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Des gènes portés par un même chromosome mais pourtant distants peuvent être coordonnées par une organisation spatiale jusqu'alors inconnue des bâtonnets d'ADN. Jusque-là, on pensait grossièrement que la structure des chromosomes importait peu, mais que l'expression génique dépendait de la présence de régulateurs (activateurs ou inhibiteurs). Cette vision des choses était seulement partielle. © Zephyris, Wikipédia, cc by sa 3.0
Découverts en 1882 par Walther Flemming, les chromosomes, supports de l'information génétique, continuent à livrer leurs secrets 130 ans plus tard ! Pour preuve, l'équipe d'Edith Heard du laboratoire Génétique et biologie du développement (Institut Curie/CNRS/Inserm) en collaboration avec celle de Job Dekker (UMass Medical School, Worcester, États-Unis) vient de mettre au jour une nouvelle organisation de ces bâtonnets d'ADN qui se trouvent dans le noyau des cellules. Les chromosomes forment une succession de pelotes dans lesquelles se regroupent plusieurs gènes qui peuvent ainsi être régulés de manière coordonnée au cours du développement. En clair, ces pelotes isolent des groupes de gènes intervenant de façon concertée lors d'étapes cruciales du développement de l'embryonembryon, mais aussi à l'âge adulte. Nature présente ces travaux innovants en ligne le 11 avril 2012.
Le support du matériel génétiquematériel génétique, les chromosomes, confinés dans un espace de quelques micromètresmicromètres, peuvent mesurer une fois dépliés jusqu'à la longueur d'un bras. Si l'on comparait le noyau d'une cellule à une balle de tennis, un chromosome mesurerait 5 kilomètres. Et il n'y en a pas qu'un seul ! Chez les humains, par exemple on en compte 23 paires dans chaque noyau cellulaire. Ils se compactent, se replient, s'enchevêtrent et s'entremêlent au cœur du noyau.
Les chromosomes se réorganisent
Alors les chromosomes, un plat de spaghettis dans le noyau des cellules ? « Pas tout à fait » explique Elphège Nora, post-doctorant à l'Institut Curie qui a réalisé ce travail. « Les chromosomes possèdent une réelle organisation spatiale et celle-ci est essentielle à leur fonctionnement. »
L'équipe d'Edith Heard, directrice CNRS du laboratoire Génétique et biologie du développement (Institut Curie/CNRS/Inserm) en collaboration avec celle de Job Dekker (UMass Medical School, Worcester, États-Unis) vient en effet de découvrir une nouvelle règle d'organisation spatiale. « Les chromosomes forment une succession de globulesglobules, des sortes de pelotes d'une taille de 100.000 paires de bases à 1 million de paires de bases » explique la chercheuse. Pour mémoire, la paire de base (abrégée par les fameux A, C, G, TT) est l'unité du génome et un chromosome peut, chez les humains, mesurer plus d'une centaine de millions de paires de bases.
Edith Heard a dirigé cette étude qui amène un vent nouveau sur la façon dont s'organisent les chromosomes. © Noak / Le Bar Floreal / Institut Curie
« La grande nouveauté est que cette organisation spatiale reflète l'organisation fonctionnelle du chromosome » ajoute Edith Heard. Cette organisation permet de regrouper dans une même pelote jusqu'à une dizaine de gènes, voire plus. On trouve également dans ces pelotes des séquences dites régulatrices, qui peuvent contrôler - tels des interrupteurs - l'activité des gènes qu'elles contactent physiquement. Ainsi compactés ensemble au sein de la même pelote chromosomique, un groupe de gènes - bien que s'étalant sur plusieurs centaines de milliers de paires de bases - peuvent donc partager les mêmes séquences régulatrices, et leur activité peut ainsi s'en trouver coordonnée.
« Nous savons depuis des décennies que l'ADN est enroulé autour des nucléosomesnucléosomes pour former la structure classique dite du collier de perles. Notre nouvelle étude indique que cette structure se replie pour former une nouvelle organisation dans laquelle plusieurs gènes sont regroupés en pelote, explique Job Dekker, co-directeur du programme de Biologie des Systèmes à l'université du Massachusetts. Cette organisation des chromosomes constitue un degré de repliement jusqu'à présent inconnu, et nous pensons qu'elle représente un principe d'organisation fondamental des génomes. »
Une meilleure coordination de l’expression des gènes
Cette découverte lève le voile sur une grande inconnue de la génétique, à savoir comment une altération à un endroit du génome peut perturber l'expression de gènes situés à plusieurs dizaines, voire milliers de paires de bases.
Un dommage au sein d'une pelote peut en effet avoir des conséquences sur tous les gènes qu'elle contient. Alors cet agencement ne sensibilise-t-il pas plus la cellule qu'il ne la protège ? « Cette organisation permet de rapprocher plusieurs éléments distants pour les soumettre aux mêmes influences. Ainsi à certains moments du développement il devient possible d'orchestrer finement l'activité de gènes très éloignés sur le chromosome linéaire mais qui sont en réalité très proches dans le noyau de la cellule, explique Elphège Nora. Une seule mutation peut donc avoir des effets sur tout un groupe de gènes si elle affecte l'organisation d'une de ces pelotes chromosomique. »
« Le noyau d'une cellule est empli de gènes et la cellule doit impérativement savoir à quel moment allumer ou éteindre ceux-ci, complète Job Dekker. En regroupant les gènes dans des pelotes qui les isolent, la cellule a trouvé une solution pour réguler de manière coordonnée des groupes de gènes sans interférer avec les autres. »