En retraçant l’évolution de la constitution des microbes durant la décomposition d’un cadavre, les scientifiques espèrent remonter à l’heure de la mort. Mais d’abord, il faut déterminer les changements qui s’opèrent au cours du temps. Exemple chez les souris.

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    Les amateurs de séries télévisées savent que l'on peut utiliser les insectes pour déterminer l'instant de la mort d'un cadavre en putréfaction. Certaines mouches peuvent venir y pondre, et en fonction du stade de développement des larves, on peut remonter le temps et estimer, avec une marge d'erreur de quelques jours, le moment du décès.

    Mais cette méthode est encore relativement imprécise et surtout dépendante d'un paramètre : la présence d'insectesinsectes à proximité. Les scientifiques espèrent trouver des tests plus fiables et caractéristiques. C'est pourquoi Jessica Metcalf, de l'université du Colorado à Boulder (États-Unis), s'est intéressée aux microbes impliqués dans la décomposition. Car jamais les micro-organismes ne font défaut.

    Avec ses collègues, elle s'est lancée dans une expérience sur des souris décédées. Les résultats, parus dans eLife, permettent d'établir la succession d'événements se produisant sur, dans et autour des cadavres des rongeursrongeurs à l'échelle microscopique.

    De fortes évolutions dans les populations microbiennes

    Cinq souris mortes ont été placées individuellement dans un réservoir en plastiqueplastique, positionné sur le sol, à proximité du lit d'un ruisseau. Pendant 48 jours, des prélèvements réguliers sur la peau de la tête et du torse de l'animal, ainsi que des échantillons intestinaux et du microbiote environnant ont été réalisés. Un examen de l'ADN est pratiqué à chaque fois, afin de déterminer les espècesespèces présentes et leur abondance.

    Tout autour de nous, sur nous, en nous, prolifèrent des milliards de bactéries, qui ne se gênent pas pour continuer à vivre et profiter de la mort d'un animal. © EMSL, Flickr, cc by nc sa 2.0

    Tout autour de nous, sur nous, en nous, prolifèrent des milliards de bactéries, qui ne se gênent pas pour continuer à vivre et profiter de la mort d'un animal. © EMSL, Flickr, cc by nc sa 2.0

    À partir du 6e jour, de nombreuses bactéries pouvant croître sans oxygène ont proliféré dans les intestins et ont relâché des gazgaz qui font gonfler le corps. Il finit par s'ouvrir sous la pressionpression autour du 9e jour. Alors à l'airair libre, les micro-organismes anaérobies stricts disparaissent, et le milieu est colonisé par des micro-organismes appréciant l'oxygène.

    Des fluides riches en ammoniaqueammoniaque et alcalins s'échappent du cadavre, et altèrent le microbiote du sol. Les acidobactéries en souffrent et disparaissent, au contraire des alphaprotéobactéries qui s'épanouissent. Cette abondance bactérienne fait le bonheur, autour du 20e jour de putréfaction, d'un ver nématode microscopique appelé Oscheius tipulae de son nom scientifique, qui se nourrit de tous ces micro-organismes.

    Une horloge qui reste à affiner

    Mais c'est au niveau de la peau que les indications temporelles pourraient être les plus précises. Peu après le décès, la tête est recouverte de bactéries de la famille des pseudomonadacées. Leur population continue même à croître, jusqu'à l'ouverture du corps. Elles commencent à régresser et ce sont des microbes présents dans le sol, des sphingobactéries, qui viennent les supplanter.

    Pour l'heure, la fiabilité d'une telle horloge à remonter le temps reste à démontrer, car la précision avancée par les auteurs est de l'ordre de 48 à 72 h. Mais pour l'affiner davantage, il faut connaître les mécanismes de la décomposition, et jusqu'ici, ils ne sont pas bien maîtrisés. Ces chercheurs collaborent avec d'autres équipes qui étudient les mêmes processus chez les cochons ou chez l'Homme, pour lesquels on peut observer des variations interspécifiques. Une phase essentielle pour la poursuite de l'enquête. Élémentaire, mon cher Watson !