qu’ils seront bientôt surpassés par plus gros encore.

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    Jean-Michel Claverie et Chantal Abergel sont devenus des experts de la pêchepêche au gros. Les deux virologues de l'université d'Aix-Marseille recherchent depuis des années les virus géants. En 2003, ils avaient déjà participé à la découverte du Mimivirus, premier du genre découvert. Plus récemment, on leur doit la révélation du Megavirus, qui du haut de ses 700 nm était devenu le plus gros virus du monde.

    Mais la revue Science nous explique que son record est désormais dépassé. Les deux spécialistes marseillais ont exhumé des eaux chiliennes et australiennes deux nouveaux virus plus imposants encore. Tous deux ont été regroupés sous un genre nouvellement créé pour l'occasion : celui des pandoravirus.

    Il ne faut y voir aucune référence à la science-fiction moderne, mais plutôt à l'antique mythe grec qui explique que Pandore, à qui l'on confia une boîte qu'elle ne devait surtout pas ouvrir, se laissa emporter par sa curiosité et libéra tous les maux de l'humanité. Mais pas de panique : bien que mortels pour les amibes, des êtres unicellulaires, les virus géants n'ont jamais été retrouvés dans les cellules humaines. En revanche, ils réservent beaucoup de surprises...

    Des pandoravirus plus grands que les précédents virus géants

    Reprenons l'histoire dans l'ordre. Des échantillons prélevés dans des eaux de la côte chilienne ont montré la présence d'un organisme non identifié, visible sous la forme d'un gros point aux contours noirs dans des amibes. Une analyse génétique a permis de montrer qu'il ne s'agissait pas d'une bactérie parasiteparasite, bien qu'ayant une taille équivalente, mais d'un virus, long de 1 µm (soit 1.000 nm) et large de 0,5 µm. Son génome se compose de 1,9 million de bases, et là aussi, il fait à peu près aussi bien que les micro-organismes procaryotesprocaryotes.

    À l'image, on peut voir une amibe infestée par des pandoravirus (ronds grisés cerclés de noir). Ceux-ci, longs d'environ 1 µm, sont mortels pour cet unicellulaire. © Chantal Abergel, Jean-Michel Claverie

    À l'image, on peut voir une amibe infestée par des pandoravirus (ronds grisés cerclés de noir). Ceux-ci, longs d'environ 1 µm, sont mortels pour cet unicellulaire. © Chantal Abergel, Jean-Michel Claverie

    Plus tard, Jean-Michel Claverie, venu à Melbourne pour une conférence, a ramené un échantillon prélevé dans un étang de la région. Celui-ci contenait également un de ces virus géants, là encore dans une amibe. Celui-ci est même pourvu d'un ADN plus long, contenant en tout 2,5 millions de bases.

    Tous deux sont bel et bien des virus, car ils ne disposent pas des qualités des cellules vivantes, à savoir produire eux-mêmes leurs propres protéinesprotéines, récupérer de l'énergieénergie via l'ATPATP et se reproduire par division. En revanche, ils possèdent les caractéristiques intrinsèques des virus géants, disposant de certains de leurs gènesgènes et vivant selon un cycle bien défini. Ils insèrent leur génome dans les amibes. L'ADNADN rejoint le noyau, est lu grâce aux enzymesenzymes de la cellule, qui reproduisent des centaines de copies identiques. Et à la fin, l'amibe explose et meurt.

    Les virus qu’on avait pris pour des bactéries…

    Pour tout dire, ce n'est pas la première fois que ces microbes sont observés. Par exemple, en 2008, une étude menée par des parasitologues allemands notait la présence d'une bactériebactérie inconnue dans des amibes retrouvées dans les lentilles de contactlentilles de contact de femmes atteintes d'une pathologiepathologie oculaireoculaire nommée kératite. L'un des auteurs de ce travail, Rolf Michel, précise dans Nature News que cet organisme ressemble très fortement aux deux pandoravirus décrits.

    Mais ce qui fait la particularité de ces virus, ce n'est pas seulement leur taille, mais leurs gènes. En effet, l'analyse révèle que seul 7 % de leur patrimoine génétique a déjà été répertorié dans les bases de donnéesbases de données. Ainsi, les 93 % restants doivent contenir de nombreuses informations, dont on ne connaît pas la teneur aujourd'hui.

    … alors qu’elles n’étaient peut-être que leurs ancêtres

    Ainsi, il pourrait être plus facile de faire la lumièrelumière sur l'origine de ces virus étrangement grands. Les principales hypothèses considèrent que ces virus descendraient d'anciennes cellules, qui auraient parasité les cellules existantes, et que par simplification du génome, elles auraient perdu certaines de leurs capacités intrinsèques de reproduction et de production d'énergie, assurées par leur hôte. Ces parasites auraient seulement conservé les caractères leur permettant de survivre aux dépens de leur hôte.

    « Cela pourrait être une histoire un peu similaire à celles des plastes ou des mitochondries », précise à Futura-Sciences Thomas Figueroa, doctorant en virologie à l'université François Rabelais de Tours. Rappelons que ces organitesorganites, retrouvés dans les cellules végétales pour les plastes et dans les cellules animales pour les mitochondriesmitochondries, seraient d'anciennes bactéries phagocytées par les cellules eucaryotes, entretenant désormais une relation symbiotique, apportant de l'énergie à partir des nutrimentsnutriments apportés par la cellule.

    « Avec le temps, les mitochondries ont vu leur génome se simplifier, certains gènes ayant tout bonnement disparu au cours de l'évolution. Il aurait pu en être de même pour ces virus, mais cette fois sans mise en place de la symbiose, l'interaction étant délétère pour l'amibe », ajoute l'étudiant-chercheur.

    D’autres surprises en vue

    Un autre élément oriente les spécialistes sur cette piste. « Ces pandoravirus n'ont pas de capsidecapside, cette enveloppe protéique protectrice normalement retrouvée chez les virus, enchérit Thomas Figueroa. Difficile de penser que ces virus géants seraient issus d'ancêtres virus qui auraient vu leur ADN s'allonger à ce point. »

    Les auteurs ont même une idée plus précise sur la question. Alors qu'aujourd'hui on scinde le vivant en trois grandes lignées (les eucaryoteseucaryotes, les bactéries et les archéesarchées), les chercheurs pensent qu'en des temps très reculés existait un autre grand groupe, aujourd'hui disparu, de cellules parasites. Après des milliards d'années d'évolution, les virus géants en seraient les vestiges.

    Il reste donc encore beaucoup à découvrir sur ces pandoravirus, ce qui laisse entrevoir de belles perspectives de recherches dans le domaine, qui pourraient même remettre en question notre conception de la vie. Les auteurs nous font même déjà saliver. Ils reconnaissent qu'ils sont en voie de publier bien d'autres belles surprises encore. Probablement toujours plus gros. Mais avec quelles particularités cette fois ?