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Enfermées dans la résine depuis 100 millions d'années, ces cyanobactéries peuvent être observées comme un échantillon fraîchement prélevé. © CNRS-INSU, Rennes I
On sait que l'ambre est un matériaumatériau précieux pour les paléontologuespaléontologues. En coulant des arbresarbres, cette résine englue au passage une quantité de petits animaux ou leurs restes, comme des insectesinsectes, des araignées, des plumes d'oiseaux ou même, étonnamment, des organismes aquatiques et même du plancton marin. Fossilisée, elle les conserve ensuite durant des millions d'années.
En Charente-Maritime et dans l'Aude, dans plusieurs morceaux d'ambre, c'est un petit monde de cyanobactériescyanobactéries (longtemps appelées alguesalgues bleues) en parfait état de conservation qu'ont découvert Vincent Girard, Gérard Breton, Luc Brient et Didier Néraudeau, des paléontologues de l'université de RennesRennes. La trouvaille est rarissime. Pourtant, de la même famille (les procaryotes) que les bactéries, ces organismes se sont répandus sur la Terre très tôt, il y a plus de trois milliards d'années. On leur attribue les stromatolithesstromatolithes, ces formations rocheuses très anciennes, et les premières émanations d'oxygène, ce gazgaz corrosif très toxique pour les autres êtres vivants de l'époque. Leur pigment bleuté leur sert à capter l'énergieénergie solaire, comme la chlorophyllechlorophylle des plantes, et on trouve aujourd'hui ces organismes dans de nombreux milieux, même très inconfortables.
Un joli filament de cyanobactéries (Palaeocolteronema cenomanensis) inclus dans un bloc d'ambre datant de 95 à 100 millions d'années, trouvé en Charente-Maritime. La conservation est exceptionnelle et la coloration bleue, due à la phycocyanine, est bien perceptible. © CNRS-INSU, Rennes I
Mais la fossilisationfossilisation de ces petits êtres fragiles n'est guère efficace. Les cyanobactéries qu'a observées l'équipe rennaise se sont développées en colonies filamenteuses à la surface de coulées de résine, fraîchement descendue d'un arbre. Dans le cas de l'échantillon découvert en Charente-Maritime, les populations devaient vivre dans l'eau douceeau douce quand elles se sont fixées sur la résine. Les micro-organismes récupérés dans l'Aude vivaient probablement dans un milieu humide. La résine leur a servi de support et peut-être même de nourriture car les bactéries s'y sont un peu enfoncées. Quand elle s'est durcie, ces organismes y sont restés inclus à jamais.
Les fossiles de bactéries existent...
Les chercheurs ont constaté que la résine n'était pas translucidetranslucide mais cette opacité n'était due qu'à la présence de ces filaments bactériens. Le cœur de l'ambre, lui, était transparenttransparent. Ils ont donc pu à loisir étudier ces minuscules fossilesfossiles, après avoir soigneusement éliminé tout risque de contamination par des micro-organismes actuels ou par une pollution quelconque.
Publiés dans le Journal of Paleolimnology, les résultats montrent d'étonnantes images. La conservation des cyanobactéries est exceptionnelle malgré l'âge attribué à l'ambre : cent millions d'années. Il a été possible d'identifier une espèceespèce disparue, Palaeocolteronema cenomanensis, l'espèce dominante des populations découvertes, aux côtés d'une bactérie, Leptotrichites resinatus.
Une autre colonie de cyanobactéries. © CNRS-INSU, Rennes I
De façon surprenante, la couleurcouleur de ces organismes est restée perceptible. Elle est bien bleue. Le composant chimique à l'origine de cette teinte a pu être déterminé. C'est bien de la phycocyaninephycocyanine, c'est-à-dire la moléculemolécule qui sert encore aujourd'hui de pigment aux cyanobactéries actuelles.
Déjà pourvoyeuse de fossiles d'animaux, l'ambre doit donc aussi devenir une cible pour la paléomicrobiologie, une discipline difficile, actuellement surtout connue pour servir à déterminer l'origine infectieuse de maladies anciennes... Mais elle peut aussi être vue comme une branche de la paléontologiepaléontologie car, oui, on peut trouver des fossiles de bactéries...