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Vastes concentrations de l'algue Emiliania huxleyi au sud de la Grande-Bretagne, vues par satellite. Crédit Nasa
Emiliania huxleyi est une alguealgue unicellulaire microscopique exclusivement marine appartenant aux coccolithophoridés et au groupe des haptophytes. Elle protège son unique cellule sous une couche de plaques de calcitecalcite généralement discoïdes appelées coccolithes. Se déposant au fond des océans depuis des temps immémoriaux, les sédimentssédiments formés par ces amas de calcite deviennent de la craie.
Au laboratoire Adaptation et diversité en milieu marin, à Roscoff, Colomban de Vargas du CNRS et ses collègues de l'équipe Évolution du planctonplancton et paléocéans se sont aperçus que lorsque E. huxleyi est attaquée par un virus, elle se transforme complètement et devient invisible pour son ennemi.
Constituée d'une cellule de type diploïdediploïde, ce qui signifie que ses chromosomes sont constitués par paires, à l'instar de nos propres cellules, l'algue passe soudain à un stade haploïdehaploïde, chaque chromosome n'étant plus présent qu'en un seul exemplaire.
Des algues Emiliania huxleyi observées au microscope électronique à balayage, attaquées par un virus EhVs (coloré artificiellement en rose). Source Commons
Une stratégie anti-virale originale
« A l'origine, nous nous intéressions à Emiliania huxleyi, dont l'ancêtre serait apparu dans les océans il y a environ un milliard d'années, pour mieux comprendre sa physiologie, rapporte Colomban de Vargas. Mais un jour, un de nos étudiants en thèse, Miguel Frada, a noté la présence de cellules nageant un peu comme les spermatozoïdes dans le milieu de culture ».
A l'examen, les scientifiques se sont aperçus que ces nouvelles cellules étaient formées exactement de la même série de gènes que E. huxleyi, mais en un seul exemplaire. A peine revenus de leur étonnement, ils ont aussi constaté la présence dans le milieu de culture du virus EhVs (Emiliania huxleyi Viruses) spécifique de E. huxleyi. Ce virus est très commun, et réputé pour décimer de très importantes quantités de ces algues, dont les fortes concentrations sont quelquefois visibles depuis l'espace. « Alors totalement invisibles pour le virus, car elles présentent une surface impénétrable, ces cellules permettraient à l'espèceespèce de vivre en paix en attendant la dilution des virus par les courants océaniques », poursuit l'auteur.
Cette découverte à la fois unique et surprenante suggère que cette transformation serait à l'origine de la sexualité, basée sur un même processus de séparationséparation et de recombinaisonrecombinaison des brins d'ADN. Cette parade aurait ainsi permis aux premiers êtres vivants de notre planète d'échapper à une lutte perpétuelle avec les virus, leur permettant ensuite d'évoluer en des organismes plus complexes, pluricellulaires, dont l'espèce humaine est issue.
Non sans humour, les chercheurs ont déjà baptisé ce phénomène « stratégie du chat du Cheshire », en hommage au célèbre chat de Alice au pays des merveilles, se rendant invisible à volonté.