Face à la dengue, dont l'incidence augmente, les traitements manquent curieusement d'efficacité. On vient de comprendre pourquoi : le virus se métamorphose lorsqu'il passe du moustique à l'Homme. Élaborés à partir de la forme présente chez le moustique, les vaccins seraient bien moins performants contre le virus chez l'Homme...

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    Elle menace trois milliards de personnes, soit près de la moitié de la population mondiale ; particulièrement présente dans les régions tropicales et subtropicales, la dengue est une infection virale transmise par les moustiques. Elle entraîne des symptômes grippaux pouvant parfois évoluer vers des complications plus sérieuses sous forme de dengue sévère.

    À ce jour, il n'existe pas de traitement spécifique disponible contre la fièvre due à la dengue. Un vaccin est en cours de développement, mais ses performances sont limitées. Une étude récente, publiée dans les Pnas, pourrait changer la donne. Des chercheurs américains de l'université Purdue ont montré que le virus de la dengue changeait de forme en passant du moustiquemoustique à l'Homme. Cette découverte pourrait expliquer pourquoi les traitements actuels sont inefficaces.

    Le moustique-tigre <em>Aedes albopictus </em>est l’un des vecteurs potentiels de la dengue. Cette maladie menace potentiellement plusieurs milliards de personnes sous les tropiques. © James Gathany, CDC, DP

    Le moustique-tigre Aedes albopictus est l’un des vecteurs potentiels de la dengue. Cette maladie menace potentiellement plusieurs milliards de personnes sous les tropiques. © James Gathany, CDC, DP

    Autre forme pour le virus de la dengue qui passe chez l’Homme

    Pour examiner la structure en trois dimensions du virus de la dengue, les chercheurs ont utilisé la cryomicroscopie électroniquecryomicroscopie électronique. Cette technique utilise le froid lors de l'étape de fixation, ce qui permet de préserver la conformation originelle du virus. L'équipe a ensuite comparé l'aspect du virus lors d'une incubation à deux températures différentes, celle du moustique (température ambiante) et celle de l'Homme (37 °C). Leurs résultats montrent que le virus change de forme en fonction de la température. Dans le premier cas, il présente une surface lisse et un diamètre d'environ 50 nanomètresnanomètres. En revanche, à 37 °C, sa surface devient plus irrégulière et son diamètre s'agrandit pour passer à 55 nanomètres. « Ce résultat est une surprise, confie Richard Kuhn, coauteur de l'étude. Personne ne s'attendait à ce que le virus change d'apparence en passant du moustique à l'Homme ». Les chercheurs ont également montré que la forme irrégulière du virus était la plus infectieuse in vitroin vitro.

    En quoi cette découverte est-elle cruciale dans la recherche d'un vaccin contre la dengue ? Pour le comprendre, il faut revenir aux bases de l'immunologie. Lorsqu'un microbemicrobe infecte l'organisme, notre système de défense le scrute et fabrique des anticorps dirigés contre des régions antigéniques de surface appelées épitopes. Lors d'une vaccination, tout ou partie d'un pathogène est injecté dans l'organisme. Le système immunitairesystème immunitaire fabrique alors des cellules productrices d'anticorpsanticorps spécifiques qui circulent longtemps dans l'organisme et sont très rapidement activées en cas de nouvelle infection. Pour fabriquer un vaccinvaccin, il est donc important de connaître les épitopes capables de déclencher la meilleure réponse immunitaire, c'est-à-dire de fabriquer les anticorps les plus performants.

    Un espoir de vaccin ?

    C'est là que l'étude prend toute son importance : la forme « moustique » du virus ne présente pas les mêmes épitopes que la conformation « Homme », et par conséquent n'induit pas la même réponse immunitaire. En d'autres termes, un patient vacciné avec des épitopes de la structure « moustique » sera peu ou mal protégé contre le virus de la dengue. « La forme irrégulière du virus est celle présente chez l'Homme, un vaccin optimal contre la dengue devrait donc induire la production d'anticorps dirigés contre cette forme », explique Michael Rossmann, directeur de cette étude. Jusqu'ici, les recherches sur un vaccin contre la dengue ont probablement été réalisées à température ambiante, lorsque la forme du virus est celle présente dans le moustique. Cela pourrait expliquer pourquoi les vaccins contre la dengue produits jusqu'ici sont peu efficaces.

    Ces travaux encourageants offrent de nouveaux espoirs de recherche pour élaborer un vaccin contre la dengue. Ils pourraient également s'appliquer à d'autres maladies causées par des virus du genre FlavivirusFlavivirus, comme la fièvre jaunefièvre jaune et le virus du Nil occidentalvirus du Nil occidental.