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Les cellules de notre sang nourrissent, nettoient et défendent nos tissus. Cependant, elles ont une duréedurée de vie limitée : l'espérance de vie d'un globule rouge ne dépasse guère trois mois, nos plaquettes meurent après une dizaine de jours et la grande majorité de nos globules blancs ne survivent que quelques jours. Le corps doit donc continuellement produire des cellules sanguines de remplacement.
C'est le rôle des cellules souches hématopoïétiques, plus communément appelées cellules souches sanguines. Nichées au cœur de la moelle osseuse, ces dernières déversent chaque jour des milliards de nouvelles cellules dans le flux sanguin. Pour accomplir cette mission stratégique, elles doivent à la fois se multiplier et se différencier, c'est-à-dire se spécialiser en globules blancs, globules rouges ou plaquettes. Une équipe de chercheurs français et allemands a mis en évidence un rôle supplémentaire et inattendu des cellules souches hématopoïétiques. Ces dernières seraient également capables de produire des globules blancs à la demande et en urgence pour faire rapidement face à une infection. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature.
Depuis de nombreuses années, les chercheurs s'intéressent à la façon dont les cellules souches hématopoïétiques se spécialisent en diverses cellules sanguines. Dans des travaux antérieurs, ils avaient déjà découvert que les cellules souches ne s'engageaient pas de façon aléatoire dans une voie de différenciation particulière, mais décidaient de leur destin en fonction de signaux internes et externes. Restait pourtant une question importante : comment une cellule souche parvient-elle à répondre avec discernement aux situations d'urgence en fabriquant, par exemple, des globules blancs spécialisés comme les macrophages.
Les globules blancs sont des cellules de l'immunité. Ils permettent à notre organisme de lutter contre une infection. Des chercheurs ont montré qu'une molécule signal, le M-CSF (facteur de croissance des macrophages), permet de les produire en urgence lors d'une infection. © Anne Weston, Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0
Le M-CSF induit la fabrication de macrophages en urgence
Jusqu'à présent, tout laissait à penser que la cellule souche se contentait de se différencier de façon aléatoire. Cette nouvelle étude démontre le contraire : les cellules souches peuvent percevoir des signaux et fabriquer en retour des cellules spécialisées pour faire face au danger. « Nous avons découvert qu'une molécule biologique signal, dénommée M-CSF pour MacrophageMacrophage Colony-Stimulating Factor facteur de croissancefacteur de croissance des macrophages, NDLRNDLR], était produite en grande quantité par l'organisme lors d'une infection, explique Sandrine Sarrazin, coauteure de la publication. Cette moléculemolécule active un gènegène appelé PU-1, ce qui induit la production de cellules de la lignée myéloïdemyéloïde [à l'origine de nombreuses cellules sanguines, NDLR], et en particulier de macrophages. »
Cette découverte est très originale tant par son approche que par les technologies de pointe qu'elle a nécessitées. Pour parvenir à leurs conclusions, l'équipe a en effet dû mesurer le changement d'état de chaque cellule. Cette étape présentait un double défi : les cellules souches sont très rares, on en compte à peine 1 pour 10.000 cellules dans la moelle osseuse d'une souris, et sont très difficilement reconnaissables.
Pourra-t-on utiliser le M-CSF lors d'une greffe de moelle osseuse ?
Pour distinguer les cellules souches hématopoïétiques des autres cellules, les auteurs ont utilisé un marqueur fluorescent signalant l'activation ou non du gène PU-1 : si le M-CSF était présent, le gène PU-1 devait s'activer et la cellule devenir fluorescente. Leurs résultats sont clairs : les cellules souches s'allument presque instantanément en réponse au M-CSF. Pour en avoir le cœur net, les chercheurs ont récupéré une à une chaque cellule et ont confirmé l'activation de gène PU-1 dans chacune d'elles.
Pour Michael Sieweke, directeur de l'étude, « l'identification de ce signal pourrait permettre d'accélérer artificiellement la fabrication de cellules immunitaires chez les malades confrontés à un risque aigu d'infection ». Le chercheur ajoute que « c'est le cas de 50.000 patients dans le monde qui sont sujets aux infections juste après une greffegreffe de moelle osseusemoelle osseuse. Le M-CSF pourrait stimuler la production de globules blancs utiles sans pour autant entraîner la fabrication de cellules immunitaires dirigées contre l'organisme. Ainsi, ils seraient protégés contre les infections le temps que leur système immunitaire se reconstitue. »