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L'évolution mène-t-elle toujours aux mêmes phénomènes et au même résultat ? Qu'en aurait pensé Darwin ? © Julia Margaret Cameron
Les chercheurs se sont longtemps demandé ce qu'il adviendrait si on reprenait tout à zéro à partir du Big BangBig Bang. Aboutirait-on au même résultat ? Aux mêmes formes de vie, aux mêmes plantes ? L'Homme existerait-il ?
En fait, il ne s'agit pas exactement d'une loterie. Tout n'est pas uniquement dû au hasard. Tous les organismes qui peuplent la Terre ont été soumis, depuis le début, à des pressionspressions environnementales. La question est : si on appliquait les mêmes pressions environnementales, finirait-on par obtenir le même résultat ?
Destins différents en fonction de l'environnement
C'est dans cette optique que s'inscrit l'étude de Patrick McGrath de l'université Rockefeller et ses collègues, portant sur des animaux souvent utilisés en biologie cellulaire : des vers du genre Caenorhabditis. Les résultats, publiés dans la revue Nature, montrent que dans certains cas, l'évolution séparée de populations distinctes peut mener au même résultat.
Les vers du genre Caenorhabditis - ainsi que de nombreux nématodesnématodes - ont un cycle de vie un peu particulier. Au stade larvaire, ils sont capables de détecter s'ils vont devoir lutter pour accéder aux ressources alimentaires, à l'image du quorum sensing chez les bactéries, grâce à des phéromones envoyées par leurs congénères. Si ceux-ci sont en nombre important ou si les ressources sont faibles, ils vont se plonger dans un état larvaire spécial, appelé larvelarve dauer, qu'ils peuvent garder plusieurs mois et pendant lequel grand nombre de leurs fonctions se bloquent, réduisant à peu de chose leur consommation d'énergieénergie. Ils peuvent ensuite revenir à la forme adulte quand l'environnement est moins hostile ou moins concurrentiel.
En fonction des conditions environnementales, et notamment de la densité de population, la larve emprunte la voie du stade dauer. Elle peut rester sous cette forme pendant plusieurs mois, évitant les périodes et les conditions hostiles. Ensuite, le vers passe à la phase adulte qu'il peut également atteindre directement. © Bruno Scala/Futura-Sciences
En laboratoire, les vers sont élevés en grande quantité. En théorie, ces conditions devraient mener les vers à choisir la voie dauer puisqu'ils détectent les fortes densités de populations. Mais les scientifiques ont observé que certaines populations de Caenorhabditis elegansCaenorhabditis elegans faisaient fi des signaux envoyés et passaient directement au stade adulte. En effet, cela peut leur conférer un avantage, puisque malgré la forte densité, les ressources alimentaires en laboratoire sont toujours suffisantes. En évitant l'étape de larve dauer, ces vers peuvent se reproduire et donc diffuser leurs gènes plus rapidement. C'est un avantage pour le succès reproducteursuccès reproducteur.
Même gène concerné pour des espèces différentes
Les scientifiques ont découvert que cette adaptation était le fruit de la perte de deux gènes responsables de la synthèse et du fonctionnement d'un récepteur aux phéromones émises par les vers. Sans ce récepteur, impossible d'obtenir des informations concernant les densités de population et donc, de déclencher le stade dauer.
Les chercheurs ont donc comparé les vers de leur laboratoire avec ceux d'autres laboratoires afin de dénicher d'autres populations contournant l'étape dauer. Ils ont ainsi trouvé qu'une population d'une espèceespèce du même genre, C. briggsae, tendait également à éviter le stade de larve dauer même en présence de forte densité. L'ancêtre communancêtre commun aux deux espèces, C. elegans et C. briggsae, est vieux d'environ 20 millions d'années.
Le contournement du stade dauer chez ces deux espèces est-il dû au même mécanisme ? C'est ce qu'ont investigué les chercheurs. Ils ont découvert que pour C. briggsae aussi, la perte d'un gène conférait cette capacité et en le comparant aux deux gènes perdus par C. elegans, ils se sont rendu compte qu'ils étaient le fruit de l'évolution d'un gène commun appartenant à leur ancêtre. En conclusion, alors qu'une centaine de gènes sont responsables du déclenchement du stade dauer, c'est le même gène qui a été modifié chez ces deux espèces.
C'est ce qui conduit les auteurs à dire que, dans une certaine mesure et dans certains cas, l'évolution est prévisible. Plus précisément, ils supposent que les gènes étudiés ici appartiennent à une classe qui ont une importance capitale dans le processus d’évolution. Leur mutation provoque des changements de phénotype qui sont viables. De là à en conclure que le scénario de la vie se déroulerait de la même façon s'il était reproduit, il y a un gouffregouffre que cette étude n'a évidemment pas franchi.