Alors que la théorie dominante veut que l’évolution de la forme de la main ait fait de nous des animaux plus adroits dans la fabrication et l’utilisation d’outils, un scientifique américain jette un pavé dans la mare : et si nous étions aussi faits pour boxer ? Une hypothèse qui ne fait pas l’unanimité chez les chercheurs…

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    L'espèceespèce humaine a quelques particularités. Si l'Homme est, à l'heure actuelle, le seul animal possédant un langage articulé, il se distingue aussi de ses cousins par la forme de sa main. Les singes aussi sont capables d'utiliser les extrémités de leurs membres antérieurs pour saisir des objets, mais leurs paumes et leurs doigts sont proportionnellement bien plus longs, à l'exception du pouce, particulièrement allongé chez notre espèce.

    Une telle conformation permet à l'Homme de se montrer plus agile pour manipuler les outils, avantage adaptatif fondamental depuis 2,5 millions d'années qu’il s'y exerce. Cette hypothèse convainc la majorité des spécialistes de la question. David Carrier, biomécanicien à l'université d’Utah, est de ceux-là... Mais il y voit un autre avantage : celui de pouvoir former un poing qui, dans un contexte d'agression, favorise les dégâts engendrés chez l'autre. Notre main aurait évolué pour mieux frapper.

    Descendre de l’arbre pour libérer ses mains

    Parmi ses arguments, il soutient l'idée qu'il existe d'autres conformations qui nous rendraient encore plus adroits pour l'utilisation d'outils. En revanche, nous perdrions en contrepartie un peu de puissance de frappe. Finalement, notre main dans sa forme actuelle est un très bon compris entre la dextérité et la capacité à blesser l'autre.

    La main de l'Homme (à droite) est plus courte que celle de son cousin le chimpanzé (à gauche). Chez les grands singes, la paume et les doigts sont en général plus longs, à l'exception du pouce. © Denise Morgan, université d’Utah

    La main de l'Homme (à droite) est plus courte que celle de son cousin le chimpanzé (à gauche). Chez les grands singes, la paume et les doigts sont en général plus longs, à l'exception du pouce. © Denise Morgan, université d’Utah

    Or, comme nos ancêtres et nos cousins, nous sommes marqués par un dimorphisme sexueldimorphisme sexuel, c'est-à-dire des différences anatomiques entre les genres. Les mâles sont tout simplement plus imposants que les femelles. Chez ces espèces, on a noté de la violence et des combats entre les mâles. Cependant, les singes ne se frappent jamais avec le poing, et préfèrent donner des baffes ou mordre leur adversaire. 

    Pour David Carrier, nos aïeux auraient pu modifier leur façon de se battre après être descendus des arbresarbres. Une fois les mains plus libres, les voilà plus à même d'utiliser leurs mains différemment, afin de s'affirmer en tant que dominants du groupe. Ceux qui causaient le plus de dommages pouvaient prendre le pouvoir, accéder davantage aux femelles et conférer leur particularité anatomique à leurs descendants.

    Baffe ou coup de poing, quels dégâts ?

    Mais est-ce vraiment le cas ? David Carrier et ses collègues ont voulu tester leur hypothèse en faisant appel à 12 combattants de haut niveau, boxeurs ou spécialistes des arts martiaux. Le premier exercice était simple : ils devaient taper de toutes leurs forces dans un sac de frappe, poing fermé ou doigts ouverts. Dans les deux situations, la force exercée est équivalente. Un coup dans l'eau ?

    L'expérience consistait pour des habitués des sports de combat à taper dans un sac de frappe. Les forces exercées par les coups étaient enregistrées puis comparées, afin de déterminer qui du poing fermé ou de la main ouverte cause le plus de dégâts... © Lee J. Siegel, université d’Utah

    L'expérience consistait pour des habitués des sports de combat à taper dans un sac de frappe. Les forces exercées par les coups étaient enregistrées puis comparées, afin de déterminer qui du poing fermé ou de la main ouverte cause le plus de dégâts... © Lee J. Siegel, université d’Utah

    Pas pour les auteurs de l'étude parue dans le Journal of Experimental Biology. Ils se défendent en expliquant que la surface de contact est jusqu'à trois fois moins importante dans le coup de poing que dans la claque. La force globale est équivalente mais elle se répartit sur une zone plus petite, entraînant des dégâts plus importants.

    Évoluer pour mieux boxer, une idée qui fait débat

    Pour aller un peu plus loin, les combattants ont été soumis à une autre épreuve : taper sur une surface soit avec le poing complètement crispé, le pouce recouvrant au mieux les autres doigts, soit le pouce écarté. Dans ce dernier cas, les articulations à la base du majeur et de l'index étaient soumises à de plus fortes pressionspressions, montrant que le pouce stabilise et donc protège les autres doigts de la main au moment de porter son coup.

    Des arguments convaincants ? Pas pour tout le monde. Mary Marzke, de l'université d'État de l'Arizona, y voit plutôt une conséquence collatérale à une évolution nous amenant à davantage d'adresse manuelle. Elle rappelle que les grands singes utilisent parfois la base de leur paume pour se frapper et que cette partie n'a pas été étudiée, alors qu'elle aussi peut induire des dommages importants.

    Certaines questions restent sans réponse, mais David Carrier espère bien poursuivre les investigations pour apporter des éléments complémentaires afin de faire taire les critiques. Mais c'est à la force des arguments qu'il devra imposer son point de vue, non à la force de ses poings !